L’examen des programmes des candidats aux élections présidentielles de 2020 montre des différences dans la précision des incidences budgétaires, la majorité des documents de programme (8) ne comportent pas d’estimations consolidées des coûts pendant que certains (5) offrent des budgets. Quelle place pour l’investissement ?
Économies budgétaires et effort d’investissement
Pour l’institut FREE Afrik qui a produit une note en novembre 2020 sur : « Coûts et financements des programmes des candidats aux présidentielles burkinabè 2020 », des mesures d’économies sont envisagées dans plusieurs programmes et témoignent d’un souci de réduction du train de vie de l’État, d’efficacité et d’efficience des finances publiques. Cependant, leurs incidences en termes d’économies de ressources sont surestimées au regard du niveau réel des budgets alloués à ces différentes dépenses. L’ADF-RDA envisage un taux d’investissement inédit de 55% du budget de l’État. Ce taux n’a jamais été atteint dans l’histoire du Burkina Faso et, même au niveau du monde, ne l’a été qu’exceptionnellement dans l’histoire de certains pays, a fortiori sur tout un quinquennat. Toutefois, le parti n’indique pas les mesures et réformes qui doivent réaliser cette performance record.
Le financement du secteur privé est évoqué dans les programmes. A l’évaluation, cette question centrale pour le développement des entreprises et la croissance économique reçoit peu d’attention dans les programmes.
Le CDP indique que « les conditions juridiques et économiques seront créées pour accroitre considérablement la contribution des banques commerciales au financement de l’économie nationale ». Une sous-section est dédiée dans le programme de l’UPC à l’enjeu de « lever les contraintes structurelles au financement de l’économie ». Elle se termine par la nécessité de « reformes visant à accroître la concurrence, augmenter l’offre de crédit et baisser en conséquence les taux d’intérêt sont donc nécessaires dans le secteur bancaire et financier » (p.201).
Le secteur financier privé absent des programmes
Plusieurs programmes prévoient la création d’institutions bancaires ou de fonds. Agir Ensemble prévoit 02 banques : une « banque publique des infrastructures routières, aéroportuaires, sanitaires et scolaires », à capitaux mixtes ; et « une banque dédiée à la Petite et Moyenne Entreprise (PME) ».
Le MCR envisage « la création d’un fond national de financement des projets innovants et structurants des jeunes et des femmes de cent (100) milliards ».
Le MPP inscrit dans son programme « la création et l’opérationnalisation de la Banque postale afin d’accroître l’offre de financement des PME/PMI ».
L’UPC prévoit au moins 3 banques : « une Banque pour les femmes », une « Banque Nationale de développement des collectivités Territoriales, une banque publique d’investissement pour racheter les prêts immobiliers des agents de l’État et du privé ».
Quand le financement privé est évoqué il est dans la plupart des cas en mode Partenariat public privé (PPP).
Le modèle d’affaire des banques prévues ainsi que leur gouvernance, en particulier quand le statut public est envisagé ou la mixité du capital est difficile à réaliser, peuvent poser des problèmes importants d’autant que ces paramètres ne sont pas évoqués dans les programmes.
En tout état de cause, il peut être souligné que l’articulation des programmes avec le secteur bancaire et l’ensemble du système financier privé national est quasi-inexistant. Les exceptions portent sur des indications visant à « encourager et favoriser l’ouverture de banques d’investissement dans le but de créer des conditions favorables de prêts à des taux suffisamment bas pour encourager la création de petites et moyennes entreprises » (MPS), le « soutien à la petite mécanisation par l’octroi des crédits aux coopératives via les banques avec une garantie de l’État » (MRB), ainsi que l’incitation des « banques commerciales pour qu’elles accompagnent les créateurs de ranchs » (Agir Ensemble).
Le secteur bancaire national pourtant a connu des changements profonds ces récentes années avec l’extension de son réseau géographique, le déploiement de nouveaux produits et le renforcement de sa contribution à l’économie. Cette dynamique ainsi que les progrès des transferts et paiements par téléphone sont des facteurs que des réformes ciblées pourraient mettre davantage au service du financement de l’économie et de l’essor du secteur privé.
La fixation sur la création d’institutions bancaires à la viabilité douteuse, le recours à de nouveaux fonds nationaux pendant que les performances des fonds existants sont médiocres, ainsi que la négligence d’un système bancaire de plus en plus concurrentiel et dynamique, qui a atteint un total de bilan de plus de 7.000 milliards de francs CFA en 2018, constituent une autre limite majeure du volet finance des programmes.
Extrait de : FREE Afrik, novembre 2020, Note 001 et 002 : Coûts et financements des programmes des candidats aux présidentielles burkinabè 2020 : des limites et faiblesses importantes. Notes d’évaluation thématique des programmes FREE Afrrik/PAPE, Ouagadougou 2020.
Encadré
Pourquoi évaluer les coûts des programmes et leur financement ?
La budgétisation des programmes et leur financement sont des paramètres critiques qui permettent d’apprécier la faisabilité des promesses et engagements ainsi que la crédibilité des politiques proposées. L’analyse du financement des programmes peut permettre de déceler les propagandes politiques faites de propositions démagogiques et électoralistes sans fondement sérieux.
Le renforcement de la démocratie burkinabè requiert que le vote soit davantage déterminé par des critères et arguments relevant du contenu des programmes et de la capacité des candidats. La note d’évaluation de Free Afrik vise une contribution au renforcement de la démocratie pour le progrès social et économique.