La loi de finances de l’année contient le budget de l’Etat pour l’année civile. C’est l’article 9 de la loi organique n° 073-2015/CNT relative aux lois de finances qui le précise.
L’année budgétaire tire vers la fin. Si certains ministères et institutions songent déjà aux bilans financiers, c’est le moment propice pour d’autres d’accélérer la consommation de leur budget.
Mais les ordonnateurs et les comptables publics ne doivent pas perdre de vue « qu’aucune recette ne peut être liquidée ou encaissée, aucune dépense publique ne peut être engagée ou payée si elle n’a été au préalable autorisée par une loi de finances », comme l’indique l’article 4 de la loi organique n° 073. Elle précise également que lorsque des dispositions d’ordre règlementaire doivent entraîner des charges nouvelles ou des pertes de ressources, aucun décret ne peut être pris tant que ces charges ou pertes de ressources n’ont pas été prévues, évaluées et soumises à l’avis conforme du ministre chargé des finances.
Plus loin, l’article 25 précise : « En cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts par décret d’avances pris en Conseil des ministres. Le Parlement en est immédiatement informé et un projet de loi de finances portant ratification de ces crédits est déposé dès l’ouverture de la plus prochaine session du Parlement ». La loi de finances rectificative doit être déposée par le gouvernement si les grandes lignes de l’équilibre budgétaire ou financier définies par la loi de finances de l’année se trouvent bouleversées, notamment, par l’intervention de décrets d’avances ou d’arrêtés d’annulation de crédits. Voilà qui est bien clair.
Bien que cette loi explique la démarche à suivre, des ordonnateurs et les comptables publics se laissent souvent prendre au piège. Les rapports des institutions de veille et de contrôle de l’Etat en font cas lorsqu’ils sont rendus publics.
Le rapport 2018 de la Cour des comptes a relevé cette insuffisance récurrente. Suite au contrôle du budget 2016 de l’Etat, la Cour a observé que « des décrets d’avances et des arrêtés d’annulations ont été pris en 2017 pour le compte de l’exercice clos au 31 décembre 2016 ». Une régularisation qui viole les dispositions de la loi organique n° 073-2015/CNT. Selon cette loi, il est évident que les décrets d’avances et les annulations devaient être présents dans les 02 lois de finances rectificatives qui ont été adoptées au cours de l’année 2016.
La Cour a recommandé au ministre en charge des finances de veiller au strict respect des dispositions législatives et règlementaires encadrant l’exécution du budget de l’Etat, notamment, en ce qui concerne les modifications budgétaires.
La récurrence de cette remarque à l’issue des contrôles fait douter de la sincérité de l’exécution des budgets de l’Etat. En effet, dans le rapport 2017 de la Cour des comptes, le contrôle du budget 2015 de l’Etat avait décelé 03 irrégularités. La première indique que : « La loi de finances rectificative N°105-2015/CNT avait été adoptée le 26 décembre 2015 nonobstant l’impossibilité à cette période d’effectuer des engagements de dépenses de personnel, de matériel et de transfert conformément à la règlementation en vigueur. Elle a aussi constaté une récurrence dans l’adoption des modifications budgétaires au-delà des périodes d’engagement de la dépense publique ». Un non-respect des délais qui cache une mauvaise gestion. Cette loi de finances rectificative a, en réalité, régularise un budget très mal exécuté.
La deuxième irrégularité concerne l’existence des décrets d’avances. La Cour observe que : « Malgré ses multiples relances, la Cour n’a pas pu obtenir les différents décrets d’avances pris au cours de l’année 2015. En conséquence, elle n’a pas pu traiter cette partie ». Tout porte à croire que la loi de finances rectificative a été adoptée pour régulariser des dépenses non prévues qui, en réalité, n’ont jamais fait l’objet de décrets d’avances. La préoccupation ici se trouve au niveau de l’utilisation qui a été faite de cet argent.
La troisième irrégularité a trait aux justificatifs. La Cour a relevé que, d’une manière générale, les modifications des rubriques de recettes n’avaient pas été justifiées, notamment, les recettes en capital, les dons et les emprunts.
Si la loi existe, elle doit être appliquée. Sinon son caractère pédagogique perd son sens et les mêmes fautes seront relevées chaque année. Des ordonnateurs et les comptables publics peuvent détourner de l’argent impunément parce que le pays ne se donne pas les moyens de faire appliquer ses propres lois.o
Elie KABORE
Encadré
La Cour des comptes somme le ministre des Finances d’apporter des réponses, en vain
En 2018, la Cour des comptes a dénoncé des écarts de chiffres dans les rapports d’exécution du budget 2016. En effet, à la suite de l’examen des lois de finances rectificatives, des décrets et des arrêtés modificatifs, la Cour a procédé à un rapprochement entre les montants des dotations définitives et ceux du logiciel Circuit intégré de la dépense figurant dans le rapport d’exécution du budget, gestion 2016. Il en ressort des écarts de 198 millions FCFA sur le titre 2 (Dépenses de personnel), – 671,355 million FCFA sur le titre 3 (Dépenses de fonctionnement) et 473,355 millions FCFA sur le titre 4 (Transferts courants). Ces écarts résultent de la différence entre les dotations définitives de la loi de finances et celles du Circuit intégré de la dépense (CID). Le ministre en charge des finances d’alors a été sommé de fournir les actes justifiant ses écarts. N’ayant pas reçu de réponses, le ministre a été poliment invité par la Cour « à répondre aux observations de la Cour des comptes en lui fournissant des éléments probants ».o