« La crainte d’un futur génocide des Peuls ». C’est ce que craint l’Observatoire pour la démocratie et les droits de l’Homme (ODDH). Une inquiétude qui a été partagée avec les hommes de médias du Burkina Faso le 22 juin 2020. Elle a été l’occasion pour l’ODDH de partager son rapport alarmant titré « Burkina Faso, risque d’un nouveau Rwanda ?».
Pourquoi les Peuls du Burkina Faso sont menacés et comment est-on arrivé à parler de génocide ?
L’ODDH dénonce des opérations violentes auprès des Peuls, opérations effectuées par des milices locales et les volontaires pour la patrie, communément appelés VDP. Comme preuve, l’ODDH affirme qu’il y a déjà eu 925 exécutions arbitraires sur des Peuls, dont au moins 337 ont été commises entre janvier 2019 et le 31 mai 2020 par des milices civiles. Ces assassinats sont documentés par plusieurs ONG – le projet Armed Conflict Location & Event Data (ACLED), Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), Human Rights Watch (HRW), le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDP) et aussi par l’ODDH elle-même.
Face à cette situation, l’observatoire dénonce le « silence de l’Etat, ainsi que celui de la communauté internationale ». Un silence inquiétant, car selon l’observatoire, des scènes d’une barbarie effroyable se sont déroulées, à multiples reprises, sans que les populations attaquées ne bénéficient d’un quelconque secours.
La question qui est alors posée par l’Observatoire est celle-ci : compte tenu de l’ampleur des meurtres ethniques, n’y a-t-il pas un risque de vivre une répétition du scénario Rwanda ? Et d’affirmer, fort de ces statistiques, que l’USHMM (United states Holocost memorial mesuem) a donc malheureusement raison, « le Burkina Faso est devenu un terreau fertile pour un génocide ».
L’ODDH ajoute que « selon certains observateurs, dont l’USHMM, nous sommes en train de revenir à une situation qui prévalait au Rwanda au début des années 90 ».
Le résultat du sondage de l’USHMM
Comme chaque année, l’USHMM organise une enquête par sondage, ouverte au public. Celle-ci a été organisée en décembre 2019. Dans le questionnaire général, figurait cette interrogation : « Quel pays est le plus susceptible de connaître un nouvel épisode de massacre en 2020 ? »
Il en est ressorti que le Burkina Faso est le pays qui présente le plus grand risque de nouveaux massacres en 2020, alors qu’il était classé 57e en 2019 et 48e en 2018.
Que révèle ce sondage ? Il y est mentionné que « les insurgés recrutent parmi les populations marginalisées, principalement les éleveurs du groupe ethnique Peul/Fulani, en s’appuyant sur la perception de la corruption de l’État et les tensions intercommunautaires concernant l’accès à la nourriture, à l’eau et à la terre pour gagner des partisans. De l’autre côté, les forces de sécurité de l’État, ainsi que les milices ethniques alignées sur le gouvernement, commettent des attaques brutales contre des civils peuls/fulanis pour la plupart, qui sont soupçonnés de soutenir uniformément les insurgés ».
L’USHMM dévoile aussi que la plus forte concentration de violence contre les civils a été observée dans la région du Sahel, avec des incidents supplémentaires dans les régions du Centre-Nord, de l’Est et du Nord.
« La situation au Burkina Faso présente des similitudes avec les conflits intercommunautaires au Mali, que nous avons analysés dans notre rapport de 2018. Le Mali figure également parmi les dix pays les plus à risque, selon cette enquête », poursuit l’USHMM. Dans le document que nous avons consulté, il n’est fait allusion nulle part d’un quelconque rapprochement entre ce que le Burkina Faso vit et le Rwanda. D’où vient donc cette affirmation de l’ODDH ? La question leur a été posée. Nous attendons toujours leur retour.
Les causes de la violence au Burkina Faso
Selon le rapport présenté par l’Observatoire de la démocratie et des droits de l’Homme (ODDH), ce qui arrive au Burkina Faso est consécutive à la « crise politique et socioéconomique » qu’a connue le pays « après la chute du régime de Blaise Compaoré et aussi la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle ». Cette crise a favorisé l’installation de jihadistes.
Des groupes armés dont les combattants sont quasiment tous Burkinabè et ont pour ennemi l’Etat, sous toutes ses formes, peut-on lire dans le document. « Il s’agit, souvent, d’hommes en quête de vengeance contre l’Etat, suite aux violences commises contre leur communauté, notamment, les Peuls, ou pour des injustices foncières», affirme ODDH qui conclut qu’il s’agit donc d’une insurrection contre l’Etat, où la religion ne joue pas un grand rôle. En témoignent les chiffres avancés par l’Observatoire : entre avril 2015 et mai 2020, les groupes terroristes ont mené au moins 580 attaques ciblant surtout l’armée, des commissariats de police, des milices avec lesquelles l’Etat coopère, des écoles, des Mairies, et tous ceux qui collaborent avec l’Etat. La moitié des 1.219 civils qui furent tués par les terroristes sont des victimes d’assassinats ciblés du fait de leur collaboration multiforme avec l’Etat. L’ethnie Peul est constituée d’éleveurs nomades qui habitent majoritairement la partie Nord du pays en proie avec le terrorisme. On retrouve les Peul dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Le gouvernement n’a pas encore réagi à ce rapport.o
L’Economiste du Faso
Encadré
L’Observatoire de la démocratie et des droits de l’Homme en bref
Présidé par le journaliste et chroniqueur de télévision, Lookman Sawadogo, l’Observatoire de la démocratie et des droits de l’Homme (ODDH), lancé en janvier 2017, se veut un organisme d’analyse, de veille et d’alerte démocratique.
Elle entend servir de plateforme d’action, de formation et d’échange d’informations entre les défenseurs des droits de l’Homme au Burkina et à travers le monde. Ce, dans le but de prévenir et lutter contre les violations et les atteintes aux droits de l’Homme, mais aussi promouvoir et défendre la démocratie et l’état de droit.
A la suite de la publication de son rapport, l’ODDH a formulé des recommandations pour éviter le pire au pays des Hommes intègres. La première des 8 solutions proposées est que les « leaders politiques, coutumiers, religieux et d’opinion devraient appuyer activement les initiatives de réconciliation et de paix sociale telles que l’Appel de Manéga ». Ledit Appel de Manéga, initiative citoyenne pour la sauvegarde de l’unité nationale, la concorde, le vivre ensemble et la paix, dirigé par un comité, dont M. Sawadogo en est le SG.o