La pandémie de Covid-19 pose un grand défi sanitaire et économique aux pays du monde. L’Afrique, et en particulier le Burkina Faso, pourrait être affectée économiquement. Une situation qui pourrait entraîner une dégradation de la situation socioéconomique déjà difficile. En vue de contribuer à éclairer la réponse gouvernementale indispensable pour atténuer l’impact économique et social de la pandémie, le Cercle d’études Afriques –Mondes (CEDAM) a mené une recherche sur le sujet. Certains axes de ces recherches sont relatifs à l’impact de cette pandémie sur l’économie au Burkina Faso.
Le CEDAM a organisé, le 2 juin 2020 à Ouagadougou, une table ronde sur les impacts de la Covid-19 sur les objectifs du Plan national de développement économique et social (PNDES). Ont pris part à cette table ronde comme invités, le ministre en charge du commerce, Harouna Kaboré, le Pr Ouaro, ministre en charge de l’éducation nationale, et le PCA du CEDAR, ainsi que le SP du PNDES, Alain Siri, et le directeur général des études et de la planification du ministère de l’Economie, des Finances et du Développement.
Le CEDAM note que la majorité des pays ont adopté des mesures drastiques telles que le confinement des populations, la mise en quarantaine des villes touchées, et la fermeture des frontières terrestres et aériennes.
Les secteurs de production de biens et de services tels que l’industrie et les transports ont par conséquent été paralysés ou freinés à des degrés divers, annonçant un coût économique et social croissant lié à la durée de la pandémie.
L’évaluation a formulé 3 scenarii dont la particularité est de simuler différents chocs en fonction de la vulnérabilité des secteurs de production à la pandémie. Le scénario 1, qualifié d’optimiste, prévoit que la durée de la pandémie n’excède pas 3 mois au niveau national comme au niveau mondial.
Dans ce cas, les exportations totales de biens et services et les transferts de la diaspora sont supposés chuter respectivement de 5% et 10 %. L’offre agrégée de travail formel et celle de travail informel sont supposées se contracter, respectivement de 2% et 3%. Enfin, l’offre de capital dans les secteurs des services formels et informels se réduit de 2%.
Le scénario 2 ou scénario modéré prévoit que la pandémie dure 6 mois au niveau national comme au niveau mondial. La réduction des exportations totales de biens et services et des transferts de la diaspora s’amplifie pour atteindre, respectivement 10% et 15%. L’offre agrégée de travail formel et celle de travail informel chutent respectivement de 3% et 5%. La contraction de l’offre de capital dans les secteurs des services formels et informels atteint 3%.
Pour le scénario 3 ou scénario pessimiste, la durée de la pandémie atteint 9 mois. Les exportations totales baissent de 13,4%. Les transferts de fonds de la diaspora chutent de 23,1% suivant les estimations de la Banque mondiale pour le continent africain. L’offre agrégée de travail formel et celle de travail informel chutent, respectivement de 5% et 10%. Enfin, l’offre de capital dans les secteurs des services formels et informels diminue de 5%.
Comment la Covid-19 pourrait affecter l’économie du Burkina Faso ?
Il est évident que la Covid-19 pourrait affecter dans le court terme, l’économie burkinabè, à travers 4 principaux canaux de nature exogène et endogène, selon le CEDAM. Le canal exogène est constitué du canal du commerce extérieur et du canal des transferts de fonds de la diaspora, tandis que le canal endogène se compose des canaux de l’offre et de la demande domestiques.
A travers ces canaux, le Coronavirus pourrait engendrer sur l’économie burkinabè, un effet boule de neige qui grandira sans cesse tout en annihilant des décennies d’efforts consentis (ou d’améliorations réalisées) en termes de lutte contre la pauvreté et des inégalités.
Covid-19 rime avec baisse des recettes d’exportations
La chute probable de la croissance économique mondiale incluant celle des partenaires commerciaux du Burkina que sont l’Europe, les Etats-Unis et la Chine affectera négativement ses exportations de biens et de services. Cela pourrait s’aggraver en cas d’une chute vertigineuse des cours des matières premières telles que l’or et le coton représentant plus de 80% des exportations du Burkina Faso. La contraction des exportations implique aussi celle de la production nationale et des pertes considérables en termes de chiffre d’affaires et de recettes fiscales pour l’Etat.
A l’analyse, le commerce mondial des marchandises devrait afficher un recul de 13% à 32% en 2020 du fait de la pandémie de COVID-19. Entre le 16 janvier et le 15 avril, les cours du coton ont dégringolé de 26,1 %. Or, en Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso est ainsi dépendant de certaines exportations agricoles telles que le coton. Pour ce pays, la Covid-19 rime donc avec baisse des recettes d’exportations. Le cours de l’or devrait logiquement poursuivre son évolution à la hausse durant les semaines à venir. Investir dans l’or reste – de tout temps et spécialement en période d’incertitude – un investissement rentable pour qui souhaite assurer son épargne sur le long terme.
Le canal des transferts de la diaspora
La réduction de la croissance économique et l’emploi au niveau mondial impliquent des pertes de revenus pour la diaspora qui pourrait également réduire ses transferts vers les ménages burkinabè. Cela induit une baisse du revenu des ménages qui affectera négativement la consommation finale des biens et services tout en exerçant des pressions baissières sur les recettes fiscales.
Les envois de fonds devraient chuter dans toutes les régions où œuvre le Groupe de la Banque mondiale, avec un recul particulièrement marqué en Europe et en Asie centrale (27,5 %), devant l’Afrique subsaharienne (23,1 %), l’Asie du Sud (22,1 %), le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (19,6 %), l’Amérique latine et les Caraïbes (19,3 %) et l’Asie de l’Est et le Pacifique (13 %).
En 2020, la Banque mondiale estime une baisse historique des envois de fonds mondiaux de 110 milliards de dollars américains (60.000 milliards FCFA).
L’Afrique subsaharienne devant connaître une baisse d’environ 23,1% pour atteindre 37 milliards de dollars (20.000 milliards FCFA), avant un redressement de 4 % attendu en 2021.
La baisse prévue est à imputer à une conjugaison de facteurs liés à l’impact de l’épidémie dans les pays où résident les migrants originaires d’Afrique, à savoir la zone euro, les États-Unis, le Moyen-Orient et la Chine. Ces grandes économies accueillent une part importante des migrants subsahariens et représentent, ensemble, pratiquement un quart des remises migratoires totales vers la région.
Synthèse de Elie KABORE
Encadré1:
Effets sur les recettes fiscales
L’Etat burkinabè a pris l’option de renforcer la mobilisation interne des ressources pour réduire sa dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure. Cependant, la contraction de l’économie du pays dans le contexte de la Covid-19 implique une baisse des recettes fiscales. Sous le scénario optimiste, les recettes fiscales baisseront de 2,07%. La baisse atteindra 5,23% au cas où la pandémie perdurait (scénario pessimiste).
Encadré 2:
Mais la Covid-19 pourrait être une opportunité pour le Burkina Faso
La Covid-19 pourrait être une opportunité pour peu que l’on capitalise sur les situations de nouvelles demandes qui se créeront mais aussi des initiatives d’innovation qui naîtront de l’effort de lutte contre la Covid-19 et des actions d’adaptation. Nous pensons particulièrement aux nouvelles opportunités d’investissement directement issues de la crise. En effet, la crise a révélé la nécessité d’accroître l’investissement dans certains secteurs. Il s’agit de la nécessité de la modernisation de la santé, de réforme de l’éducation, de la digitalisation des entreprises pour un meilleur fonctionnement. Les besoins en termes de fabrication locale de masques de protection sont une opportunité pour la filière textile. La crise a également révélé des talents : au Burkina Faso et partout en Afrique, les gens ont rivalisé d’ingéniosité à travers des créations de technologies ou de mises au point de pratiques. Aussi, chacun a pu observer que dans cette bataille pour la survie, la solidarité entre pays a été mise à l’épreuve et il y a eu une sorte de chacun pour soi d’abord avec les récits de détournement de masques destinés à des pays par d’autres qui se veulent pourtant être des amis. Au plan social et culturel, il se développe une sorte de créativité de mode suite à la nécessité d’usage des masques. La crise a, par ailleurs, démontré une fois de plus que l’Afrique devrait compter sur elle-même, sa médecine traditionnelle et son savoir et savoir-faire sur les plantes. Enfin, le marché intra-africain pourrait être une opportunité pouvant contribuer à atténuer certains effets négatifs de la Covid-19, en limitant la dépendance vis-à-vis des partenaires extérieurs, en particulier, dans le domaine des produits pharmaceutiques et des denrées alimentaires de base.o