Le Burkina Faso s’est doté d’une loi d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 à l’issue de l’adoption de ladite loi le 5 mai 2020 par l’Assemblée nationale. Le gouvernement dispose désormais d’un cadre juridique pour la prise de mesures urgentes dans un délai de 3 mois.
On se rappelle que depuis le début de la pandémie de Covid-19, le gouvernement a pris des mesures de restriction de libertés individuelles et collectives qui ont été critiquées en son temps, parce que certaines relèvent de l’Assemblée nationale. C’est ainsi que le Conseil des ministres du 16 avril 2020 a adopté le projet de loi portant loi d’habilitation qui a été adopté le 5 mai 2020.
La loi d’habilitation tire son fondement de la Constitution
Qu’est-ce que cette loi vient corriger ? Une analyse de l’Initiative « Avocats face à la COVID » en abrégé « AVOVID-19 » donne des indications.
Le gouvernement a instauré un couvre-feu, pris des mesures de restriction temporaire de libertés au titre des mesures spéciales de réduction de la propagation de la COVID-19, institué un état d’alerte sanitaire sur l’ensemble du territoire national, mise en quarantaine des villes ayant au moins un cas positif de COVID-19, fixé les conditions de sortie et d’entrée dans les villes mises en quarantaine.
Le couvre-feu, par exemple, a été instauré sans fondement juridique, selon l’Initiative qui estime qu’un couvre-feu est autorisé par une loi d’exception en temps de guerre ou dans le cadre d’une situation d’urgence nationale. Dans le cas présent, c’est un décret présidentiel qui l’instaure sans que l’urgence nationale ne soit décrétée. On pourrait penser que c’est l’article 59 de la Constitution relatif aux pouvoirs exceptionnels du président du Faso qui a été utilisé. Cet article prévoit que le président du Faso prend, après délibération en Conseil des ministres, après consultation officielle du président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, les mesures exigées par ces circonstances. Il en informe la Nation par un message.
L’instauration de l’état d’alerte sanitaire sur l’ensemble du territoire national n’est pas sans reproche. Le décret instituant l’état d’alerte sanitaire a été adopté sur le fondement de la loi n°23-94/ADP du 19 mai 1994 portant Code de la santé publique. L’état d’alerte sanitaire ne peut être décrété sur toute l’étendue du territoire national mais dans une localité précise, selon AVOVID-19.
Si cette loi qui a un champ limité permet de prendre des mesures sur le plan sanitaire, elle ne peut servir de base pour prendre toutes les autres mesures restrictives prises. La vaccination, le dépistage massif, le confinement et la mise en quarantaine des personnes à risque, la désinfection des lieux est de nature sanitaire. Par contre, le couvre-feu, la fermeture des frontières, la fermeture des marchés et yaars, l’interdiction des rassemblements, la mise en quarantaine des villes ne sont pas de nature sanitaire et ne peuvent tomber sous le coup de la loi portant Code de la santé publique.
L’Initiative AVOVID-19 a formulé ses recommandations dont l’une propose de saisir d’urgence l’Assemblée nationale d’un projet de loi d’habilitation pour lui permettre de légiférer par ordonnance. C’est cette voie que le gouvernement a suivie. Il a aussi recommandé d’introduire un projet de loi pour étendre le champ d’application de la loi sur la situation d’urgence à toute situation d’urgence, y compris l’urgence sanitaire, et ouvrir le pouvoir de prendre des mesures restrictives de droits et libertés à d’autres autorités administratives en fonction de la nature de la situation en cause. La modification du Code de la santé publique pour opérer une distinction entre l’alerte sanitaire et l’urgence sanitaire a aussi été proposée.
Elie KABORE
Encadré:
Secteur privé : la possibilité de réduire la charge du travail
Pour la continuité des activités des entreprises privées, il a été recommandé l’obligation de prendre des mesures de protection suffisantes sous peine de sanctions, la possibilité de congés anticipés pour le personnel qui le souhaite, la suspension des contrats de travail par une procédure dérogatoire des règles de droit commun sans abuser, le droit des travailleurs au télétravail si les moyens le permettent, le gel des délais contractuels et des loyers de certains baux administratifs, un moratoire pour la tenue des instances des entreprises et des établissements publics de l’État, la possibilité de réduire la charge du travail.