Le foncier est la principale source d’enrichissement illicite des élus locaux et des autorités publiques, selon Maître Batibié Bénao.
L’Avocat intervenait dans un panel organisé par le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC), le 9 décembre 2019, organisé à la faveur de la 14e édition des Journées nationales de refus de la corruption (JNRC). Le thème du panel était : « Transparence, redevabilité et participation citoyenne dans la gestion foncière au Burkina Faso ». Me Batibié Bénao a constaté que des personnes avaient profité de leurs positions administratives du moment pour s’adonner à une spéculation foncière qui dépasse l’entendement. Il cite les différents rapports produits sur la question, dont l’enquête foncière réalisée par le ministère en charge de l’habitat, l’enquête de l’Autorité́ supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE/LC) sur les lotissements à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, la tenue des Etats généraux des lotissements et, plus retentissante, l’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale sur le foncier en 2016. « Les résultats de cette dernière enquête sont saisissants », indique-t-il. L’Avocat a pu relever quelques cas de malversations liés à l’activité de promotion immobilière, comme la bande verte de Ouaga 2000 occupée par des promoteurs immobiliers, l’occupation illégale de sites dans la zone SONATUR de Ouaga 2000 par des promoteurs immobiliers privés, notamment, un terrain d’une superficie de 400 ha occupé par SATMO SA (susceptible d’être pourvoyeur de 8.000 parcelles de 300 m2 ) et un terrain d’une superficie de 116 ha occupé par GELPAZ (2.320 parcelles de 300 m2 pouvant y être dégagées). Il a cité le changement de destination de terrains sans autorisation préalable, principalement à Ouaga 2000, par SOCOGIB (terrain d’une superficie de 67.176 m2 correspondant à 224 parcelles de 300m2). AZIMMO a occupé un terrain dans les mêmes conditions où 865 parcelles ont été dégagées pour la construction de la cité AZIMMO au secteur 29 (ex-secteur 16) et toujours AZIMMO, un terrain d’une superficie de 51.000m2 correspondant à 170 parcelles en zone A et B de Ouaga 2000. Me Batibié Bénao avait à ses côtés, d’autres intervenants, dont Karim Ilboudo, conseiller technique au ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat.
Il a exposé les différentes initiatives développées pour faciliter l’accès au logement décent pour tous. Ces initiatives datent de la période postcoloniale à nos jours.
On retient de son exposé que la période de l’indépendance aux années 1983 correspond au démarrage de la promotion immobilière, avec des logements construits par la Société immobilière voltaïque (SIV), la Société de promotion et de gestion immobilière (SOPROGIM), la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Société nationale d’assurance et de réassurance (SONAR). La période 1983-1995, marquée par l’avènement de la Révolution et des opérations de lotissements massifs autour du slogan « Un ménage, une parcelle ». Le Fonds de l’habitat fut créé et plusieurs réalisations sont à mettre à l’actif de cette période, dont les cités dénommées An II, An III, An IV A, An IV B, 100 logements, ainsi que les cités dites « cités du 04 août » dans tous les chefs-lieux de province du pays.
La période de 1995 à 2006, la gestion foncière a été confiée aux collectivités territoriales. Cela a conduit à des opérations de lotissements massifs sans viabilisation, provoquant l’étalement excessif des villes sans véritable réponse au besoin en logement.
A partir de 2006, on assiste à la création d’un ministère plein chargé du secteur, la création de la Banque de l’Habitat et à l’adoption de la loi sur la promotion immobilière en 2008.
La période 2006-2014 a été marquée par la mise en œuvre du programme 10.000 logements lancé en 2007. Ce programme a permis de réaliser plus de 4.000 logements sociaux et économiques.
Depuis 2017, le Programme national de construction de logements (PNCL) a comme ambition la réalisation de 40.000 logements à l’horizon 2020.
A ce jour, le programme a permis de réaliser plus de 6.500 logements sociaux et économiques.
Elie KABORE
Rôle et place de la Justice dans l’apurement du passif foncier
Maître Batibié Bénao a relevé que les lotissements de la SOCOGIB sur les sites de Yagma, dans l’ex-Arrondissement de Sig-Noghin, et du site de Nioko II, dans l’ex-Arrondissement de Nongremassom, avaient été effectués dans des conditions peu orthodoxes. Pour les deux sites de Yagma et Nioko II, la SOCOGIB devrait, après avoir obtenu l’attribution provisoire signée des Maires de Nongremassom et de Sig-Noghin reverser la somme de 10,162 milliards FCFA avant de prétendre lotir ces sites pour la réalisation de ses programmes immobiliers. Et l’Avocat de s’interroger sur le rôle et la place de la Justice dans l’apurement du passif foncier.