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Mounir Rochdi, expert en intelligence économique  « Le Burkina Faso pourrait s’inspirer de l’exemple marocain»

Le Maroc s’illustre dans le domaine de l’intelligence économique (IE) comme l’un des pionniers en Afrique. Cette appropriation de l’IE par les entreprises marocaines a insufflé un nouvel dynamisme au secteur économique du royaume chérifien. Aujourd’hui, les entreprises marocaines sont présentes dans des secteurs comme la télécommunication, la cimenterie, la banque dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest. D’après le docteur en intelligence économique, expert auprès du Centre du commerce international (OMC), le Marocain Mounir Rochdi, la pratique de l’IE a été un plus. Une expérience qui pourrait profiter aux entreprises burkinabè. Il en donne les grandes lignes à travers cette interview réalisée en marge de la Semaine burkinabè de l’intelligence économique qui a eu lieu du 7 au 14 octobre à Ouagadougou.
L’Economiste du Faso : En langage simple, expliquez-nous c’est quoi l’intelligence économique ?
Mounir Rochdi : De manière très simple, l’intelligence économique, c’est la veille plus l’influence, le lobbying et la protection de l’information. C’est quoi la veille ? C’est l’identification, la collecte, l’analyse et la diffusion de l’information qui nous permet d’améliorer notre compétitivité et de mieux se positionner selon que le contexte soit économique ou diplomatique.

Quelle est son importance pour le secteur économique et en particulier, les entrepreneurs ?
Les entrepreneurs, leur objectif principal c’est de gagner de l’argent. Et pour y arriver, il faut bien maîtriser son environnement, c’est-à-dire comment vendre son produit ? Comment le positionner ? Les raisons les plus simples pour atteindre ces objectifs seront la qualité et le prix. Sauf que de nos jours, ces deux facteurs ne suffisent plus. Il faut ajouter à cela le bouche à oreille, c’est-à-dire l’image, le positionnement que font les autres concurrents. Lorsque vous vous intéressez aux concurrents, ne choisissez pas seulement ceux qui sont plus forts que vous, même les moins forts peuvent l’être demain. Il faut comprendre le marché sur lequel vous intervenez, les besoins de vos clients, quels moyens mettre en place pour atteindre votre cible. Les moyens peuvent être l’influence positive pour contrer vos concurrents. Vous les journalistes, vous jouer une influence positive dans la société.

Parlez-nous de l’expérience marocaine dans la pratique de l’intelligence économique…
L’intelligence économique au Maroc a été boostée par la société civile. Il faut sortir de ce discours qui consiste à dire à chaque fois qu’il revient à l’Etat de mettre en place tel mécanisme. C’est bien d’avoir un Etat stable et fort, mais quand on veut faire de l’IE, il faut avoir une approche globale. C’est à tout le monde de jouer sa partition. C’est un ex-ministre marocain qu’on a surnommé « monsieur intelligence économique » qui a véritablement fait émerger l’IE en créant l’association marocaine de l’IE dans laquelle, il a regroupé des universitaires, des personnalités d’institutions publiques, des experts praticiens. La notion IE est apparue au Maroc dans les années 90, mais elle était seulement l’apanage de quelques grosses entreprises nationales. Ce n’est que dans les années 2000 que l’IE va émerger au Maroc.

Concrètement, comment cette IE aide le Maroc à mieux se développer ?
D’abord, il y a la phase découverte, l’IE, le terme accrocheur, intelligence et économique, vous imaginez les deux notions dans n’importe quel pays, c’est accrocheur. L’objectif de l’IE n’est pas de faire rêver mais d’être réaliste. Aujourd’hui au Maroc, l’IE est entrée dans les mœurs, même dans les institutions publiques (des personnes s’occupent de veille, attention, il faut différencier veille et intelligence économique). C’est vrai que la veille est beaucoup développée au Maroc, il y a beaucoup d’entreprises qui commencent à faire de la veille, vous avez de la formation de veille. L’IE n’a pas encore pris la même proportion de développement de veille stratégique, à cause justement de volets (lobbying/influence et protection économique). Mais le gouvernement marocain s’est véritablement approprié la notion IE. Ce n’est plus une nouveauté au Maroc, elle s’exerce quotidiennement. Mais, il a fallu du temps et beaucoup de travail de sensibilisation sur le terrain.

Le Maroc est aujourd’hui très présent dans le secteur bancaire, de la cimenterie, la télécommunication… dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest. En tant qu’expert de l’intelligence économique, ce succès des entreprises marocaines est-il dû à l’appropriation de l’IE ?
Je ne peux pas affirmer que c’est grâce à l’intelligence économique que le Maroc s’est positionné dans ces pays, mais je dirai que c’est grâce à ces hommes et surtout grâce à la vision du Roi Mohamed VI. L’IE n’est qu’un outil qui facilite le travail des entrepreneurs en leur permettant de bien se positionner sur un marché et devenir leader; parce que pour se positionner sur un marché, il faut connaître ce marché, vous avez des aspects culturels, socioéconomiques.
Pour s’adapter à ce marché, il faut l’étudier, il faut l’analyser, il faut anticiper, parce que c’est le premier qui se positionne qui gagne.
Et c’est là que l’IE va jouer un rôle crucial, c’est dans l’analyse et l’interprétation et le fait de récupérer l’information terrain. Le Maroc étant un pays africain, faire des affaires entre pays africains c’est encore un plus.

Comment le Burkina Faso peut-il tirer profit de l’intelligence économique ?
Déjà, l’organisation de la Semaine burkinabè de l’intelligence économique (SBIE) est un bon début pour introduire le concept de l’IE dans un pays. La sensibilisation des acteurs est primordiale et le Burkina Faso en est conscient. Mais, il faut sensibiliser avec les bons mots, les bons concepts. Je ne dirai jamais à un entrepreneur que grâce à l’IE, il va développer son chiffre d’affaires, car cette affirmation n’est pas forcément vraie. Je dirai plutôt qu’on va tout faire pour développer votre chiffre d’affaires, car l’IE va mieux vous protéger. Il faut commencer par la sensibilisation et avoir une approche globale. Je salue cette démarche de la Chambre de commerce qui, en plus d’initier la SBIE, a décidé de lancer le Réseau des praticiens d’intelligence économique. Si je peux me permettre, le Burkina Faso gagnerait à nationaliser l’intelligence économique. L’IE doit s’adapter au pays et non l’inverse. Et aussi s’inspirer de l’exemple du Maroc, de la Suisse, de la France, d’Allemagne, du Brésil, des Etats-Unis, d’Afrique du Sud, de la Tunisie, du Sénégal, du Cameroun, etc. L’IE doit se pratiquer tous les jours et les pays doivent être ouverts à la coopération.

Interview réalisée par Ambèternifa Crépin SOMDA


Quel peut être le plus de l’IE pour un journal comme L’Economiste du Faso qui est dans un paysage concurrentiel et à l’innovation ?

L’Economiste du Faso est un journal que je connais très bien. Le plus déjà en tant que journaliste, c’est de poser cette question, c’est quoi votre plus grande crainte ? C’est que l’information que vous donnez à vos lecteurs ne soit pas fiable, ou qu’elle ne soit pas validée, ou qu’on essaie de vous désinformer. Il y a un point très important dans l’IE, c’est la validation de l’information, la validation de la source, est-ce que la source est fiable et si j’ai des doutes, je dois la confronter avec d’autres sources d’information. Une autre crainte est que des personnes malhonnêtes veillent vous utiliser pour faire de l’influence négative, là aussi, vous devez analyser l’information, chercher l’information, car les scoops ne tombent pas du ciel. Il faut surveiller l’environnement dans lequel vous évoluer, mettre en place une cellule de veille pour surveiller certaines thématiques qui vous intéressent (santé, éducation…), surveiller aussi les sources d’information afin d’aller à la pêche de l’information. Surveiller l’environnement pour identifier des opportunités d’information.

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