Amoureux des plantes médicinales, il a fini par en faire une passion. Une passion qui est née au lendemain de la fin de ces études de pharmacie à Dakar au Sénégal, en 1983. Rentré au bercail, il décide de mettre cette passion au service de la communauté. Lui, c’est le Docteur Zéphirin P. Dakuyo, pharmacien de son état, spécialiste en médecine et pharmacopée traditionnelle africaine. Nous avons rencontré ce pionnier de la valorisation de la médecine traditionnelle à Dédougou, en marge de la Journée africaine de la médecine traditionnelle, le 31 août dernier. A son actif, la pharmacie « Comoé » et le laboratoire « Phytofla ». Il revient, à travers cette interview, sur ses débuts, sa connaissance des plantes médicinales, son importance et son avenir. Lisez plutôt !
L’Economiste du Faso : Que devient Docteur Zéphirin P. Dakuyo ?
Zéphirin P. Dakuyo : Je suis là et m’occupe de la production des phyto-médicaments. Je suis toujours dans la logique continue de la promotion de la médecine traditionnelle. Je dispose de mon propre laboratoire « Phytofla » dans lequel je continue d’expérimenter les plantes médicinales afin d’en tirer le meilleur. J’emploie à ce jour, une quarantaine de personnes avec plus de 250 fournisseurs de plantes médicinales. Actuellement, je suis sur un grand projet qui porte sur la promotion des plantes et des verges médicinales. Cela va consister à ce que nous dotions un producteur d’un hectare. J’ai ciblé 1 000 producteurs pour 1 000 hectares.
Quelles sont les motivations qui vous ont amené à vous lancer dans la valorisation de la médecine traditionnelle ?
Je me suis lancé dans ce domaine par passion. Après mes études en pharmacie à Dakar au Sénégal, je suis rentré au pays et l’Etat m’a affecté à Banfora, et une fois là-bas, j’ai consacré toute ma vie à ma passion. C’était en 1983, où j’ai commencé avec les moyens de bord (pioche, daba, mortier, coupe-coupe) et aujourd’hui, je suis à un stade semi-industriel (machines automatiques). Je suis en train de mettre en place un musée des plantes médicinales.
Quel était l’état de la situation de la médecine traditionnelle en 1983 ?
Le secteur était vierge. Pour la petite histoire, lorsque j’ai commencé la valorisation de la médecine traditionnelle, les gens me prenaient pour un fou. Pour eux, comment quelqu’un, après six ans d’études à l’étranger, peut-il revenir chez lui, laisser les bureaux pour se mettre à creuser des racines. Je faisais partie des pionniers, la médecine traditionnelle qui a été officiellement reconnue en 1994 dans le Code de la santé publique était juste tolérée en son temps. Aujourd’hui, je constate avec beaucoup de fierté que les choses ont beaucoup évolué.
A vous écouter, on peut dire que vous êtes aujourd’hui sur toute la chaîne de valeur ?
Oui. Je prends la matière première avec les fournisseurs, je transforme et je vends.
Quels sont les différents produits issus de la pharmacopée traditionnelle que vous commercialisez ?
Plus d’une cinquantaine de produits dont le plus connu est le sirop « Douba » contre la toux; le savon «Mitraca»; « N’Dribala » ; potion «Kunan» ; tisane « Saye »… D’ici 2020, le laboratoire Phytofla va encore mettre sur le marché, une gamme de médicaments améliorés issus de nos plantes traditionnelles.
Nous devons absolument protéger notre patrimoine de plantes médicinales, car c’est un trésor inestimable. Sinon dans dix ans, nous n’allons plus avoir le même potentiel de plantes médicinales qu’aujourd’hui si nous continuons à détruire l’environnement. On annonce 13 millions de producteurs au Burkina Faso, si chacun d’eux aménage un hectare de forêt familiale, nous aurons 13 millions d’hectares de forêt.
Et cela est très facile à faire, pour peu qu’il y ait la volonté de part et d’autre. Nous devons absolument protéger nos essences locales pour la postérité. Vers Banfora, les gens sont en train malheureusement de détruire la forêt pour planter des anacardiers.
La médecine traditionnelle est-elle une activité rentable ?
Oui. Surtout si c’est bien organisé. Aujourd’hui, j’ai pu ouvrir quelques dépôts pharmaceutiques à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.
Vos produits sont-ils commercialisés au-delà des frontières du pays ?
Je suis en train de prospecter le marché au Mali, en Côte d’Ivoire et au Niger.
Un mot sur la Journée africaine de la médecine traditionnelle célébrée chaque 31 août de l’année ?
Une bonne initiative à encourager. Je félicite le gouvernement burkinabè qui réaffirme chaque année, sa volonté de valoriser la médecine traditionnelle. Le Burkina Faso est l’un des pays de la sous-région qui est en avance dans ce domaine. Maintenant, il ne faut pas dormir sur ses lauriers, le gouvernement doit continuer à soutenir les acteurs de la médecine traditionnelle et à créer l’espace pour sa bonne promotion.
Que pensez-vous du fait que le gouvernement burkinabè veuille introduire des notions de médecine traditionnelle dans le curricula des étudiants de nos universités et école de santé ?
Une bonne décision, c’était d’ailleurs mon souhait dès que je me suis lancé dans la pharmacopée traditionnelle.
Interview réalisée par Ambèternifa
Crépin SOMDA
Dédougou a accueilli la 17e Journée africaine de la médecine traditionnelle
Après Gaoua en 2018, c’est la ville de Dédougou qui a accueilli la 17e Journée africaine de la médecine traditionnelle. Cette journée a eu lieu le 31 août 2019 sous le thème : « Intégration de la médecine traditionnelle dans les programmes d’enseignement pour les étudiants en sciences de la santé dans la région africaine ». Comme parrains, le Médiateur du Faso, Saran Séré/Sérémé, le PDG du groupe EBOMAF, Mahamadou Bonkoungou. Cette cérémonie a été rehaussée de la présence de l’épouse du Premier ministre, Christophe Marie Joseph Dabiré, et du ministre de la Santé, le Pr Léontine Lougué. Mais, en marge de cette commémoration dont l’objectif est de valoriser la médecine traditionnelle, s’est tenue la Semaine nationale de la médecine traditionnelle et de médecines alternatives du 26 au 29 août 2019. Cette Semaine a été ponctuée par des conférences publiques, des expositions-ventes de produits issus de la médecine traditionnelle et de médecines alternatives ; des consultations et soins traditionnels et alternatifs sur le site de l’exposition. Le clou de cette Semaine a été la nuit de la médecine traditionnelle où des tradipraticiens ont été décorés. En rappel, C’est en août 2002 que l’OMS a officiellement décrété chaque 31 août comme la Journée africaine de la médecine traditionnelle.