Société-Culture

Grève des réfugiés urbains  «La réinstallation n’est pas un droit»

C’est sous une pluie battante que nous avons enfourché notre motocyclette le matin du 19 juillet 2019, direction, les locaux du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), sis au quartier Gounghin de Ouagadougou. Il était un peu moins de 9h.
Un petit coup d’œil autour de nous. Pas de manifestants, en tout cas, pas au lieu habituel ! Tout ce que nous voyons, c’est quelques affaires, notamment, une moustiquaire restée attachée. Cette absence est certainement due au mauvais temps. Nous nous dirigeons résolument vers la porte qui s’ouvre au moment même où nous nous apprêtons à attraper la poignée.
Après présentation de la carte d’identité, nous sommes «escortés» par un des agents de sécurité. Dans la salle de conférences, nous faisons la connaissance d’Hector Malonga, Administrateur principal chargé de la protection, qui se met à notre disposition pour répondre à nos interrogations qui, on peut le dire, sont de plus en plus nombreuses depuis que les réfugiés urbains ont pris d’assaut la devanture de l’organisation onusienne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les manifestants ont de nombreux griefs contre le HCR, la Commission nationale pour les réfugiés (CONAREF) et le ministère des Affaires étrangères qui, à leur avis, les tournent en bourrique, si bien qu’ils ne savent plus à quel
Saint se vouer.
Qui est responsable des réfugiés au Burkina Faso? Le gouvernement ou le HCR? «Selon la Convention de Genève de 1951, le premier responsable, c’est l’Etat qui les a accueillis sur son territoire. Vient ensuite le HCR auquel la Communauté internationale a donné un mandat de protection, ce qui permet de soutenir les pays afin que les droits de ces personnes soient respectés», répond Hector Malongo, qui a posé ses valises il y a à peu près un an au pays des Hommes intègres.
Il semble ne pas trop comprendre les raisons de cette grève, étant donné que son institution, selon lui, a toujours maintenu le dialogue avec eux. Mais, à en croire l’autre partie, cette grève trouve son explication dans le fait qu’ils ne bénéficient pas d’une «bonne assistance sociale». C’est ce qu’a expliqué leur porte-parole, Boukary Emmanuel Orsy. Des informations relayées par plusieurs organes de presse. Sur un ton on ne peut plus colérique, certains ont affirmé qu’ils vivaient dans une misère sans pareille depuis qu’ils sont arrivés au Burkina: «Il n’y a pas de logement, pas d’emplois, on n’a pas de médicaments. Beaucoup de femmes font la prostitution pour pouvoir manger… On souffre, nous sommes abandonnés… »
Par-là, les réfugiés se plaignent de la couverture sanitaire et du logement. A cela, le cadre du HCR nous explique: «Ce sont des questions pour lesquelles nous accordons une attention particulière, mais à des personnes extrêmement vulnérables, car nous manquons parfois de moyens». Il ne tarde pas à ajouter: «Dans aucun pays, le HCR ne prend les besoins de tous les réfugiés à 100%. En fonction des fonds disponibles, nous priorisons les cas les plus sérieux et pour lesquels une évaluation est faite au préalable. Pour les autres, nous pouvons venir en appui».
Si l’on en croit ses propos, le HCR, lorsqu’il fait un point des besoins des réfugiés, fait appel à la générosité internationale. Et, malgré les appels de fonds, l’institution n’arrive pas toujours à mobiliser le montant dont nous avons besoin. C’est du moins ce qu’a déclaré notre interlocuteur, précisant que cette année, par exemple, ils n’ont obtenu que 27% de leur budget qui s’élève à 30,3 millions de dollars. Il insistera en ajoutant: «Nous n’assurons pas tous les besoins des réfugiés. Nous parons au plus urgent, notamment, les frais pour l’éducation des enfants réfugiés. Pour le primaire, tous les enfants bénéficient d’un soutien pour aller à l’école. Pour le secondaire, il y a un système de bourse avec des critères bien définis et les réfugiés eux-mêmes participent au comité de sélection des bénéficiaires. Idem pour le supérieur. Il y a également des bourses qui viennent du gouvernement allemand et nous avons au total 8 personnes au Burkina qui sont soutenues par ce pays. Pour les autres bourses, on en a une cinquantaine de jeunes qui sont concernés».
Considérant «la misère» dans laquelle ils disent vivre, les réfugiés exigent leur réinstallation dans un pays autre que le Burkina où «les organisations humanitaires ne semblent pas se préoccuper de leur sort».

Qu’en pense le haut cadre du HCR ?
Vous vous doutez bien que nous lui avons posé la question. «Quand on devient réfugié, c’est qu’on a fui la persécution ou l’insécurité, en général. Et une fois que cette situation se produit, on doit travailler à trouver une solution durable», dira-t-il, l’air toujours aussi serein que depuis le début de notre entretien.
Des explications qui ont suivi, on retient qu’il y a trois solutions durables. Il y a le rapatriement qui est le retour du réfugié dans le pays qu’il a été obligé de fuir, la condition étant que la situation s’est arrangée et qu’il peut repartir sans être persécuté. Elle n’est pas obligatoire et n’est possible qu’avec la collaboration de la personne concernée.
Deuxièmement, il y a l’intégration locale. «Si on constate qu’un réfugié ne peut que rester dans le pays qui l’a accueilli, on fait tout avec le gouvernement pour qu’il puisse accéder à des droits similaires à ceux des citoyens, y compris la naturalisation». Le troisième dénouement, c’est la réinstallation qui intervient lorsque les deux premières solutions ne sont pas possibles. «On recherche justement un pays tiers qui peut accueillir le réfugié, alors qu’il n’y a pas beaucoup d’Etats qui proposent des places pour la réinstallation.
La preuve en est que dans le monde, il y a moins de 1% de réfugiés qui bénéficient de cette opportunité».
Selon Hector Malonga, une seule de ces trois solutions durables est un droit pour le réfugié. Il s’agit du retour dans son pays d’origine. Cela signifie que le jour où il estime que les conditions sont telles qu’il peut repartir chez lui sans y être persécuté, le HCR fera tout pour l’aider dans ce sens. «Les autres solutions sont des opportunités. Aucun pays n’est obligé d’accueillir un réfugié en réinstallation. Ceux qui acceptent le font de façon volontaire. Nous, tout ce que nous pouvons faire, c’est de voir quels sont ceux qui remplissent les critères admis par lesdits pays».

Z.S.


De l’accusation de détournement des milliards

Lors d’une conférence de presse qu’ils ont organisée le 17 juin 2019 pour annoncer la grève illimitée qui devait commencer le lendemain même, les membres de l’Association des réfugiés résidant au Burkina Faso (ARBF) ont accusé le HCR, la CONAREF et le ministère des Affaires étrangères de mal gouvernance. A leur avis, il y a détournement au niveau des fonds (5 milliards F CFA) que l’ONU alloue chaque année aux réfugiés urbains.
Pour l’Administrateur principal chargé de la protection au HCR, Hector Malonga, cela n’est pas possible. Il explique: «Pour recevoir de l’argent de nos partenaires, il nous faut démontrer qu’on a un système qui permet la traçabilité, qui permet de faire des audits et qui permet de savoir si le montant alloué a été dépensé conformément aux besoins exprimés. C’est le cas chez nous. Notre système est très rigoureux. Avec nos procédures, des milliards ne pourraient pas disparaître aussi aisément».

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