Les enfants meurent plus dans les quartiers périphériques communément appelés «non lotis» de Ouagadougou que dans les quartiers lotis. Deux raisons majeures expliquent cette situation: le non-recours ou tardif des parents aux services sanitaires et l’insalubrité qui a élu domicile dans ces quartiers défavorisés. Tel est le constat auquel sont parvenus des enseignants-chercheurs burkinabè et européens. Ceux-ci ont observé pendant près d’une dizaine d’années (2008 à 2013) sur les dynamiques sociales en milieu urbain. Les données obtenues ont été compilées dans un document intitulé «Inégalités de santé à Ouagadougou». Après avoir enquêté auprès d’environ 80.000 personnes, sises pour moitié dans des quartiers formels et viabilisés de la ville et pour moitié dans des quartiers informels constitués d’habitats spontanés. Ces quartiers périphériques, en particulier ceux qui sont informels, comptent beaucoup de migrants venus des campagnes, qui contribuent à la forte croissance démographique et à la rapide expansion spatiale de la ville ; les enquêteurs révèlent que «les enfants résidant dans les quartiers non lotis courent près de 2 fois plus de risque de mourir avant l’âge de 5 ans, comparé à ceux des quartiers lotis».
Ouagadougou parmi les villes africaines à forte croissance démographique
Les enseignants-chercheurs poursuivent leur constat en mentionnant que le fait d’habiter dans les quartiers informels est préjudiciable à la santé des enfants, au-delà des caractéristiques de leurs parents.
Ainsi, disent-ils qu’un enfant issu d’une famille relativement aisée et dont les parents sont instruits a une plus grande probabilité de décéder s’il habite dans un quartier non loti. La même enquête révèle qu’à l’inverse, un enfant pauvre demeurant en zone lotie a de plus grandes chances de survivre qu’un enfant pauvre en zone non lotie.
D’après les rédacteurs du livre, cette surmortalité s’explique par l’absence ou l’insuffisance de services de santé modernes dans les quartiers périphériques et un recours tardif à ces services en cas de maladies de l’enfant. Une autre explication plausible est que les ménages des zones non loties sont davantage susceptibles d’adopter des pratiques à risque dans la gestion des déchets, quels que soient leurs niveaux de vie et d’instruction. «Les enfants des quartiers non lotis sont par ailleurs plus souvent sous-alimentés. Cette malnutrition est davantage liée à l’incidence de maladies infectieuses qu’au faible statut socio-économique des parents», argumentent les enquêteurs.
Pour ces derniers, si rien n’est fait pour juguler le phénomène qui prend chaque jour de l’ampleur avec cette «surpopulation dans ces quartiers périphériques», le Burkina Faso court tout droit dans le mur.
Surtout que les chercheurs s’inquiètent du fait qu’en 2030, la ville de Ouagadougou comptera 6 millions d’habitants dont le tiers vivra en quartier périphérique. Ils ajoutent qu’en 2030, 40% de la population sera urbaine contre 25% en 2010.
Ambèternifa Crépin SOMDA
Fournir aux décideurs des données statistiques sur la santé, l’éducation et l’habitat
L’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP) de l’Université Joseph Ki-Zerbo, avec le soutien du Population Council et de l’Université de Montréal, la participation de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et de deux ONG, Save the Children/Pays-Bas et Mwangaza Action, ainsi que le soutien des fondations Rockefeller et Andrew W. Mellon, d’Aire Développement et de Diakonia, a mis en place l’Observatoire de population de Ouagadougou (OPO).
L’objectif principal de l’OPO est de fournir aux décideurs (les ministères et la municipalité de Ouagadougou), aux agences multilatérales, aux partenaires techniques et financiers, aux ONG, à la communauté scientifique et au public des données statistiques utiles, fiables, harmonisées et régulièrement mises à jour sur la santé, l’éducation et l’habitat à Ouagadougou. Les quartiers périphériques enquêtés sont Kilwin , Tanghin , Nioko II, Nonghin et Polesgo.