SI vous arrivez à l’aéroport international de Ouagadougou et que vous demandez Patrick Koala, vous serez probablement étonné du nombre de personnes qui le connaissent. En effet, après dix ans passés sur la plateforme aéroportuaire, le quarantenaire, grâce
à son amabilité et à son efficacité dans le travail, a su gagner la confiance de tous. Il a aujourd’hui un carnet d’adresses bien fourni tant et si bien qu’il a décidé de quitter la Fonction publique pour s’installer à son propre compte. Quelle est son histoire? Quelles sont les difficultés qu’il rencontre? Quelles sont ses ambitions? Voilà, entre autres, les questions que nous lui avons posées lors d’un entretien qu’il nous a accordé le mardi 2 avril 2019 à Ouagadougou.
«J’ai bravé la foule lors de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014» Au cours de nos échanges, nous apprendrons que notre interlocuteur a vu le jour le 7 avril 1980 à l’hôpital urbain de Koudougou. Il a quatre frères et sœurs. Son père, décédé un peu trop tôt, était planteur de café cacao tandis que sa mère a toujours été femme au foyer.
Après son Brevet d’études du premier cycle (BEPC), le jeune sportif est recruté par la sécurité nationale en 2006.
Deux ans après, il intègre la police où il passe deux années à la Brigade de recherche avant d’être appelé par l’Ambassade de France pour une formation en lutte contre les stupéfiants aéroportuaires.
«Nous avons fait nos preuves. Dès les premières années, nous avons pris plu- sieurs personnes avec de la cocaïne. Dès lors, nous serons encore formés sur la détection des matières explosives, etc.», a expliqué Patrick Koala.
«En 2014, lors de l’insurrection des 30 et 31 octobre, des gens ont envahi l’aéroport car ayant appris que François Compaoré passerait par là. Ils voulaient tout mettre à feu et à sang. Je leur ai expliqué que ce lieu n’appartenait pas à la famille Compaoré mais au peuple burkinabè. Je leur ai fait comprendre que s’ils saccagent tout, les conséquences vont retomber sur l’ensemble de la population. Ils ont compris et sont repartis», a précisé notre interlocuteur dont les proches pensent qu’il mérite une décoration pour cet acte de bravoure.
En 2015, le policier, alors âgé de 35 ans, décide de prendre sa disponibilité. Il est recruté comme agent de sécurité par une entreprise minière espagnole qui sera obligée de fermer boutique en fin 2016.
Compte tenu des nombreux services qu’il lui a rendus, un Avocat, ami de sa famille, l’encourage à se lancer dans l’entrepreneuriat, surtout qu’il a aidé près d’une centaine de personnes à obtenir des documents de toutes sortes. D’où la création de Yelba services (yelba qui veut dire bienvenue en mooré) en août 2017.
«Pour dire vrai, l’idée de créer cette société n’est pas née du jour au lendemain. D’abord, j’ai toujours voulu créer une boîte qui peut employer d’autres personnes et contribuer ainsi à lutter un tant soit peu contre le chômage», a-t-il déclaré. Avant d’ajouter: «J’ai commencé à penser à ce projet en 2013-2014 lorsque j’ai pris le vol Air France (Ouagadougou, Paris, Barcelone). Arrivé à destination, on s’est rendu compte que nos bagages n’étaient pas arrivés. La compagnie nous a offert des primes pour acheter quelques vêtements, le temps que les nôtre arrivent. Plus tard, c’est une autre structure indépendante qui nous a apporté nos valises. J’ai discuté avec l’agent qui m’a dit qu’il s’agissait d’une entreprise à laquelle Air France fait appel pour gérer ce genre de problème».
Voyant que ce type de dispositif n’existe pas au Burkina, il a commencé à y réfléchir à la possibilité de mettre un sur pied. Selon ses explications, Yelba services est une société à responsabilité limitée qui intervient principalement sur la plateforme aéroportuaire. Elle s’occupe de l’accueil, de l’assistance, de la sécurité aéroportuaire et des documents administratifs.
A l’en croire, il a accompagné plu- sieurs couples étrangers qui ont adopté des enfants au Burkina. «Je connais un peu le circuit, notamment les procédures à suivre au niveau de l’Action sociale», a assuré le père de famille. Sur le plan touristique, la SARL guide les expatriés à l’intérieur du pays, s’occupe de l’établissement des passeports, des prolongations de visa, des titres de séjour ainsi que la demande de visa (Schengen, américain, asiatique). «On ne promet pas le docu- ment final à quelqu’un, on montre seulement les démarches à faire pour son obtention», a-t-il prévenu.
«J’ai été contacté pour assister la délégation rwandaise lors du FESPACO»
A la question de savoir comment il attire la clientèle, notre interlocuteur répond: «C’est sur recommandation. Les gens savent de quoi je suis capable, puisque j’ai plusieurs fois rendu service, sans compter l’expérience acquise dans le domaine. C’est moi qui ai géré l’arrivée des parents des victimes du crash de l’avion d’Air Algérie qui s’est écrasé en terre malienne en juillet 2014. Depuis leur arrivée à l’aéroport, en passant par leur installation à l’hôtel jusqu’à la visite de la stèle, j’ai tout assuré».
Toujours, selon ses explications, il a assisté la délégation rwandaise lors du dernier FESPACO (Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou) qui a eu lieu du 23 février au 2 mars. «La plupart des membres n’avaient jamais mis le pied à Ouagadougou. Donc, il fallait les mettre à l’aise, leur donner une vraie image du pays quels que soient leur couleur, leur rang social et leur appartenance politique et religieuse. Il fallait veiller à remplir les formalités policières et douanières. En- suite, il faut trouver des idées pour qu’ils se sentent bien durant le séjour (hôtel, moyen roulant, agent de sécurité s’il le faut)… Il y a des gens qui viennent en visite officielle, d’autres veulent de la discrétion. Nous, on veille à satisfaire leurs besoins», a précisé Patrick Koala d’après qui, le travail n’est pas toujours facile.
«Souvent, on peut tenter de t’intimider. Il y a des gens, quand ils voient que tu portes assistance à des personnes d’une certaine classe, ils trouvent que ce n’est pas normal», a expliqué le policier.
De plus, il y a des personnes malhonnêtes qui exercent officieusement dans ce domaine et qui constituent un obstacle pour ceux qui sont déclarés, qui ont des employés, qui disposent d’un numéro IFU (Identifiant fiscal unique) et qui paient des taxes. Il a d’ailleurs attiré l’attention de l’ANAC (Agence nationale de l’aviation civile) sur ce phénomène.
Z.S.