QUEL est le degré de prise en compte du genre dans l’exploitation minière, en général, et dans le secteur minier moderne, en particulier? Quelle est la contribution des femmes au secteur minier au Burkina Faso? Dr Nestorine Sangaré/Compaoré a tenté de donner des réponses à ces préoccupations le 28 mars 2019, au cours d’un atelier sur le thème: «La place et le rôle de la femme dans le secteur minier au Burkina».
L’atelier a été organisé par l’Ambassade du Canada, de concert avec l’Association des femmes du secteur minier du Burkina (AFEMIB).
L’importance du secteur minier dans le développement économique et social du pays se mesure à travers sa contribution en termes de recettes directes dans le budget national. Le secteur est caractérisé par l’exploitation industrielle, semi- mécanisée et artisanale. Dans le secteur, se côtoient les acteurs étatiques et les acteurs privés composés de sociétés en exploration, en exploitation, les comptoirs d’achat, de vente et d’exportation de l’or, les sociétés de géo services (sondage, laboratoire, géophysique, géochimie, etc.) et les sociétés de sous-traitance de services miniers.
Pour Dr Nestorine Sangaré, les fondements juridiques sont favorables à la prise en compte des femmes dans le secteur minier. Elle a cité l’axe stratégique 2 de la Politique nationale Genre qui porte sur «la promotion des droits et opportunités égaux aux femmes et aux hommes en matière d’accès et de contrôle des ressources et de partage équitable des revenus». Pour concrétiser la Politique Genre, le ministère des Mines prévoit que des mécanismes seront mis en place pour s’assurer de la prise en compte effective du genre dans la mise en œuvre de la poli- tique sectorielle des mines (2014-2025).
Elle entend par femmes dans le secteur minier, celles qui travaillent dans les sociétés minières, les fournisseuses de biens et services miniers, les femmes dans l’orpaillage, les femmes du ministère des Mines et des Carrières, etc. Toutefois, dans l’usage courant, l’accent est mis sur les femmes dans le domaine de la production d’or au niveau des sociétés industrielles, a indiqué la présentatrice.
Sur un effectif total de 6.263 personnes employées par les mines industrielles en 2016, il y avait seulement 184 femmes, soit 2,93% de l’effectif des employés, a-t-elle indiqué. Pour le secteur artisanal, elle informe que l’Agence nationale d’encadrement des exploitants miniers artisanaux (ANEEMAS) envisage de faire une étude nationale sur la situation des rapports de genre dans la production minière artisanale et semi-artisanale.
Quelle est la représentativité dans les différents emplois ?
Au niveau des mines industrielles, on retrouve des femmes géologues, métallurgistes, ingénieures de conception, laborantines, magasinières, superintendantes, secrétaires, comptables, gestionnaires des ressources humaines, juristes, environnementalistes, conductrices d’engins lourds, mécaniciennes. Elles sont aussi présentes dans les services généraux comme la cuisine, la buanderie, le nettoyage. On rencontre des femmes fournisseurs d’équipements miniers, de produits chimiques et lubrifiants.
Le nombre de femmes dans le secteur serait lié aux difficultés qu’elles rencontrent. On peut citer, entre autres, la signature de contrats de travail avec des clauses pour ne pas tomber enceinte pendant une période donnée, les difficultés de porter une grossesse jusqu’à 6 mois sur le site avec la pénibilité du travail à faire, le manque de lieu aménagé pour les enfants alors que le congé de maternité dure 3 mois, la mauvaise perception des femmes travaillant dans les mines (considérées comme étant bandits ou de mauvaise vie), les difficultés à concilier avec la vie de mère d’enfants en bas âge. A cela s’ajoute le manque de toilettes et douches séparées pour les femmes sur certains sites, les violences sexuelles et morales (harcèle- ment sexuel, chantage sexuel, etc.), la déscolarisation des enfants, la dépravation des mœurs au niveau des sites artisanaux, etc.
Toutefois, des bonnes pratiques ont été observées. Certains projets financés par les compagnies minières bénéficient directement aux femmes (moulins, forages, centres de santé, crédits pour les activités génératrices de revenus, construction de centres de promotion féminine, etc.). A la fin de sa présentation, elle a formulé des recommandations, dont des formations professionnelles (bourses d’étude) pour les femmes et filles pour une plus grande quantité et qualité des ressources humaines féminines, la définition une politique de recrutement sensible au genre, etc.
Elie KABORE
Les facteurs explicatifs de la sous-représentation des femmes
Les femmes font face aux problèmes structurels propres au secteur des mines dont l’insuffisance de ressources humaines qualifiées notamment, dans le cadre de la géologie et des mines, l’insuffisance de fournisseurs nationaux de biens et services utilisés dans l’industrie minière, l’insuffisance de moyens humains, matériels et financiers des administrations chargées de la gestion du secteur minier, le déséquilibre dans la répartition des revenus miniers entre les différents acteurs, la méconnaissance des textes législatifs et règlementaires du secteur minier par certains acteurs. La non-mise en œuvre des dispositions du nouveau Code minier relatives à la fourniture locale des biens et services, à la formation des cadres nationaux pour le remplacement progressif du personnel expatrié, le financement de la recherche minière et géologique pour constituer une expertise nationale dans ces domaines, à la mobilisation insuffisante des ressources destinées au Fonds minier de développement local sont d’autres facteurs explicatifs.