Le système de franchise s’analyse en marketing par l’ensemble des auteurs comme une organisation d’entreprises en réseau, dotées de leur autonomie juridique et financière, dont l’objet consiste à dupliquer un concept commercial pour satisfaire et fidéliser des consommateurs.
Aussi loin que l’on remonte dans les travaux français fondateurs du concept de franchise (Boursican, 1972; Garrrigou, 1972; Weill, 1974; Nègre 1982), l’indépendance juridique et financière du franchisé ne fait pas débat, elle est une évidence. Le réseau de franchise est analysé comme un canal de distribution contractuel court, dont les membres jouissent du libre arbitre entrepreneurial.
L’approche économique de la franchise trouve son point d’origine dans les travaux de Jensen et Meckling, 1979, sur la théorie du nœud de contrats, représentant la firme comme un ensemble de contrats étendus non seulement à ceux concernant les salariés mais incluant l’ensemble des conventions établies avec son environnement: clients, fournisseurs, créanciers… La firme est perçue comme une «fiction légale» constituée d’un jeu de relations contractuelles établissant des droits et des obligations.
Ainsi, par extension, le réseau de franchise pourrait aussi s’apparenter à cette fiction légale constituée de relations contractuelles et justifier ainsi une représentation globale du réseau de franchise comme une «unité économique et sociale».
Toutefois, cette acception perd tout son sens dès lors que l’on introduit une caractéristique essentielle du système de franchise, la répartition des rôles entre franchiseur et franchisé, c’est-à-dire la spécialisation des actifs humains et de site (capitaux, savoir-faire, logistique, franchiseur,…).
L’approche microéconomique néo-institutionnelle considère par ailleurs trois formes organisationnelles identifiables à travers leurs performances relatives, le marché, la forme hybride et la firme. Elle caractérise la relation de franchise comme forme de relation inter-firme coordonnée par un contrat, différenciée du marché et de la firme par ses capacités d’adaptation et de réactivité ainsi que ses propriétés incitatives.
Enfin, l’utilisation d’une marque commune par des unités juridiquement autonomes est au centre de la définition de la franchise commerciale.
La science économique n’a pas suggéré de débat sur une éventuelle requalification du statut du franchisé et la pratique de la franchise s’est développée partout dans le monde sur le postulat de l’indépendance juridique et financière des partenaires.
La profession considère le franchisé comme un commerçant juridiquement indépendant mais membre d’une organisation en réseau sous enseigne commune pour commercialiser le même concept auprès de la clientèle cible. Pour cela, il s’engage à respecter un certain nombre d’obligations nécessaires pour assurer l’unicité du concept auprès de cette clientèle.
Les normes imposées aux franchisés par le franchiseur, limitant leur indépendance, mais dont la mise en œuvre par tous conditionne le développement de l’activité de réseau dans son ensemble: mise à disposition d’un savoir-faire, d’une marque et d’une charte graphique, obligations liées à la présentation des produits, communication, prix maximum conseillés de revente, attributions éventuelles de territoires, imposition, le cas échéant, de quotas d’activité, prescriptions de communication et promotionnelles… Au regard du droit des contrats, de la concurrence et du droit commercial, le contrat de franchise est validé et le franchisé est indépendant. Cependant, depuis une dizaine d’années, le droit du travail, via la jurisprudence française, étend de façon rampante son emprise sur le contrat de franchise considérant que les obligations imposées au franchisé sont autant de subordination autorisant la requalification du contrat de franchise en contrat de travail ou permettant au franchisé de bénéficier de certaines protections attachées au statut de salarié. Des franchisés en difficulté demandent aux juges prud’homaux la protection du droit du travail avec toute les conséquences financières, remboursement des sommes versées par le franchisé au franchiseur, indemnités et coûts sociaux attachés au droit du travail avec les cotisations sociales attachées, les indemnités de licenciement et l’annulation des dettes commerciales du franchisé vis-à-vis de son franchiseur. Plus récemment les juges du droit du travail en France ont assimilé le réseau de franchise à une «unité économique et sociale» au sens du droit social permettant d’imposer aux réseaux de franchise toutes les conditions collectives du droit social considérant que les réseaux de franchise forment une unité économique et sociale au regard du droit du travail. Enfin, le 29 juillet 2014, le US National Labour Relation Board a adopté une règlementation permettant dans certaines circonstances de considérer le franchiseur et le franchisé comme «co-employeurs» du personnel du franchisé, ce cas impliquant directement une grande chaîne de restauration commerciale rapide.L’indépendance du franchisé est un élément essentiel du système de franchise non seulement in concreto mais in abstracto comparativement au succursalisme par exemple (cf. C. Nègre, Tribune L’Economiste N°5125 du 12/10/2017) notamment et au regard de la performance économique.
Dans une recherche commanditée fff 2016: l’indépendance du franchisé, facteur de réussite de la franchise? La mise en évidence des différences de modes d’animation et de duplication des savoir-faire entre un réseau de franchise et un réseau de succursales établit la preuve de l’autonomie d’un franchisé au quotidien et confirme l’intangibilité des critères caractérisant l’appartenance au statut de franchisé:
– Le franchisé choisit un statut, celui de franchisé et choisit une enseigne qu’il considère plus avantageux pour lui que tout autre.
– Le franchisé réalise les investissements de site et en est propriétaire le plus souvent.
– Le franchisé choisit de rester ou non dans les réseaux en renouvelant ou non son contrat.
– Le franchisé recrute son personnel et le gère.
– Le franchisé assume tous les risques d’un entrepreneur individuel et peut céder son entreprise avec ou sans enseigne de réseau.
– Il existe un lien entre autonomie des franchisés et performance du réseau.
Ainsi l’indépendance du franchisé se fonde sur l’hypothèse comportementale suivante: le franchisé exerce son libre arbitre entrepreneurial en adhérant à un concept commercial et une organisation en réseau dont il considère qu’ils sont constitutifs pour lui d’avantages concurrentiels comparativement à toute autre option.
– Jensen M.C., Meckling W.H., (1979), «Rights and Production Functions: An Application to Labour, Management, Firms and Co-determination», Journal of Business, Vol 52, n° 4.
– Fédération française de la franchise, L’indépendance du franchisé: facteur de réussite de la franchise, rapport de recherche commanditée fff-Novancia, 2016.
L’Economiste /Edition N°:5460 Le 25/02/2019
Franchise
Mode de gouvernance: Contrat commercial
Statut juridique du franchisé: commerçant indépendant, sous forme sociétaire ou individuelle
Nature du lien franchiseur – franchisé: commercial
Un réseau de franchise est constitué d’unités, points de vente ou centres de services, juridiquement et financièrement indépendants, dénommés franchisés, reliés contractuellement à une entité amont, le franchiseur, qui met à leur disposition des signes de ralliement de la clientèle (enseigne, marque, concept architectural, système d’identité visuelle), des savoir-faire, une assistance technique et commerciale, dans le cadre d’une exclusivité territoriale, en échange d’une contrepartie financière sous forme de droit d’entrée et royalties.
Succursalisme
Mode de gouvernance: Contrat de travail
Statut juridique du gérant de succursale: salarié du succursaliste, directement ou indirectement
Nature du lien succursaliste – gérant de succursale: subordination
Un réseau succursaliste est constitué d’unités, points de vente ou centres de services, dénommés succursales, dont la propriété juridique et financière est celle d’une entité amont, le succursaliste, tête de chaîne, détenteur de l’enseigne.
L’ensemble des actifs de site (magasins, bureaux, terrains…) des succursales appartient à l’entité succursaliste, directement ou par des filiales détenues. L’ensemble du personnel des succursales est salarié de l’entité succursaliste. Les unités en succursales n’ont pas d’autonomie juridique ou financière.