En marge de la convention annuelle de Prospectors & Developers Association of Canada (PDAC) qui s’est tenue du 3 au 6 mars 2019 à Toronto, au Canada, L’Economiste du Faso a rencontré Athanase Boudo, Ambassadeur du Burkina au Canada. Il présente sa juridiction et aborde les relations politiques et économiques entre les deux pays.
L’Economiste du Faso : Depuis quand êtes-vous au Canada ?
Athanase Boudo : Je suis arrivé au Canada le 7 novembre 2017. J’ai présenté mes lettres de créances le 20 novembre 2017 en tant qu’Ambassadeur du Burkina Faso au Canada auprès de la Gouverneure générale qui est le chef de l’Etat canadien, et mes lettres de cabinet le 12 janvier 2018 en tant que représentant permanent du Burkina Faso auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui fait partie du système des Nations-unies.
Présentez-nous l’étendue de votre zone de couverture ?
Le Canada est un Etat continent d’une superficie de 10 millions de Km2. C’est à peu près 32 fois le Burkina Faso. Il se présente comme le deuxième Etat le plus vaste au monde après la Russie. C’est un Etat fédéral qui est composé de 10 provinces et 3 territoires déconcentrés rattachés à l’Etat fédéral avec une population de 37 millions d’habitants. Les provinces ont le statut d’Etat avec une autonomie assez forte. Chaque province dispose d’un Exécutif dirigé par un Premier ministre, un Parlement qui a la même configuration que le niveau fédéral et un Lieutenant-Gouverneur. Le Canada est une monarchie constitutionnelle. Les Lieutenant-Gouverneurs sont les représentants de la Gouverneure générale, la
représentante de la reine d’Angleterre. Les Etats les plus importants en termes de populations et en termes d’économies sont l’Etat de l’Ontario avec Toronto comme capitale, l’Etat de Québec dont la capitale est Québec City, l’Alberta avec Edmonton comme capitale, la Nouvelle Ecosse avec Vancouver comme capitale, dans une certaine mesure, le Manitoba, la Colombie britannique et quelques Iles.
L’économie du Canada est assez variée. C’est un Etat minier de longue date. C’est aussi un état pétrolier, agricole. Une grosse partie du bétail de l’Union européenne provient du Canada. Le Canada excelle dans les services comme le numérique. L’Etat du Québec est très avancé dans ce domaine.
Le Canada fabrique des avions avec la firme Bombardier. C’est un pays industrialisé et développé qui fait partie du G8 dont la dernière rencontre s’est tenue au Canada. Le modèle économique du Canada repose sur les ressources humaines. Le pays connait un déficit à ce niveau certainement compte tenu de la politique familiale mise en place et de la géographie qui n’est toujours favorable à la vie de l’homme. Dans l’année, 4 à 5 mois sont vivables. Les autres périodes surtout, on peut enregistrer 40 degré. Dans les territoires du Nord-Ouest qui occupent 1/3 du Canada, on ne compte que 200.000 habitants, composés essentiellement des autochtones, il fait froid de manière permanente. Ce n’est pas toujours évident de pouvoir attirer du monde dans ces localités.
L’histoire du Canada enseigne que le pays est habité par des émigrés européens, asiatique et africains. C’est une mosaïque de populations sur la base de la politique migratoire et qui constitue la main d’œuvre pour combler le déficit de croissance démographique.
Sur ces 37 millions d’habitants, on dénombre combien de Burkinabè ?
Nous n’avons pas assez de ressortissants, comparés aux autres pays africains. Selon le dernier recensement de Statistiques Canada, réalisé en 2014 et publié par radio Canada en 2016, 3.500 Burkinabè vivent au Canada. Au niveau de l’Ambassade, en tenant compte des derniers mouvements de Burkinabè vers le Canada, nous estimons à 5.000 Burkinabè, répartis de manière disparate au niveau du Canada. On a une forte concentration dans l’Etat de Québec, la province francophone, avec à peu près 1.140 Burkinabè. Dans l’Ontario, on compte environ 800 Burkinabè. La troisième concentration c’est dans l’Alberta, la quatrième concentration est au niveau du Nouveau Brunswick, compte tenu de l’université francophone de Moncton. La plupart de ces Burkinabè ont de bonnes qualifications professionnelles. Ce sont des anciens fonctionnaires de l’Administration burkinabè qui sont dans le domaine de la santé, l’informatique, l’administration publique canadienne. Nous avons d’anciens étudiants qui sont restés après les études. Nous avons des Burkinabè professeurs d’universités, magistrats, avocats, ingénieurs, on en retrouve à Bombardier, à l’OACI qui ont acquis la double nationalité.
C’est un luxe pour le pays d’avoir ces cadres. Nous travaillons à capitaliser leurs expériences pour le pays.
Depuis votre arrivée, quelles sont les actions posées en faveur du Burkina ?
C’est depuis 1962 que le Burkina entretient des relations diplomatiques avec le Canada. Nous travaillons à consolider les acquis de nos prédécesseurs tout en innovant.
Au-delà de la représentation diplomatique, c’est de renforcer les relations économiques, politiques et culturelles. Nous sommes dans cette dynamique.
Dès les premiers jours de notre arrivée, nous nous sommes dotés d’un plan d’action triennal 2018-2020 pour être en phase avec le Programme national de développement économique et social (PNDES) qui finit en 2020.
Ce plan d’action s’intéresse à la coopération politique, culturelle, économique, sans oublier les activités consulaires.
Quelques résultats obtenus au niveau politique. La visite de la Gouverneure générale du Canada a été un signal fort qui confirme les bonnes relations entre les 02 pays. Au Canada, il est difficile de déplacer un ministre ou un député. Nous avons pu déplacer la Gouverneure générale pour la première fois au Burkina. Elle a passé 4 jours au Burkina et 2 jours en Côte d’Ivoire et une journée et demie au Nigeria.
Nous avons établi un dialogue qui a permis d’instaurer une coopération mixte avec la tenue d’une première revue entre les 02 pays, contrairement aux habitudes qui consistent à une revue des programmes. Grace à la revue, nous disposons de plusieurs données sur les interventions des entreprises, des ONG du Canada au Burkina. Ces données n’étaient pas disponibles.
Dans le domaine économique, pour la première fois, nous avons organisé un forum économique au Canada qui a connu un grand succès et a permis de réunir près de 300 hommes d’affaires provenant de 70 entreprises canadiennes pour des mises en relation avec une vingtaine d’entreprises burkinabè en plus des Burkinabè présents dans le privé au Canada. Trois ministres du gouvernement burkinabè y étaient et des signatures de contrats sont en cours.
Dans le domaine culturel, nous avons appuyé les acteurs culturels qui sont dans le domaine au Canada mais nous comptons organiser la foire de la culture Burkina en juillet 2019, une activité culturelle propre à l’Ambassade.
Nous avons mis en place des outils pour faciliter la coopération dans le domaine scientifique, pour faciliter la gestion des bourses des étudiants et favoriser la coopération entre les universités des 2 pays.
Dans le domaine consulaire, nous avons travaillé à organiser les Burkinabè vivant au Canada pour qu’ils soient utiles pour leur pays. Pour cela, nous sommes allés vers eux. Sur les 10 provinces, nous avons parcouru 6, ce qui a contribué à établir des relations de confiance. A notre arrivée, le registre consulaire indiquait 202 personnes ayant retiré leur carte consulaire. Ce qui ne permettait pas au Canada d’être une circonscription électorale qui exige 500 personnes enregistrées dans les livres de l’Ambassade. Ces tournées ont permis d’enregistrer actuellement, 580 Burkinabè. Les Burkinabè s’intéressaient peu à l’Ambassade. Actuellement, toutes les activités que nous organisons connaissent un réel engouement.
Pour la deuxième fois, de façon consécutive, nous avons organisé le 11- Décembre ici au Canada. La grande Chancellerie a décoré des personnes au Canada. C’était la première fois qu’une institution d’un pays africain organisait une telle cérémonie au Canada. A l’occasion, des Burkinabè et des Canadiens ont été décorés. De bons moments pour rassembler les Burkinabè.
Quels sont les intérêts canadiens au Burkina et vice versa ?
Le Canada est le premier investisseur privé étranger au Burkina, essentiellement dans le secteur minier. Sur les 12 mines en production, 6 sont détenues par des sociétés canadiennes. Les mines contribuent dans le développement du pays en termes de recettes, création d’emplois, la formation, etc. C’est au Burkina de capitaliser ces opportunités qu’offrent les mines. Le Canada est dans d’autres domaines comme les banques, où la Canadien Bank Note fabrique les pièces d’identité, les passeports, les timbres burkinabè.
Le Canada contribue en termes d’aides dans le domaine de la santé, de l’éducation où il est le premier partenaire du Burkina. Nous venons de signer une convention de 5 milliards FCFA pour les 3 prochaines années sous la forme d’appui budgétaire pendant que de nombreux partenaires évitent ce type de financement. C’est une preuve de confiance. Mais à l’inverse, on note que très peu de Burkinabè ont des investissements au Canada. L’organisation du forum économique et des missions commerciales d’hommes d’affaires canadiens au Burkina et vice versa visent à renverser la tendance.
Interview réalisée par Elie KABORE
Quel bilan pouvez-vous faire de la participation du Burkina au PDAC ?
Le PDAC se tient à Toronto qui dispose d’une bourse. PDAC est le plus grand regroupement d’entreprises minières au monde.
Un congrès comme celui-là ne pouvait pas échapper à un pays minier comme le Burkina. Ce fut l’occasion du ministre des Mines et de sa délégation de discuter avec les responsables de ces mines sur la sécurité. Chaque fois, l’Ambassade est sollicitée pour des demandes d’informations sur les attaques terroristes. Il fallait être là pour donner la juste information que la question sécuritaire est juste conjoncturelle.
Le ministre a eu aussi des échanges sur la rentabilité des mines, les taxes, etc. Il était nécessaire que le Burkina qui est à la recherche de partenaires vienne vendre le potentiel burkinabè à travers un stand d’exposition. Les résultats sont encourageants.