L’Assemblée nationale est une institution budgétivore parce que son budget serait passé de 8 milliards FCFA en 2015 sous la Transition à 20,8 milliards FCFA dans le budget 2019. C’est un des messages clés qui est ressorti de la conférence organisée le 3 janvier 2019 par l’Union d’action syndicale (UAS), à la faveur de la commémoration du soulèvement populaire de 3 janvier 1966.Afin de vérifier la véracité des propos, L’Economiste du Faso est allé à la chasse des chiffres. La recherche a concerné, dans un premier temps, les lois de finances, essentiellement dans les documents appelés «la Brique» des années 2015 à 2019. Une comparaison a été faite avec les 2 années antérieures à 2015.
Dans un second temps, la recherche a concerné les rapports d’exécution financière de l’Assemblée nationale de 2013 à 2019, disponibles à la questure de l’institution.
Une dotation budgétaire au lieu de budget pour l’AN
C’est par abus que l’on parle de budget pour ce qui concerne l’Assemblée nationale. Le terme qui sied est la dotation budgétaire qui représente une certaine somme d’argent affectée à l’Assemblée nationale en début d’année. En fin d’exercice, si le solde budgétaire est positif, il est reporté pour l’exercice prochain.
La dotation budgétaire de l’Assemblée nationale a une source constitutionnelle. En effet, l’article 93 de la Constitution précise que: «L’Assemblée nationale jouit de l’autonomie financière. Le président de l’Assemblée nationale gère les crédits qui lui sont alloués pour son fonctionnement. Le président est responsable de cette gestion devant l’Assemblée nationale. Celle-ci peut le démettre à la majorité des trois cinquièmes pour faute lourde dans sa gestion». (Loi constitutionnelle n°072-2015/CNT du 05 novembre 2015 portant révision de la Constitution). Cette disposition est reprise dans le règlement de l’institution.
Au regard de la séparation des pouvoirs, les corps de contrôle de l’ordre administratif comme l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) ne peuvent pas contrôler la gestion de l’Assemblée nationale. Un député de l’hémicycle explique que l’autocontrôle s’exerce à travers la Commission finances et budget (COMFIB) où siègent aussi bien des députés de la majorité et ceux de l’opposition. Le contrôle s’exerce également à travers le contrôleur financier interne et la Direction de l’audit interne. Un autre niveau de contrôle est le bureau de l’Assemblée nationale dont 3 des 6 vice-présidents proviennent de l’opposition.
Evolution du budget de l’Assemblée nationale de 2013 à 2018
Afin de mieux comprendre l’évolution des dotations budgétaires de l’Assemblée nationale, nous avons considéré la période 2013 à 2019. En 2013, soit 2 années budgétaires avant la mise en place du budget de la Transition, une dotation initiale de 10,773 milliards FCFA a été faite à l’Assemblée nationale. Elle a terminé l’année avec une dotation définitive de 11,266 milliards FCFA, soit une hausse de près de 500 millions FCFA.
En 2014, le seul chiffre disponible est la dotation initiale de 15,717 milliards FCFA. Les archives du service financier de l’Assemblée nationale ayant péri dans l’incendie suite à l’insurrection populaire, il n’existe pas de documents qui permettent la reconstitution avec la dotation définitive avec celle initiale. En 2015, avec 90 députés, la dotation initiale du Conseil national de la Transition (CNT) était de 8.164.041.000 FCFA. Toutefois, le CNT a terminé sa mandature avec une dotation définitive de 12,113 milliards FCFA, soit une hausse de 3,949 milliards FCFA, représentant une progression de 33% entre les 2 dotations.
La loi de finances 2016, adoptée par le CNT, a reconduit l’équivalent de la dotation initiale de 2015 d’un montant de 8,335 milliards FCFA. Une dotation incompréhensible puisque non seulement le CNT a terminé l’année 2015 avec une dotation supplémentaire de 3,949 milliards FCFA, mais en plus, le nombre des élus devait passer de 90 à 127 députés. Cette insuffisance de budgétisation a vite été corrigée avec l’adoption de 2 lois de finances rectificatives au cours de l’année 2016; ce qui a permis de revoir à la hausse la dotation initiale de 5,825 milliards FCFA, représentant une progression de 41%. Outre l’augmentation du nombre des députés, cette hausse s’expliquerait aussi par les travaux d’aménagement de l’hôtel des députés pour le réadapter en bureaux pour accueillir le personnel. On note que la gestion budgétaire du CNT n’a pas dégagé de solde budgétaire. Pour l’année 2017, la dotation initiale de 15,418 milliards FCFA était presqu’identique à la dotation définitive de 2016. Toutefois, l’Assemblée a terminé l’année avec une dotation définitive de plus de 756,743 millions FCFA, représentant une hausse de 5%. Cette hausse résulte de l’augmentation du personnel, des corrections des salaires, de l’incidence de la location de bâtiments administratifs supplémentaires pour accueillir certains services, notamment au quartier Petit-Paris, de la réhabilitation de bâtiments, etc. En dépit de tout, le solde budgétaire en fin d’année 2017 qui était de 2,211 milliards FCFA a été systématiquement reporté dans la dotation de 2018. Malgré ce report, en 2018, la dotation initiale de 16,683 milliards FCFA était identique à la dotation définitive de 2017. Mais la dotation définitive de plus de 2,211 milliards FCFA (12% de plus) constatée résulte en partie de l’incidence de l’application du nouveau statut des agents créé avec l’adoption de la loi portant Fonction publique parlementaire.
Elie KABORE
Le cas spécifique de 2019
La dotation initiale 2019 de l’Assemblée nationale telle qu’inscrite dans la loi de finances 2019 serait de 20,867 milliards FCFA. Mais en lisant entre les lignes, on note que les investissements au titre de l’année 2019 s’élèvent à 5,235 milliards FCFA, soit 25,08% de la dotation générale.
Dans ces investissements, 4 milliards FCFA ont été prévus pour le début de la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale situé au quartier Ouaga 2000. Aussi, 500 millions FCFA sont prévus pour la construction du siège du Chef de file de l’opposition (CFOP) et 100 millions FCFA pour les études architecturales, d’ingénierie et de suivis de ces 2 nouvelles constructions.
A propos du nouveau siège de l’Assemblée nationale, il s’agit d’un ancien projet qui date d’avant l’insurrection d’octobre 2014. Toutes les études avaient déjà été réalisées mais la mise en œuvre du projet a connu des difficultés parce que des personnes se réclamant des propriétaires terriens refusaient de libérer les lieux.
Les 4 milliards FCFA représentant l’avance pour le début de la construction, le reste du budget sera étalée dans les autres dotations budgétaires des années à venir. L’objectif est de libérer l’hôtel des députés afin qu’il serve effectivement à l’hébergement des hôtes de l’Assemblée nationale dont les frais d’hôtel reviennent chers.
Lorsqu’on soustrait les 2,211 milliards FCFA de solde budgétaire de 2018 reportés en 2019, la dotation de la Représentation nationale en 2019 serait en dessous de la dotation définitive de 2018 qui serait de 18,656 milliards FCFA.
Il ne s’agit donc pas d’une augmentation en tant que telle. Si l’on soustrait les 4,6 milliards FCFA destinés aux nouvelles constructions, on se retrouve avec une dotation de 14,05 milliards FCFA, identique au budget 2016.
Dans la dotation initiale 2019 de 20,867 milliards FCFA, la masse salariale s’élève à 7,078 milliards FCFA, représentant 33,92% de l’ensemble de la dotation. Le reste du budget va dans le fonctionnement avec les entretiens et les locations de bâtiments privés pour accueillir certains services.
Je voulais entretien de pays