En septembre 2015, plus de 150 dirigeants mondiaux ont adopté à New-York (Etats-Unis) un programme universel et transformateur comprenant 17 Objectifs de développement durable (ODD) et 169 cibles, qui vise à mettre fin à la pauvreté, à lutter contre les inégalités et à renforcer les capacités d’adaptation aux changements climatiques.
Trois ans après, les changements attendus sur le terrain sont peu reluisants, notamment dans les 47 Pays les moins avancés (PMA) du monde. Dans ce groupe, on retrouve la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, certains pays asiatiques et plusieurs Etats insulaires.
Pour atteindre les ODD, la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) est arrivée à un constat qui est la suivante: les PMA doivent favoriser l’essor d’entreprises dynamiques qui créent des emplois et contribuent à éliminer la pauvreté.
Pour rappeler ce constat aux dirigeants qui sont à la tête des PMA, la CNUCED a basé son rapport annuel 2018 sur l’importance d’accorder une volonté politique réelle au développement des entreprises. Ce rapport annuel a été rendu public le 20 novembre, et c’est la capitale politique du Burkina Faso; Ouagadougou; qui a été choisie pour son lancement. Cette année, le rapport 2018 est articulé autour de «l’entrepreneuriat au service de la transformation structurelle: changer de cap».
Situation au Burkina Faso
Selon la chargée d’affaires économiques à la CNUCED, Bineswaree Bolaky, qui a présenté le rapport, elle a d’entrée expliqué que la CNUCED distingue deux types d’entrepreneuriat : entrepreneuriat par nécessiteux et entrepreneuriat par choix.
Sur le dernier point cité, elle a souligné que le Burkina Faso, malgré certaines insuffisances, est sur la bonne voie. Elle dit en vouloir pour preuve le fait que le Burkina Faso se soit doté d’une stratégie nationale pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin et l’entrepreneuriat agricole.
Après cette étape, Bineswaree Bolaky recommande au gouvernement burkinabè de faire en sorte qu’il y ait une cohérence entre les programmes de développement des politiques industrielles et les programmes qui visent le développement de l’entrepreneuriat par choix.
Elle mentionne que plusieurs obstacles se dressent face à l’essor d’entrepreneuriat au Burkina Faso. Il s’agit, entre autres, de l’accès aux financements: l’Etat doit aider les entreprises à avoir des financements dans la durée; mettre en place des politiques publiques pour faciliter l’émergence de nouvelles entreprises et surtout soutenir ces entreprises naissantes durant tout le cycle de vie d’une entreprise, afin qu’elles puissent tirer des opportunités du marché des exportations et saisir les opportunités grandissantes qui proviennent de l’économie numérique.
Le paysage entrepreneurial dans les PMA
Le rapport révèle que les PMA comptent plus d’un milliard d’habitants (soit 13% de la population mondiale), mais ils représentent seulement 1,3% du PIB mondial et 1,1% du commerce mondial.
Du rapport, il ressort qu’en 2017, on dénombrait près de 270 millions de travailleurs indépendants (l’auto-emploi) dans les pays les moins avancés (PMA). Le travail indépendant, qui est généralement considéré comme une forme d’entrepreneuriat, représente 70% de l’emploi total dans les PMA, contre 50% dans les autres pays en développement. Près de la moitié de la population adulte est employée dans une forme d’activité entrepreneuriale; qu’il s’agisse d’une activité naissante (29%) ou d’une entreprise établie (18%).
L’économie souterraine (c’est-à-dire les activités économiques dissimulées aux autorités pour des raisons monétaires, réglementaires ou institutionnelles) représente en moyenne 35% du PIB dans les PMA. Dans ces pays, les jeunes entrepreneurs sont 1,7 fois plus nombreux à se dire entrepreneurs par choix plutôt que par nécessiteux, alors qu’ils sont 2,8 fois plus nombreux dans les autres pays en développement et 3,6 fois plus nombreux dans les pays développés et les pays en transition, considérés dans leur ensemble. 63% des jeunes entrepreneurs et 57% des entrepreneurs établis sont présents dans le secteur des services aux consommateurs, généralement dans des activités à faibles marges et qui copient des activités existantes. Le constat est très alarmant sur les taux de survie des jeunes entreprises, qui reste faible. Plus de la moitié des nouvelles entreprises quitte le marché avant sa 5e année d’existence. Dans les PMA, les jeunes entrepreneurs sont pour 28% de jeunes adultes (18-24 ans) et pour 35% des personnes âgées de 25 à 34 ans.
Les jeunes entrepreneuses sont presqu’aussi nombreuses que les jeunes entrepreneurs, mais les femmes ont 5 fois moins de chances de posséder leurs propres entreprises. Les ménages ruraux, qui sont proches de grandes agglomérations, sont plus susceptibles d’exercer des activités entrepreneuriales non-agricoles, parce qu’ils ont plus facilement accès aux marchés, au crédit et aux moyens de télécommunication. La répartition des entreprises du secteur formel est marquée par une prédominance des établissements de taille réduite, au détriment des établissements de taille intermédiaire : 58% des entreprises ont moins de 20 employés, et seulement 12% ont plus de 100 employés. Le rapport constate que les petites entreprises et les jeunes entreprises sont essentielles dans la création d’emplois, mais les grandes entreprises jouent un rôle clef dans l’augmentation du coefficient d’intensité capitalistique et de la productivité.
Des entreprises créatrices de valeurs ajoutées
De l’avis des rapporteurs, il ne suffit pas de favoriser l’essor d’entreprises ; il faut que ces entreprises créées puissent constituer des chaînes de valeur mondiale. Mais, de ce côté aussi, les attentes sont en deçà de celles de la CNUCED.
A ce sujet, elle souligne que la participation des PMA aux chaînes de valeur mondiale reste faible et concentrée dans des biens qui sont sensibles aux variations de la demande mondiale. Les exportations des PMA, dans le cadre des chaînes de valeur mondiale, n’ont guère progressé entre 2010 et 2017 (+2% en moyenne par année), alors que les exportations totales d’articles manufacturés ont augmenté de 8% par année au cours de la même période.
Rachel DABIRE
Les obstacles à la création et à la croissance des entreprises
Dans les PMA, 3 entreprises sur 4 subissent des coupures d’électricité. Ce qui occasionne des coûts supplémentaires, en particulier pour les micros et les petites entreprises. En 2017, 17,5% de la population des PMA utilisaient internet, contre 41,3% dans les autres pays en développement et 81% dans les pays développés. En ce qui concerne l’utilisation d’internet, les inégalités entre hommes et femmes sont plus marquées dans les PMA que dans les autres pays en développement et les pays développés. Dans les PMA, en effet, 14,1% des femmes utilisent internet, contre 21% des hommes. 32 PMA ont des lois qui interdisent aux femmes d’exercer certaines professions, au risque de limiter les résultats des entreprises gérées par elles. En 2015-2017, les coûts supportés par les jeunes entreprises de pointe représentent 40% du revenu par habitant dans le PMA médian, contre 26% en moyenne dans le monde. Dans 21 des 46 PMA, la création d’une entreprise nécessite un nombre de procédures supérieur à la moyenne mondiale. En ce qui concerne la facilité de faire des affaires (telle qu’elle est habituellement évaluée par l’indice correspondant de la Banque mondiale), 32 des 47 PMA se situent dans le quartier intérieur ; ce qui indique un environnement peu favorable aux entreprises.