Quel est l’état de mise en œuvre du Code minier, 3 ans après son adoption ? Pour répondre à cette préoccupation, la société civile burkinabè qui œuvre pour plus de transparence dans la gestion du secteur extractif a organisé une conférence publique le 4 octobre 2018 pour informer l’opinion nationale et internationale de la situation et annoncer de futures actions à entreprendre. C’est le 26 juin 2015 que le Conseil national de la transition (CNT) a adopté le Code minier (loi N°036-2015/CNT). Une des innovations de ce nouveau Code minier est la création d’un Fonds minier de développement local (FMDL). La création de ce dernier fonds tire son fondement de la directive minière de la CEDEAO qui, en son article 16, aliéna 7, dispose : «Les États membres créent un Fonds de développement socioéconomique auquel les titulaires de droits et titres miniers et autres parties prenantes ont l’obligation de contribuer pour le développement des activités de conversion de l’après-mine dans les communautés locales affectées». Le Burkina Faso a transposé cette directive dans sa législation à travers l’article 26 du Code minier. Cet article précise : «Il est alimenté par la contribution, d’une part, de l’Etat à hauteur de 20% des redevances proportionnelles collectées, liées à la valeur des produits extraits et/ou vendus et, d’autre part, des titulaires de permis d’exploitation de mines et des bénéficiaires d’autorisations d’exploitation industrielle de substances de carrières à hauteur de 1% de leurs chiffres d’affaires mensuels hors taxes ou de la valeur des produits extraits au cours du mois». Pour son opérationnalisation, le décret N°2017-0024 portant organisation, fonctionnement et modalités de perception du fonds minier de développement local a été signé le 23 janvier 2017. Mais, c’est le 30 décembre 2017 que l’arrêté N°17-027 portant création, composition, attributions et fonctionnement du comité national de suivi de la collecte, de la répartition du fonds et de l’utilisation du FMDL, d’une part, et l’arrêté N°17-028 portant création, composition, attributions et fonctionnement du comité communal de suivi de l’utilisation du fonds, d’autre part, ont été signés. Le Fonds minier de développement local vise à accompagner le processus du développement local. Il servira principalement à financer des activités inscrites dans les Plans communaux de développement (PCD) et les Plans régionaux de développement (PRD) ; avec en priorité les 3 secteurs sociaux : la santé, l’éducation et l’eau. A partir de cet instant, on s’attendait au début du reversement des sommes dues par les sociétés minières au titre de ce fonds, afin qu’elles puissent être transférées aux bénéficiaires. Jonas Hien, a, au nom de la société civile nationale, constaté qu’à la date du 30 septembre 2018, aucune commune ne bénéficie des ressources du FMDL, parce qu’aucune société minière n’alimente le FMDL. Selon ses estimations, le manque à gagner engendré par la non-mise en œuvre du FMDL serait de 48,179 milliards de FCFA pour les années 2017 et 2018. Dans ce montant, 26,766 milliards de FCFA représentent l’équivalent de 1% du chiffre d’affaires des sociétés minières pour les 2 années et les 21,413 milliards de FCFA représentent les 20% de redevances proportionnelles collectées par l’Etat.
Mais, pourquoi les collectivités n’arrivent-elles pas à percevoir les sommes dues au titre du FMDL ?
Pour Jonas Hien, ce non-paiement est lié au fait que les sociétés minières refusent de s’exécuter. Un refus qu’elles ont exprimé depuis la période d’élaboration du Code minier jusqu’à maintenant. N’ayant pas pu éviter l’inscription de cette disposition dans le texte adopté, elles se débattent pour bloquer son application. Elles avancent toutes sortes d’arguments pour se soustraire à l’alimentation de ce fonds. Les sociétés minières en exploitation ont estimé pendant l’élaboration du Code minier qu’elles n’étaient pas concernées par les dispositions relative au FMDL, parce qu’elles disposaient de conventions minières signées avec le gouvernement. Ces conventions minières prévoient des clauses de stabilité pendant une certaine période.
Cet argument a été battu en brèche par la société civile , parce que le fonds minier de développement local ne s’aurait être considéré comme un élément de fiscalité. Les sociétés minières sont donc passées à une autre étape. Elles ne refusent plus d’alimenter le fonds, mais souhaitent utiliser la moitié de leur part due sur leurs chiffres d’affaires pour continuer à réaliser des projets au profit des communautés au sein desquelles elles sont établies. Une proposition rejetée par la société civile qui indique que les investissements au profit des communautés restent faibles. L’exemple de la mine d’Essakane a été présenté. Cette société a appuyé les plans communaux de développement de 4 communes, à savoir Gorm-Gorom, Falangountou, Markoye et Dori. Elle a aussi appuyé le conseil régional du Sahel. Le montant global des financements entre 2014 et 2017 a été évalué à 1,181 milliard de FCFA. Pendant ce temps, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 323 milliards de FCFA rien qu’en 2017. C’est dire que 1% du chiffre d’affaires de cette société pour l’année 2017 serait de 3,23 milliards de FCFA. Le gap entre ce que la société réalise au profit des collectivités et ce qu’elle doit dans le cadre du FMDL est très grand. Jonas Hien informe que les sociétés minières à cours d’arguments ont alors exigé que le gouvernement leur fasse signer des contrats supplémentaires où il sera mentionné qu’elles acceptent alimenter le FMDL en dehors leurs conventions minières. Toutefois, les sociétés minières conditionnent l’alimentation à ce fonds aux résultats des négociations qu’elles ont entamées avec le gouvernement. En effet, elles seraient en négociations pour la baisse des prix des hydrocarbures appliqués aux mines. Elles négocient également l’exonération du paiement de la contribution financière de l’eau, parce qu’elles auraient réalisé les retenues d’eau. Pour Jonas Hien, la société civile lance un ultimatum aux sociétés minières pour le paiement de leur part due sur leurs chiffres d’affaires d’ici la fin de l’année 2018.
Elie KABORE
Les exigences de la société civile
Face à ce qu’elle appelle un refus des sociétés minières d’alimenter le fonds minier de développement local, la société civile œuvrant dans le secteur minier exige le paiement par les sociétés minières au cours de cette année 2018. Elle a lancé un slogan à cet effet : «Payez nos milliards du fonds minier de développement local en 2018 pour le développement du Burkina Faso». Pour ce faire, le ministère des Mines et des Carrières a été invité à envoyer les bulletins de liquidation aux sociétés minières dans un bref délai. Elle attend avec impatience la mise en place du comité national de répartition et des comités communaux de suivi de la mise en œuvre du fonds. Enfin, à l’endroit du ministère en charge des Finances, Jonas Hien a, au nom de la société civile, dit attendre l’ouverture des comptes au nom de chaque collectivité pour la réception des sommes dues au titre de ce fonds.
Des textes d’application qui se font désirer
Sur une quarantaine de textes d’application prévue, seulement 7 décrets et 2 arrêtés ont été pris, 3 ans après l’adoption du Code minier. Il s’agit du :
Décret n°2017-0035/PRES/PM/MEMC/MINEFID/MCIA/MATDSI/MJFIP/MFPTPS/MEEVCC du 26 janvier 2017 portant adoption d’un modèle-type de convention minière
Décret n° 2017-0036/PRES/PM/MEMC/MATDSI/MINEFID/MEEVCC/MCIA du 26 janvier 2017 portant gestion des titres miniers et autorisations
Décret n° 2017-0068/PRES/PM/MEMC/MEEVCC/MINEFID/MATDSI du 15 février 2017 portant organisation, fonctionnement et modalités de perception des ressources du Fonds de réhabilitation et de fermeture de la mine
Décret n° 2017-0047/PRES/PM/MEMC/MINEFID/MEEVCC /MATDSI du 1er février 2017 portant organisation, fonctionnement et modalités de perception des ressources du Fonds de réhabilitation, de sécurisation des sites miniers artisanaux et de lutte contre l’usage des produits chimiques prohibés
Décret n° 2017-0034/PRES/PM/MEMC/MINEFID du 26 janvier 2017 portant organisation, fonctionnement et modalités de perception du Fonds de financement de la recherche géologique et minière et de soutien à la formation sur les sciences de la terre
Décret N° 2016-0024/PRES/PM/MEMC/MINEFID/MATDSI du 23 janvier 2017 portant organisation, fonctionnement et modalités de perception du Fonds minier de développement local
Décret N° 2016- 0023/PRES/PM/MEMC/MINEFID du 23 janvier 2017 portant fixation des taxes et redevances minières
De l’Arrêté N°17-027/MMC/MINEFID/MATD portant composition, attributions et fonctionnement du Comité national de suivi de la collecte, de la répartition et de l’utilisation du fonds minier de développement local
De l’Arrêté N°17-028/MMC/MINEFID/MATD portant composition, attributions et fonctionnement du Comité communal de suivi de l’utilisation des ressources du fonds minier de développement local.