Si on hésitait un peu à faire un tour des stands aménagés à l’occasion de la 1re édition du Salon international du coton et du textile (SICOT) à Koudougou, on a finalement pris la bonne décision en s’y lançant, car notre petite escapade n’aura finalement pas été une perte de temps. Non seulement nous avons eu des échanges assez instructifs avec certains exposants, mais, en plus, nous y avons découvert une spécialité de notre pays que nous ne connaissions pas du tout : le «tô à la sauce de graines de coton».
Cri du cœur des veuves de Koudougou
Après avoir acheté des babioles en Faso Danfani, nous avons remarqué, sous le hangar suivent, des gens qui se régalaient, si bien que cela nous a donné l’appétit. Après renseignement, la jeune fille de service nous informe qu’elle vend du «tô à la sauce de graines de coton». Nous décidons alors d’en déguster un plat, d’autant plus que cela ne nous coûtait que 200 FCFA et qu’en plus on avait un petit creux.
Avec notre collègue, nous nous installons avec devant nous une assiette assez jolie. Mais, qu’en sera-t-il du goût ? Pourrions-nous «terrasser» le plat, comme on le dit si bien chez nous ? Trêve de réflexions : nous en prenons une cuillérée. Au début, nous avons tout de suite eu l’impression de manger de la patte d’arachide. C’était assez bizarre, car on avait un sentiment du déjà «vu». Avec un peu de piment, on arrive à engloutir la moitié du repas, seule car notre camarade a «démissionné» après la première bouchée. Ravie de l’intérêt, Azara Simporé, présidente de la Société coopérative Nabonswendé des transformatrices de graines de coton de Koudougou, fondée depuis sept ans, va gentiment accepter de
nous présenter leur méthode de travail : «Quand on prend les graines de coton, on passe à la machine pour les concasser. On utilise ensuite la farine pour faire toutes sortes de mets locaux comme le Gonré ou de la sauce pour accompagner le tô comme vous pouvez le voir ici. Pour ce qui est du son, on peut le donner aux moutons et aux bœufs ». Et si cette association composée de 300 personnes, située au secteur 1 de Koudougou, a décidé de louer le stand, ce n’était pas seulement pour vendre ses produits, c’était surtout pour rencontrer le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, afin de lui présenter ses préoccupations. «Nous voulons qu’on nous donne la possibilité d’avoir directement les graines de coton à la SOFITEX (Société burkinabè des fibres textiles). Avant, on était un groupement et on était obligé d’acheter avec ceux qui viennent de Ouagadougou ou de Bobo. Depuis quatre ans, avec les changement à la tête de l’institution, nous avons pu avoir 1.500 tonnes au total», a confié cette femme d’un âge mûr. Le hic, selon elle, c’est que le gouvernement a décidé de transformer les groupements en coopératives. Raison pour laquelle l’association a refait ses papiers pour être en conformité avec cette nouvelle disposition. «Nous espérons que ce sera en notre faveur, car notre formation a permis à des veuves qui vivaient vraiment dans la misère de recouvrer un peu de dignité», a-t-elle conclu d’un ton optimiste.
La troupe Béog-Néré de la Maison d’arrêt de Koudougou
L’autre découverte que nous avons faite lors de ce premier SICOT est la troupe Béog-Néré de la Maison d’arrêt et de correction de la Cité du cavalier rouge. En effet, au nombre de sept, les membres de cette bande ont presté lors des soirées culturelles. Avec leurs instruments traditionnels, à savoir le Bendré et le Kèma, ils ont réussi à emballer le public et certains étrangers. Si l’on en croit Issa Traoré, contrôleur de sécurité pénitentiaire, cette initiative relève de la politique de réinsertion sociale des détenus prônée par le ministère de la Justice. Il s’agit de faire en sorte que le prisonnier, pendant sa détention, utilise son temps positivement afin d’être utile à la société à sa sortie. Beaucoup d’actions comme la soudure, le jardinage, la couture ou la savonnerie sont menées dans ce sens. L’objectif, selon notre interlocuteur, c’est de faire comprendre aux gens que la prison n’est pas seulement un lieu de malfrats : «N’importe qui peut y être amené. Nous sommes tous des détenus en sursi», a-t-il expliqué, souhaitant que les Burkinabè sachent qu’une autre vie est possible après une période de réclusion. D’où le nom Béog-Néré qui montre que ces prisonniers espèrent un lendemain meilleur. Et en tant que chef de service art et culture de la Maison d’arrêt, Issa Traoré a voulu mettre en valeur les talents artistiques des pensionnaires. «Après une petite prospection, on a pu mettre en place la troupe en octobre 2016. Nous nous sommes inscrits aux éliminatoires régionales de la SNC (Semaine nationale de la culture) et on a été classé troisième. Vu la particularité de la troupe, nous avons été invités à faire des prestations à Bobo», a-t-il déclaré, l’air heureux et les yeux remplis de fierté. Quelle sera l’avenir de cette troupe, étant donné que ses membres, dont la tranche d’âge va de 22 à 50 ans, ont presque purger leurs peines ? Voilà la principale préoccupation des initiateurs qui veulent que le groupe survive et permette à ses membres de gagner, après leur sortie de la prison, leur pain dans la musique traditionnelle. Le contrôleur de sécurité pénitentiaire a également lancé un cri du cœur : «A l’heure actuelle, nous cherchons un producteur. Si on n’arrive pas à les propulser aux devants de la scène, on a peur que ça démotive les autres. Imaginez l’impact que cela aura sur les autres détenus si ceux-là réussissent dans leur art ?»
Z.S.