Les auditions dans le cadre du litige qui oppose l’Etat burkinabè et la société Pan African Burkina Limited (PAB) sur l’exploitation de la mine de manganèse de Tambao ont eu lieu la semaine passée devant la Chambre de commerce international de Paris. En rappel, PAB, société de l’homme d’affaires roumain Frank Timis, qui dénonce la suspension de son permis d’exploitation du manganèse de Tambao en 2015, avait saisi cette juridiction internationale. PAB réclamerait, pour le préjudice subi, plus de 2.000 milliards de F CFA de dommages et intérêts à l’Etat burkinabè. Devant la Chambre, les avocats des 2 parties ont exposé leurs arguments la semaine passée. Le délibéré est attendu pour le début de l’année 2019. En 2012, en effet, la société General Nice Ressources (GNR), qui était déjà sur le site de Tambao, a vu aussi son contrat rompu d’une manière unilatérale par le gouvernement burkinabè. Pan African Burkina Limited obtiendra par la suite le permis d’exploitation du manganèse de Tambao au terme d’une procédure litigieuse. Saisie, l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) ; devenue Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP) ; avait jugé que la procédure du marché qui avait abouti à la sélection de PAB n’était pas conforme aux textes en vigueur et avait invité l’autorité contractante à en tirer toutes les conséquences. Malgré tout, le ministre des Mines de l’époque, Salif Lamoussa Kaboré, avait outrepassé la décision de l’ARCOP pour signer le contrat avec PAB. Un accord-cadre pour l’exploitation du manganèse est signé entre les 2 parties. L’accord prévoit la réalisation d’infrastructures comme la réhabilitation du chemin de fer Ouaga-Kaya, la construction du tronçon de chemin de fer Dori-Tambao et le bitumage de la route Dori-Gorom-Gorom-Tambao. En mai 2014, la société recevait son permis d’exploitation. Elle entrera en possession de son permis d’exportation du manganèse juste avant l’insurrection d’octobre 2014.
Après l’insurrection, le ministre des Mines du gouvernement de la transition, le Colonel Boubacar Bah, procédait à la suspension du permis d’exportation de PAB, le 15 janvier 2015. Le 23 mars 2015, les activités d’exploitation de la société étaient suspendues par le même ministre. Le 22 juin 2015, c’est au tour de l’accord-cadre de PAB d’être suspendu. Il justifie ces suspensions par les négociations en cours avec PAB. Le 18 décembre 2015, le ministre Boubacar Bah procédait à la levée des suspensions en invoquant l’engagement des 2 parties à parvenir à un accord modifiant l’accord-cadre signé en 2012 et la réaffirmation de PAB du respect de tous ses engagements. PAB a estimé dès cet instant que ces suspensions ont eu un préjudice sur ses activités. Il va alors porter l’affaire devant le Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou (CAMC-O) en mars 2017. Mais, avant la fin de cette procédure devant le CAMC-O, PAB dépose un autre dossier devant la Chambre de commerce international de Paris, comme s’il prévoyait l’échec de cette médiation. Comme il fallait s’y attendre, la médiation a échoué et les 2 parties se sont retrouvées à Paris. Le Burkina Faso est défendu dans cette affaire par l’avocat Guy Hervé Kam qui est assisté par d’autres spécialistes en médiation. En pleine procédure, le Conseil de l’Etat propose à l’Etat burkinabè de retirer le permis d’exploitation de Tambao. Le 14 février 2018, le ministre des Mines et des Carrières du Burkina Faso, Oumarou Idani, a signé la lettre de résiliation du contrat qui lie l’Etat à la société Pan African Burkina Limited (PAB) en s’appuyant sur l’article 33 de l’accord-cadre. Cet article prévoit que l’accord-cadre «prendra fin avant terme, soit par accord écrit des parties, soit par dénonciation par l’une des parties en cas de non-respect d’une des obligations par l’autre».
PAB disposait de 90 jours pour contester la décision du gouvernement devant la CAMC-O, puis devant la Chambre de commerce international de Paris, si celle de la CAMC-O échouait. PAB, qui a déjà épuisé toutes ces procédures, a directement attaqué cette décision du gouvernement devant la Chambre de commerce international de Paris.
La société s’attendait à ce que cette Chambre refuse que le gouvernement cède les droits miniers sur Tambao avant la sentence finale. Finalement, la Chambre avait donné raison au gouvernement burkinabè.
Depuis mai 2018, le permis de Tambao est redevenu une propriété exclusive du Burkina Faso. Un coup dur pour PAB qui ne peut plus faire valoir ses droits sur Tambao pour financer la procédure contre le Burkina Faso, d’autant plus que les autres sociétés de Frank Timis rencontreraient des difficultés financières. Tambao était donc un grand espoir pour lui.
Elie KABORE
Quelles sont les chances du Burkina ?
Le gouvernement peut se réjouir d’avoir pu récupérer le permis d’exploitation de Tambao des mains de PAB à l’issue d’une procédure judiciaire pour non-respect des engagements contractuels. PAB ne dispose plus de garantie financière fondée sur ce permis d’exploitation. Mais, PAB a investi de l’argent dans le projet Tambao, dans des salaires, des frais administratifs, des études, des réalisations d’infrastructures, dans l’achat de matériel, etc. Il est évident que la Chambre de commerce tiendra compte de ces dépenses effectuées pour exiger du gouvernement burkinabè le remboursement, avec le paiement d’hypothétiques dommages et intérêts.
Les 3 sociétés de Frank Timis réclamant à la fois des droits sur Tambao
3 sociétés de Frank Timis réclamaient des droits sur Tambao. Il s’agit de Pan African Burkina Limited (PAB), une société basée aux Iles Caïmans ; Pan Africain Minerals, dont le siège se situe également aux Iles Caïmans, et Pan African Tambao SA (PAT), une société de droit burkinabè.