L’Economiste du Faso : Comment appréciez-vous le secteur du tourisme de nos jours, comparativement aux années passées ?
Harouna Kinda, technicien du tourisme dans les Hauts-Bassins : Depuis quelques années, on a eu une succession de crises (mutineries en 2011, l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, le putsch manqué de 2015) qui ont affecté l’économie burkinabè. C’est vrai, ces évènements, même s’ils ont eu un impact sur le tourisme, ne visaient pas particulièrement ce secteur. Mais, avec les attaques terroristes, on peut dire que c’est le tourisme qui est ciblé.
Pourquoi dites-vous cela ?
C’est à partir des attaques que beaucoup de chancelleries ont déclaré le Burkina comme étant une zone inhospitalière. Ils déconseillent à leurs ressortissants de ne pas venir dans notre pays, sauf en cas de force majeure. On ne voit plus beaucoup d’étrangers en ville, malgré qu’il n’y ait pas eu d’attentat ici. Cela s’explique par le fait que les touristes doivent d’abord atterrir à Ouaga, avant de pouvoir rentrer à l’intérieur du pays.
Il semble aussi que les gens préfèrent aller dans les maisons d’hôtes qu’on identifie difficilement comme étant un hôtel. Qu’en pensez-vous ?
Effectivement, les uns et les autres préfèrent se mettre à l’abri dans les petites unités, pour leur propre sécurité. C’est la conséquence de l’attaque du Splendid Hôtel à Ouagadougou. Mais, il faut remarquer que, de plus en plus, ces grands établissements sont bien sécurisés. On peut donc dire aux voyageurs que quelque chose est fait sur le terrain.
Concrètement parlant, est-ce que vous avez des chiffres pour étayer cette réalité ?
Si on repart en arrière, on constate que les arrivées globales de touristes en 2013 étaient de 506.636, dont 217.988 étrangers. En 2016, on a reçu que 488.351 visiteurs, dont seulement 151.783 venant d’ailleurs ; le reste étant des Burkinabè. Il y a d’autres données concernant les différents continents. En 2007, par exemple, le Burkina a reçu près de 126.544 Européens ; alors qu’en 2016, on en a reçu que 43.847. En 2007, on avait 20.473 Américains, contre 9.655 en 2016. Depuis 2010, le tourisme récepteur (pratiqué par les non-résidents) est en baisse.
Est-ce qu’il y a une amélioration du côté des touristes burkinabè ?
Oui ! Actuellement, ce sont les populations qui contribuent à dynamiser le secteur. En 2007, on avait 85.300 touristes burkinabè. En 2010, on était à 152.696, et en 2016, on s’est retrouvé avec plus de 336.000.
Selon vous, pourquoi les acteurs sur le terrain refusent de s’exprimer sur la question ?
Vu la situation, chacun veut se protéger. Quelque part, ils ont raison, car actuellement on ne sait pas d’où peut venir le danger. A notre niveau, nous arrivons à échanger avec eux pour récolter chaque mois les différentes données. Comparativement aux années passées, les recettes dans les hôtels ont également connu un changement. En 2013, on a enregistré 57 milliards 645 millions de FCFA, contre 51 milliards 238 millions de FCFA en 2014 et 49 milliards de FCFA en 2016. C’est vrai que les touristes nationaux ont augmenté, mais ça ne compense pas les pertes. Les Burkinabè ne dépensent pas autant que les expatriés. Ils préfèrent, par exemple, prendre une chambre de 7.000 FCFA la nuit ; tandis que les étrangers peuvent dépenser jusqu’à 100.000 FCFA la nuitée.
Les acteurs se plaignent que le gouvernement ne fait rien pour remettre le secteur en selle. Que pouvez-vous leur répondre ?
Peut-être que ce n’est pas assez, mais le gouvernement fait quand même des efforts. Un Fonds de développement culturel et touristique (FDCT) a été initié. Cette année, ce sont plus de 900 millions de FCFA qui ont été mis à la disposition des acteurs à travers la subvention de leurs projets. De plus, on a développé des projets comme le programme «Connais-tu ton beau pays ? », pour inciter les nationaux à visiter leur patrimoine culturel.
Quelles sont les solutions que vous pouvez proposer pour atténuer les effets de cette crise?
C’est un point de vue personnel, mais je préconiserais au gouvernement de revoir à la baisse les impôts et les taxes sur les hôtels. Même s’il n’y a pas de clients, ils sont obligés de payer. Il y a également l’accès au visa burkinabè. Ce serait bien si on pouvait faciliter ses conditions d’obtention. Troisièmement, je pense qu’on peut essayer de renforcer la sécurité sur les sites touristiques et mettre en place une stratégie de communication de crise pour rassurer les visiteurs.
Propos recueillis par Z.S.