Nous sommes en pleine période de distribution de dividendes. Une opération banale dans le monde de la finance et pour tout actionnaire, mais qui mérite que l’on s’y arrête un petit moment pour l’analyser.
Si le dividende constitue depuis toujours une variable dans le choix des titres à acquérir pour un investissement sur le marché des actions, il demeure que dans le contexte marocain actuel de faiblesse des taux d’intérêt, le rendement des actions cotées prend une dimension plus importante.
A ce titre, le rendement moyen obligataire se situe actuellement autour de 3%, contre un rendement moyen du dividende sur le marché des actions gravitant autour de 4%. Cet écart de rendement de 100 points de base confirme qu’il serait théoriquement plus rentable d’investir en actions plutôt que d’injecter des liquidités sur le marché des taux. Cette donnée a contribué depuis 2013 déjà à la reprise du marché boursier.
En effet, partant de la formule du taux de rendement d’une action, il conviendrait de s’interroger sur le fondement du dividende. Autrement dit, d’où provient l’intérêt pour le dividende? Un dividende élevé était-il prévu? Sa distribution est-elle adaptée à la situation de l’entreprise? Auquel cas c’est un signal de la fiabilité des indicateurs économiques de l’entreprise en question. Autrement, il s’agira d’adopter la prudence si la performance positive des fondamentaux n’est pas au rendez-vous. Le lien entre celle-ci et le dividende doit être toujours de mise.
Par ailleurs, un dividende élevé est-il synonyme d’une bonne stratégie de croissance pour l’entreprise concernée? Pas sûr, si le paiement d’un dividende est en général bien apprécié par les actionnaires, il en demeure que c’est aussi un signal de la présence d’un excédent de trésorerie qui aurait pu servir soit à un projet de croissance endogène (restructuration, recherche et développement…), soit à une opération de développement sur le marché (acquisition), réduisant ainsi la marge de manœuvre managériale en matière financière pour la création de croissance et de richesse. Rappelons-nous que le mode de rémunération d’un actionnaire intègre aussi, au-delà du dividende l’appréciation de la valeur de l’entreprise à travers, la valeur ajoutée créée.
Valeur de rendement contre valeur de croissance
Le ratio pay out ou le taux de distribution des dividendes, à son tour, peut se révéler trompeur. Ce ratio est calculé en divisant le montant des dividendes distribués par une entreprise par ses bénéfices nets. Un pay out de ratio faible indique que la société se concentre principalement sur le maintien de ses bénéfices plutôt que de distribuer des dividendes et inversement.
Une entreprise ayant habitué ses actionnaires à leur verser un dividende élevé, à partir d’un fort taux de distribution, peut constituer une situation à risque notamment en période morose. Maintenir un pay out élevé peut entraver donc les capacités de l’entreprise à créer de la valeur dans la durée pour ses actionnaires.
Enfin, plutôt qu’un choix d’investissement basé sur la classique distinction: valeur de rendement versus valeur de croissance (hautement aléatoire en termes d’efficacité, et coûteuse en frais de transactions), il serait donc plus pragmatique d’établir en permanence un lien entre le volume des dividendes et le niveau de trésorerie en cours d’exercice, mais également d’évaluer le potentiel de croissance bénéficiaire des entreprises dans la durée.
Plusieurs exemples dans le passé boursier au Maroc ont clairement démontré que le fondement de la décision d’investissement sur la base du rendement peut cacher des surprises et des pertes importantes. De plus, l’environnement actuel impose une rigueur supplémentaire en termes de définition de la stratégie de placement et surtout un suivi permanent. Une entreprise peut rapidement basculer du statut d’une valeur de rendement vers une valeur de croissance ou inversement ou encore devenir les deux à la fois ou aucunement.
L’appréciation de ces éléments serait aujourd’hui un prérequis afin d’envisager un investissement plus serein sur le marché des actions dans le cadre d’une démarche de conseil plus cohérente.
Par Marouane Hatim
L’Economiste de l’Edition N° 5306