Depuis quelques mois, les sociétés inscrites à la cote de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) procèdent au «fractionnement» de leurs actions. L’opération n’est pas toujours bien comprise par certains petits porteurs. Alexis Lourgo, Directeur général de la Société burkinabè d’intermédiation financière (SBIF), a bien voulu éclairer la lanterne de certains de nos lecteurs qui nous ont interpellés à ce sujet.
L’Economiste du Faso: Qu’est-ce que le fractionnement d’une action, et que disent les textes à ce propos ?
Alexis Lourgo, Directeur général de la Société burkinabè d’intermédiation financière (SBIF): Un fractionnement d’actions ou stock split consiste, pour une société, à donner à chacun de ses actionnaires des actions supplémentaires, proportionnellement à leurs parts respectives dans le capital, en divisant la valeur de l’action par le même rapport.
Sur les marchés financiers, le fractionnement vise à augmenter le nombre d’actions en circulation et à diminuer réciproquement le cours de chaque action afin d’accroitre la liquidité de l’action.
Les anciens textes de l’OHADA (Art 387 et 750 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et GIE) fixaient la valeur nominale minimale des actions ou coupures d’actions à 10.000 F CFA.
Ces dispositions relatives à la valeur nominale minimale n’étaient pas applicables aux sociétés inscrites à la cote de la BRVM; ce, selon l’instruction 48/2012 du CREPMF. Depuis 2014, l’OHADA révisé (Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et GIE, révisé en 2014) ne fixe pas de montant minimum pour la valeur nominale des actions des sociétés anonymes. Le montant nominal des actions est librement fixé par les statuts. Il est exprimé en nombre entier (Art 387 et 750).
Est-ce une décision du régulateur ou une technique de gestion des entreprises cotées ?
En général, le fractionnement est une décision de gestion prise par une société cotée, lorsqu’elle estime que le cours de son action est devenu trop élevé. En effet, il y a comme une barrière psychologique qui fait qu’au-delà d’un certain prix, le cours, jugé élevé, décourage les investisseurs potentiels, particulièrement les «petits investisseurs»; et cela a pour conséquence que les transactions diminuent et la valeur stagne.
En fractionnant l’action, on va rendre le titre plus accessible et plus liquide. Ce qui peut stimuler la croissance du titre. Ce fut le cas, par exemple, de l’action ONATEL en 2013. Lorsque le cours de l’action ONATEL a atteint 63.000 FCFA, on a procédé au fractionnement de l’action par 10 pour ramener le cours à 6.300 F CFA. Ce qui a permis au titre de reprendre sa croissance.
Cependant, la vague de fractionnements constatée ces deux dernières années sur le marché sous-régional de l’UEMOA résulte d’une décision de la BRVM. En effet, la BRVM, à travers sa Décision N° 2015-005-BRVM-CA du 31/12/2015, a fixé un volume minimum des titres composant le flottant des sociétés cotées en fonction de leur capitalisation boursière. Ainsi, toutes les sociétés dont le flottant était inférieur à ce volume minimum devaient procéder au fractionnement de leurs actions pour se conformer à la décision de la BRVM. Et elles avaient un délai maximum de 2 ans; soit jusqu’au 31 décembre 2017; pour le faire. Rappelons que la plupart des sociétés cotées n’avaient pas le volume minimum requis par cette décision de la BRVM.
Ce qui explique les nombreux fractionnements constatés en 2016 et 2017 sur le marché sous- régional. Il faut aussi souligner que toutes les sociétés n’ont pas pu respecter le délai initial de deux ans. Celui-ci a été prorogé par la BRVM d’un an pour être porté au 31 décembre 2018 (Décision N°2017-017-BRVM-CA).
On a l’impression que le fractionnement n’est pas bien expliqué aux actionnaires, surtout aux petits porteurs. Comment les rassurer alors ?
D’abord, il faut comprendre que le fractionnement n’a pas un effet direct sur le patrimoine des investisseurs. En effet, si vous possédiez, avant fractionnement, une action d’un coût de 10.000 F CFA; après fractionnement par 2, vous en aurez désormais deux de 5.000 FCFA chacune (ou 5 actions de 2.000 F CFA chacune, selon le rapport du fractionnement). Par conséquent, la valeur totale de votre portefeuille ne change pas.
Le fractionnement permet surtout de rendre le titre plus liquide et plus accessible à un plus grand nombre d’investisseurs. Un prix trop élevé ne visera que les investisseurs institutionnels et les plus fortunés; tandis qu’un prix plus faible attirera un plus grand nombre d’investisseurs. Ce qui permettra d’augmenter la demande en actions et la liquidité pour le titre. Cela peut éventuellement faciliter l’augmentation du prix de l’action et la dispersion de l’actionnariat. Enfin, les fractionnements d’actions envoient un signal positif aux marchés financiers. Généralement, seules les entreprises qui envisagent une hausse de leurs opportunités d’investissement et de leurs profits dans le futur procèdent à des fractionnements d’actions.
C’est pourquoi les annonces de fractionnement d’actions peuvent, dans certains cas, être suivies d’une augmentation du prix de l’action concernée.
Propos recueillis par FW
Extrait de la décision de la BRVM relative au volume minimum de titres composant le flottant des sociétés cotées
Le conseil d’administration de la Bourse régionale des valeurs mobilières décide,
en son article 1 :
Le volume minimum de titres composant le flottant des sociétés cotées est fixé comme suit :
- 2 millions de titres, si la capitalisation boursière est inférieure à 50 milliards de F CFA
- 4 millions de titres, si la capitalisation boursière est comprise entre 50 et 99 milliards de F CFA
- 5 millions de titres, si la capitalisation boursière est comprise entre 100 et 199 milliards de F CFA
- 10 millions de titres, si la capitalisation boursière est supérieure à 200 milliards de F CFA
Article 2 :
- Les sociétés cotées à la BRVM disposent d’un délai de deux ans pour se conformer à ces nouvelles dispositions en procédant, le cas échéant, au fractionnement de leurs titres.