Après l’annonce, le 24 mai 2018, de la rupture des relations diplomatiques avec Taiwan, le chef de la diplomatie burkinabè s’est immédiatement rendu à Pékin où il a signé, le 26 mai, l’acte de reprise avec la Chine populaire. Des retrouvailles après une première aventure vécue entre 1973 et 1994. En se réorientant vers la Chine continentale, le Burkina s’ouvre aux nombreuses opportunités et retombées portées par la grande offensive, à la fois économique et diplomatique, que Pékin pratique actuellement sur le continent africain.
Depuis quelques années, la Chine populaire a jeté son dévolu sur l’Afrique et est devenue pratiquement le partenaire économique le plus en vue.
La Chine finance énormément l’Afrique. Un financement qui atteint 220 milliards de Dollars en 2014 selon des chiffres fournis par des instituts spécialisés américains. Une autre étude a révélé que la Chine contribue à environ 1/6 du total des prêts accordés à l’Afrique.
Avec l’important avantage d’être «non interventionniste», la Chine apparait notamment comme l’un des bailleurs de fonds les plus généreux et l’un des partenaires commerciaux les plus réguliers. «Un gros acheteur de matières premières, un grand pourvoyeur de prêts, un pays qui finance nombre d’infrastructures», selon un des spécialistes de ce géant asiatique.
Lors du deuxième Forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC), tenu en Afrique du Sud du 4 au 5 décembre 2015, le président chinois, Xi Jinping, a annoncé la décision de son pays de donner aux Africains un total de 60 milliards de Dollars d’aide financière incluant 5 milliards de prêts à taux zéro et 35 milliards de prêts à taux préférentiels. En rappel, lors de ce sommet économique sino-africain à Johannesburg, seuls 3 pays, dont le Burkina, sur les 54 du continent, n’étaient pas invités. Il s’agissait des pays qui entretenaient encore des relations avec l’île de Taiwan, que Pékin considère comme une province chinoise et dont elle refuse de se séparer. L’accompagnement promis par le président Xi Jinping lors du FOCAC en Afrique du Sud était destiné «à financer dix programmes de coopération sur trois ans, dans les domaines notamment de l’agriculture, de l’industrialisation, de la réduction de la pauvreté, de la santé, de la culture, de la sécurité, de la protection de la nature ou encore du développement vert».
C’est dans des projets de développement, directs pour la plupart, que la Chine matérialise son assistance à l’Afrique.
Les pays ciblés reçoivent, sous forme de prêts, des financements pour la construction de barrages, de routes, de chemins de fer et d’usines.
Au regard des besoins d’investissements et de développement exprimés par le Burkina, à travers notamment le PNDES, les offres de la Chine constituent une aubaine à saisir. Il faudra pour cela faire preuve d’une grande capacité à séduire et à convaincre le partenaire sur les bénéfices qui l’attendent en retour. En effet, rien n’est offert gratuitement.
La volonté de ressusciter une véritable industrie au Burkina, qu’elle soit extractive ou manufacturière, pourra trouver en la Chine d’abord un partenaire technique dans la construction de ces unités et ensuite un partenaire commercial qui achètera les produits semi-finis. Le coton local transformé en fils et autres tissus bruts pourrait être vendu à la Chine. Côté ressources extractives, la Chine pourrait participer à l’exploration visant à confirmer les nombreuses traces de minerais découvertes et prendre part à leur exploitation.
Côté infrastructures, des grands projets comme celui de l’autoroute Abidjan-Ouaga, les projets ferroviaires, le pipeline, le nouvel aéroport de Donsin, le projet d’hôpital à Bobo-Dioulasso et éventuellement un nouveau stade moderne à Ouagadougou peuvent trouver un accueil favorable du côté de la Chine.
En matière de lutte contre le terrorisme, le Burkina est aujourd’hui en quête d’importants moyens matériels et financiers pour se mettre au diapason du défi. D’entrée de jeu, il pourra bénéficier d’un bonus financier en guise de bienvenu dans le cercle des amis de Pékin après avoir rompu avec le «rival» taiwanais.
Karim GADIAGA
Le Burkina avait-il encore le choix d’ignorer Pékin ?
Comme L’Economiste du Faso l’écrivait en 2016, l’arrivée au pouvoir du Parti démocratique progressiste (PDP), à l’issue de l’élection présidentielle taiwanaise du 16 janvier 2016, pouvait être synonyme d’un durcissement des rapports entre Taipeh et Pékin et impacter les relations des deux pays à travers le monde. Pour arriver au pouvoir, le PDP, un parti nationaliste, dont les partisans réclament une politique plus musclée vis-à-vis de Pékin, a battu l’ancien parti présidentiel, le Kuomintang (KMT), artisan du rapprochement avec la Chine continentale. Les partisans du PDP soupçonnent Pékin de mener une stratégie qui vise au bout à annexer Taiwan. Or, avec le pouvoir du KMT (2008-2016), les relations entre les deux Chine n’ont cessé de se développer d’une façon remarquable, sur le plan économique. Pendant tout ce temps, le principe «Nous ou Taiwan» proclamé par Pékin n’était plus rigoureusement appliqué. Cela a permis à des pays africains d’accueillir des bureaux de représentation de Taiwan tout en restant des fidèles amis de la Chine populaire. Mais, avec l’arrivée du PDP, le président XI- Jinping a affirmé la fin de «la récréation». Un retour pur et dur de la formule «Une seule Chine», qui ne laisse pas de place aux sentiments, mais à l’objectivisme et aux intérêts réels des pays.