Le 14 mars 2018, le conseil d’administration du FMI a approuvé un nouvel accord triennal au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC), en faveur du Burkina Faso ; un nouveau programme d’un montant de 157 millions de Dollars, soit environ 90 milliards de F CFA, sur trois ans. A l’occasion de la signature de cet accord, L’Economiste du Faso a réalisé une interview exclusive avec le chef de missions du FMI pour le Burkina Faso, Dalia Hakura. Quels sont les indicateurs sur la capacité du Burkina Faso à rembourser les prêts reçus du FMI? Que prévoit ce nouvel accord pour freiner le risque de surendettement pour le Burkina ? Qu’est-ce que le FMI reproche aux contrats PPP dans le cadre du PNDES? Voici, entre autres, les questions auxquelles Mme Hakura a répondu.
L’Economiste du Faso: Les discussions avaient débuté depuis longtemps pour la présente validation par le conseil d’administration du FMI du nouveau programme en faveur du Burkina Faso. S’agit-il véritablement d’un nouvel accord triennal ? Est-il toujours axé sur la FEC ?
Dalia Hakura, chef de missions du FMI pour le Burkina Faso: Les discussions pour le nouveau
programme ont commencé depuis l’année dernière. Le 14 mars 2018, le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé un nouvel accord triennal au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC) en faveur du Burkina Faso, en appui au programme national de réformes économiques et financières du pays. Le programme vise à atteindre une meilleure position de la balance des paiements, à réaliser une croissance inclusive et à réduire la pauvreté en créant un espace budgétaire pour les dépenses prioritaires dans les domaines de la sécurité, de la politique sociale (de santé, d’éducation, etc.) et de l’investissement dans les infrastructures. Il a également pour objectif de catalyser les financements officiels et privés, ainsi que de renforcer la résilience aux chocs économiques futurs.
Quel est le cadre de la politique économique aux termes du nouveau programme ?
Le programme vise à ramener le déficit budgétaire à un niveau viable qui corresponde aux engagements pris par le pays dans le cadre de l’UEMOA, tout en protégeant les dépenses essentielles de sécurité, les dépenses sociales et les dépenses d’investissements publics prioritaires. L’augmentation des recettes et la maîtrise des dépenses courantes, en particulier celles consacrées aux salaires, permettront de dégager l’espace budgétaire nécessaire pour assurer ces dépenses. Une amélioration du choix et de l’exécution des investissements permettrait d’atteindre de meilleurs résultats avec les ressources disponibles. Une gestion prudente des finances publiques et de la dette, conjuguée à des réformes dans le secteur de l’énergie, assurerait également la viabilité des finances publiques et atténuerait les risques pesant sur cette dernière. Des réformes structurelles amélioreraient le climat des affaires et favoriseraient la diversification de l’économie.
Quel est le montant de ce nouveau programme ? Un premier décaissement a-t-il été effectué lors de l’approbation du nouveau programme ? Si oui, quel est son montant ? Un calendrier de décaissements a-t-il déjà été adopté ?
Comme vous avez pu le voir à travers le communiqué de presse publié après la réunion du conseil d’administration, le nouvel accord porte sur un montant total de 157 millions de Dollars, et les déboursements s’étaleront sur les trois années du programme ; sous réserve de la conclusion des revues semestrielles. La décision du conseil d’administration a permis de décaisser immédiatement 18,06 millions de DTS (environ 26,3 millions de Dollars ou CFAF 14 milliards).
Quels sont les indicateurs sur la capacité du Burkina Faso à rembourser les prêts reçus du FMI?
Le Burkina Faso a exécuté avec succès plusieurs programmes successifs supportés par le FMI. Les engagements de longue date du Burkina Faso en matière d’emprunts et de remboursements au FMI témoignent de sa capacité et de sa volonté à rembourser ce nouveau prêt. Par ailleurs, les réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité des exportations et la position extérieure, ainsi que le principe de subsidiarité qui permet au Burkina un accès sans limite aux réserves mises en commun de la BCEAO, rendent encore plus sûr le remboursement des prêts accordés par le FMI au pays.
Le risque de surendettement pour le Burkina Faso est-il toujours considéré comme élevé ?
Le Burkina Faso se classe dans la catégorie des pays à risque d’endettement modéré. Le ratio de la dette publique rapporté au PIB est passé de 30,4 % du PIB en 2014 à 38,3 % en 2017 ; reflétant l’aggravation graduelle du déficit budgétaire. Mais le niveau de la dette publique reste relativement faible en comparaison avec les autres pays de la sous-région. La tendance récente à la hausse du ratio de la dette et l’aggravation du déficit budgétaire en 2017 de 8% contre 3,4 % en 2016 interpellent tout de même le Burkina Faso à contenir les risques de son surendettement.
Que prévoit alors ce nouvel accord pour freiner ce risque ?
Le nouveau programme soutenu par la Facilité élargie de crédit vise à maintenir le déficit de l’Etat sous contrôle. Le déficit budgétaire envisagé permettrait au gouvernement de respecter ses engagements dans le cadre de l’UEMOA qui fixe un objectif de déficit n’excédant pas 3% du PIB, à partir de 2019. Les autorités ont également confirmé leur intention de recourir principalement à des emprunts concessionnels pour leur financement extérieur, ce qui devrait permettre au Burkina Faso d’assurer la soutenabilité de sa dette tout en protégeant les dépenses prioritaires. Les autorités ont également indiqué que la politique fiscale mettra l’accent sur la création de plus d’espace fiscal pour les dépenses d’infrastructures, de sécurité et de protection sociale. Ce qui impliquera une amélioration des recouvrements des recettes, par exemple, par un renforcement continu des administrations fiscales et douanières. Des mesures seront également prises pour améliorer l’efficacité des dépenses d’investissement à travers une bonne priorisation et une analyse coût-bénéfices des projets, y compris les PPP. Le programme mettra aussi l’accent sur le renforcement des capacités de gestion de la dette à travers une assistance technique fournie par le FMI et d’autres partenaires.
La signature de ce nouvel accord démontre que le FMI croit au PNDES. Pourtant, votre institution a mis en garde contre les contrats PPP dans le cadre du PNDES. Que reprochez-vous à ce type de contrats ?
Premièrement, le programme soutenu par la FEC vise à soutenir la mise en œuvre du PNDES d’une manière consistante, avec le maintien d’un cadre macroéconomique stable qui est essentiel à une croissance soutenable, en vue de l’atteinte des objectifs de développement du pays. Mais, cela dépend des succès dans la mise en œuvre de réformes de mobilisation des recettes internes pour le financement des dépenses prioritaires sociales, de sécurité et d’investissement; tout comme les réformes pour l’amélioration de la qualité des investissements. Deuxièmement, les PPP sont une alternative pour le financement du développement et peuvent contribuer à absorber le déficit d’infrastructures du Burkina, si les investisseurs privés acceptent un partage des risques avec l’Etat.
Les PPP doivent se mettre en place avec une grande prudence; sur la base d’une analyse des risques contingents ; dans le cadre de la soutenabilité de la dette publique. Cela implique un renforcement du cadre légal et réglementaire des PPP, ainsi qu’une bonne performance dans l’administration des PPP.
Pouvez-vous revenir sur les résultats enregistrés dans le cadre du dernier programme appuyé par la FEC ?
Les résultats du programme ont été généralement satisfaisants dans le cadre de l’accord FEC 2013–2017 qui a expiré en juillet 2017.
Il a aidé a maintenir la stabilité macroéconomique dans le contexte de la transition politique de 2014-2015. En effet, les déficits budgétaires ont été en moyenne inférieurs au critère de convergence de l’UEMOA de 3% du PIB en 2013-2016. Cependant, en partie à cause de la transition politique en 2014–2015, l’accroissement des recettes a été insuffisant et la composition des dépenses s’est détériorée ; car les dépenses courantes, en particulier celles consacrées aux traitements et aux salaires, ont évincé les dépenses d’investissement. Le nouveau programme a été conçu pour aider le Burkina Faso à relever ces défis.
Propos recueillis par NK
Le communiqué du MINEFID
«Les administrateurs du FMI ont salué le bilan des autorités du Burkina Faso et leur appropriation du programme mis en œuvre dans le cadre de l’accord FEC précédent (2014-2016), malgré les importants défis auxquels le pays est confronté en matière de développement et qui se sont intensifiés au cours de la période récente en raison des chocs sécuritaires et des troubles sociaux.
Ils se disent également confiants quant à l’aboutissement du nouveau programme, au regard de la dynamique renforcée de croissance économique, de l’amélioration de la collecte des recettes et des efforts continus des autorités burkinabè pour améliorer la sécurité et les conditions de vie des populations, dans un contexte de ressources limitées, grâce à la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social (PNDES). En outre, les membres du conseil ont salué l’engagement des autorités à respecter les critères de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) relatifs au solde budgétaire, à la mobilisation des recettes, à la masse salariale et à la dette, et les exhorte à la prise de mesures visant à soutenir le développement du capital humain, à améliorer l’environnement des affaires et à renforcer la gouvernance, notamment en faisant progresser les efforts de lutte contre la corruption. Cette décision du conseil d’administration du FMI permettra un décaissement immédiat d’environ 26,3 millions de Dollars EU (soit 14,3 milliards de FCFA). Les montants restants seront échelonnés sur la durée du programme».
Communiqué DCPM/MINEFID