la croissance sans tuer la dynamique
Le dynamisme démographique de l’Afrique fait pâlir d’envie certains grands pays ; eux qui n’arrivent pas à convaincre leur famille d’améliorer leur procréation ! Pourtant, ce dynamisme est plutôt vu comme une contrainte pour le continent, une entrave dans sa marche en avant vers le renforcement de son capital humain, et qui l’empêche de faire des efforts accrus en matière de santé, d’éducation, de formation et de fournitures de services utiles aux populations, et conduisant à une baisse conjuguée de la fécondité et de la mortalité infantile. Ce sont là autant de signes d’amélioration des conditions de vie qu’une démographie maîtrisée favoriserait et autant de perspectives qui s’éloignent quand les efforts collectifs se noient dans l’océan de la masse d’êtres humains de plus en plus nombreux.
L’urbanisation, a priori signe de progrès et de développement, fonctionne également comme une menace contre le progrès socioéconomique des pays africains, car souvent unipolaire et créatrice de bidonvilles ; facteurs de frustrations et de déstabilisations. L’Afrique urbaine est souvent l’Afrique de très grandes villes à côté desquelles peinent à s’épanouir des villes souvent très petites, n’arrivant pas, loin de là, à remplir toutes les fonctions attendues d’une cité. Dans de nombreux pays, la ville capitale accueille plus de la moitié des urbains; du fait de la démographie, mais aussi et surtout de l’exode rural.
Le potentiel explosif de la démographie et de l’urbanisation est ainsi bien réel. Il est toutefois à relativiser, car ces questions sont plus complexes qu’il ne le paraît ; ce qui nous impose de les traiter avec doigté. La grande population est également facteur de renouvellement des générations, de vigueur, de disponibilité des ressources humaines, d’énergies créatrices, de marchés, etc. La ville, du fait de la concentration humaine, est ainsi facteur de création de richesses, d’activités et de métiers nouveaux, sources d’emplois et de revenus. La ville est aussi quelque part une source de créativité et d’imagination pour faire face aux besoins nouveaux ; donc de dynamiques positives.
La problématique essentielle est donc de pouvoir maîtriser la croissance tout en ne tuant pas la dynamique qui permet un renouvellement des générations et un bon ratio d’actifs par rapport aux inactifs, facilitant la mise à disposition de ressources et de capacités, ainsi qu’un renforcement du capital humain au profit de la croissance économique et du développement humain. La problématique suivante est de s’organiser pour planifier, encadrer et gérer l’urbanisation afin qu’elle soit toujours un facteur d’enrichissement des urbains et d’harmonie sociale, et non un phénomène subi. Nous devons imaginer et mettre en œuvre une combinaison de mesures et d’initiatives pour traiter ces problématiques de manière efficace et diligente.
Les mesures sont d’abord institutionnelles. Les pays africains doivent faire de la question des populations et des territoires une priorité. Un grand département ministériel en charge de la planification et du suivi de cette question ne serait pas inutile. Ce département devra bénéficier des moyens institutionnels, humains, matériels et financiers pour conduire sa mission. Il devra également bénéficier d’un positionnement favorable dans l’architecture étatique pour donner corps à cette priorité. L’Union africaine a fait de l’année 2017 celle des questions démographiques ; cela est un bon début qui doit inspirer ses pays membres.
Planifier et adapter nos politiques aux réalités locales
Nous devons mettre en place de véritables politiques publiques en matière de gestion de la démographie et d’aménagement du territoire, ainsi que d’urbanisation qui lui sera liée. Il nous faut savoir planifier ces domaines et adapter nos politiques aux réalités locales. À nous de mettre en place un système de suivi des objectifs et d’ajustement permanent, dans un cadre d’organisation et de discipline où l’État s’impose et se fait respecter. L’autorité publique ne doit en aucun cas être dévoyée ni contrariée ; cela se traduira par un surcroît de collaboration entre l’État central et les autorités locales.
Sur les questions spécifiques d’urbanisation, il est nécessaire de conduire des politiques de soutien aux villes moyennes accompagnant utilement les grandes cités et fonctionnant comme des étapes intermédiaires d’urbanisation qui accueilleront une bonne partie des populations souhaitant se rendre dans les villes. Ceci atténuera la pression sur la grande ville et facilitera une gestion plus aisée des services à mettre à disposition des populations. Nous devrons enfin nous intéresser à l’amélioration de la gouvernance des villes et à la création de conditions d’harmonie sociale, mais aussi de génération accrue de richesses du fait de l’utilisation de toutes les potentialités offertes par une ville.
L’Economiste
Edition N° 5230 du 15/03/2018
Natalité: lever le tabou
Une action cruciale sera de lever le tabou sur les questions de gestion de la natalité, de contrôle des naissances, de planning familial, d’implication des femmes dans la gestion de la fécondité, etc. Pour ce faire, nous devons débattre et travailler avec les leaders religieux, les autorités traditionnelles, les acteurs de la société civile, et arriver à associer la population à ces questions en l’impliquant dans la mise en œuvre de politiques publiques concrètes et précises.
En application de ces politiques, il est impératif de développer un dispositif d’accès aux méthodes et techniques de contraception, et une sensibilisation sur ces questions. Nous devons renforcer l’éducation des femmes et leur formation vers l’autonomisation qui les rendra plus actrices de leur procréation, en partenariat avec leurs conjoints.
Qu’est-ce que le CEPS
Le CEPS (Centre d’étude et de prospective stratégique) est un think tank international créé en 1985. Partenaire de l’UE, de l’OCDE, du Conseil de l’Europe et de l’UNESCO, il fédère un réseau de plus de 1.200 hauts décideurs à travers ses délégations dans le monde (Paris, Londres, Bruxelles, Berlin, Abidjan, Shanghai,…) et ses clubs d’influence et de réflexions (Sécurité intérieure, Défense, Aéronautique, Finance, Energie,…). Au Maroc, le CEPS rayonne depuis 2012 par le biais du club «Confluence» qui réunit à Casablanca plusieurs fois par an des dirigeants français, européens, marocains et d’Afrique subsaharienne pour partager leurs points de vue et expériences sur des problématiques stratégiques communes (technologique, financière, industrielle…). Ce club a été cofondé par Loïc Tribot La Spière, délégué général du CEPS, et Mohamed El Yakhlifi, président du cabinet Boosting Strategy & Performance Partners. Il a su prendre dans la durée une place discrète et significative.