Le délai de trois semaines accordé aux participants à la rencontre sur la remise à plat des salaires arrive à terme cette semaine. Les forces vives devaient, au regard du document de diagnostic proposé par le gouvernement, l’enrichir. C’est ce document qui servira de base aux débats et aux propositions pour un meilleur système de rémunération. Mais, il y a eu déjà un couac avant l’ouverture-même des consultations du 28 février dernier. L’Unité d’action syndicale (UAS), qui regroupe plusieurs syndicats, a émis des réserves quant au contenu de la rencontre, ses objectifs et son format.
Ainsi, on retient que les syndicales, réunis au sein de l’Unité d’action syndicale (UAS), n’ont pas pris part à la rencontre du 28 février 2018. Ils ont donné le ton de cette non-participation dans une correspondance adressée au Premier ministre le 27 février 2018 ; missive dans laquelle ils critiquaient le format de la rencontre. Pour eux : « Si la rencontre doit porter sur le système de rémunération des agents publics, les parties concernées sont d’une part le gouvernement en tant qu’employeur et d’autre part les travailleurs en tant qu’employés. Toutefois, si le gouvernement tient à une rencontre élargie aux forces vives, le contenu devrait être revu pour embrasser la question de la richesse nationale et de sa gestion». Aussi, l’UAS estime que les Termes de référence (TDR) de la rencontre n’informent pas toutes les parties concernées sur ses objectifs, ses résultats attendus, son déroulement, ses modalités d’adoption de ses conclusions. Enfin, elle note que la gestion du dossier de la réforme du système de rémunérations des agents publics a mis au second plan des préoccupations urgentes de l’UAS. «Il s’agit, notamment, de la convocation de la rencontre Gouvernement/Syndicats au compte de l’année 2017 et de la réponse à notre demande d’audience en date du 2 décembre 2017 ; restée jusque-là sans suite», peut-on lire dans sa lettre.
Après cette lettre, les syndicats ont brillé par leur absence à la rencontre du 28 février 2018. Et voici que le délai de trois semaines accordé aux parties prenantes pour faire des propositions arrive à terme. L’UAS boycottera-t-elle de nouveau les travaux ? Wait and see ! Cette concertation sur la remise à plat des salaires est tout de même la conséquence d’une évolution inquiétante de la masse salariale quant à sa maitrise par l’Etat à terme.
Le Burkina Faso est secoué par plusieurs mouvements sociaux depuis l’arrivée au président Roch Marc Christian Kaboré au pouvoir. La plupart de ces mouvements sociaux ont été sanctionnées par la signature de protocoles d’accords entre le gouvernement et les syndicats. La mise en œuvre de ces accords a eu un impact considérable sur l’accroissement de la masse salariale. Les informations à notre possession indiquent que l’impact financier des mesures de revalorisations salariales et indemnitaires par le gouvernement est estimé à 181,421 milliards de F CFA entre 2016 et 2017.
Ces revalorisations des salaires et indemnités sont intervenues après que l’on a observé de fortes augmentations de la masse salariale suite à la prise de certaines mesures dont les plus significatives concernent l’élargissement des indemnités de sujétion et de logement à tous les agents publics de l’Etat à compter d’octobre 2011 et l’incidence de la réforme du système indemnitaire en 2014. Mais ce sont les coûts des nouveaux statuts et des mesures de revalorisation salariale et indemnitaire des agents publics de l’Etat, entre 2016 et 2017, qui ont contribué à exploser la masse salariale. D’où le débat sur la remise à plat.
En se basant sur cette progression, la masse salariale dans les budgets en 2018, 2019 et 2020 augmentera respectivement de 91,594 milliards de FCFA, 103,294 milliards de F CFA et 100,822 milliards de F CFA, au moins. Si cette tendance se poursuit jusqu’en 2020, la masse salariale de l’Etat avoisinera les 1.000 milliards de FCFA. Des craintes subsistent donc raisonnablement sur les capacités du budget national à supporter les salaires des agents publics. La régularité qui caractérise la paie des agents publics depuis les indépendances risque d’être rompue par manque de ressources.
C’est au regard de ces risques que le gouvernement a convoqué la conférence sur les conditions de rémunération des agents publics qui a réuni les forces vives de la nation, le 28 février 2018. Au sortir de cette rencontre, les différentes parties disposaient de 21 jours pour faire leurs propositions et contributions. C’est ce délai qui arrive à échéance cette semaine.
Les craintes du gouvernement résident dans les importantes disparités entre les traitements des agents de la Fonction publique. Sur la période 2011 à 2017, il a été noté un écart important dans les rémunérations brutes des agents ayant le même diplôme relevant du statut général et ceux bénéficiant d’un statut particulier. Pour un niveau d’accès à la Fonction publique de BAC+5, l’écart moyen minimum de salaires serait de 321.407 FCFA. L’écart du salaire moyen maximum serait de 682.775 FCFA sur la même période entre agents relevant des deux statuts.
Elie KABORE
D’importantes disparités
Les disparités concernent aussi les traitements indemnitaires. Le décret n°2014-427/PRES/PM/MEF/MFPTSS du 19 mai 2014 portant régime indemnitaire applicable aux agents publics de l’Etat définit 5 types d’indemnités, contre 27 dans l’ancien système. Il s’agit, entre autres, de l’indemnité de responsabilité, l’indemnité d’astreintes, l’indemnité de technicité, l’indemnité de logement et l’indemnité spécifique. Mais à côté de ce décret, le régime indemnitaire des magistrats conserve d’anciennes indemnités comme l’indemnité de sujétion, de logement, de fonction, la compensatrice forfaitaire, de représentation et de judicature. Si l’on compare les indemnités perçues par les agents occupant des emplois de niveau d’accès BAC+5 ; en 2016, les minima et les maxima en termes d’indemnités servis aux agents relevant du statut général étaient de 100.000 FCFA à 134.000 FCFA. Par contre, les maxima pour les agents des statuts autonomes étaient de 557.500 FCFA.