Le Burkina Faso a enregistré 68 grèves et sit-in au cours de l’année 2017 selon les estimations de l’Institut Free Afrik. Ces mouvements sociaux autour des revendications salariales et des conditions de vie des travailleurs ont impacté le fonctionnement normal des services publics.
La situation a interpelé le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, qui dans son discours de présentation de vœux aux corps constitués de l’Etat a indiqué les mesures qui seront prises: «Il est évident aujourd’hui qu’en matière de satisfaction des revendications salariales, il n’est plus possible de continuer à imaginer des solutions au cas par cas, en dehors d’une approche d’ensemble, à l’échelle de la Fonction publique». C’était le 29 décembre 2017.
Mais, c’est dans son discours de vœux de Nouvel an que le président du Faso a donné la teneur de cette approche d’ensemble: «J’annonce que, dès le mois de février, le gouvernement engagera cette réforme du système des rémunérations, en concertation avec les partenaires sociaux et les autres composantes de la Nation, pour donner naissance à une Fonction publique moderne, dynamique, tournée vers le développement et au service exclusif des usagers». A 2 semaines de la fin du mois de février, où en est-on avec la mise en œuvre de cette réforme ?
Un des dossiers que le nouveau ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, Seyni Ouédraogo, devrait s’atteler à boucler est l’organisation de la concertation autour de cette nouvelle réforme portant sur le système des rémunérations. Selon nos informations, les choses bougent du côté de ce ministère concernant l’organisation de la concertation. Une commission thématique mise en place serait en train de préparer le contenu de la réforme. Outre les syndicats de travailleurs, le gouvernement associera d’autres composantes de la Nation aux discussions.
Sur le contenu des discussions, il est attendu de cette réforme du système des rémunérations dans la Fonction publique une suppression des Statuts particuliers et des Statuts autonomes. La tendance serait de ramener tout le monde dans un Statut général, avec une base de rémunération commune suivant le principe «à diplôme égal, salaire égal».
Des indemnités spécifiques seront servies en fonction de la particularité de chaque emploi. Un vaste chantier si l’on considère le nombre de corps de métiers et d’agents que compte chaque corps. Mais cette proposition aura le mérite de lutter contre les écarts de rémunérations constatés entre les agents d’une même fonction publique.
Il n’est vraiment pas explicable que des agents recrutés avec un niveau maîtrise et formés dans les écoles de formation professionnelles pendant 2 ans se retrouvent le jour de leur intégration à la Fonction publique avec des écarts importants de salaire de base, entend-on souvent. Des écarts qui seraient à la base de nombreuses revendications d’agents publics.
La réforme concernera également les fonds communs servis à certains agents de l’administration publique. Il s’agira de trouver une formule qui éviterait d’autres revendications dans les conditions d’accès à ces fonds communs. Depuis l’annonce de la mesure de mise à plat du système de rémunérations des agents publics, les responsables des organisations syndicales montrent un certain scepticisme. Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), à l’occasion d’un panel organisé par l’Unité d’action syndicale le 3 janviers 2018, a réfuté le manque de moyens avancé pour justifier cette réforme du système de rémunérations. Il estime qu’elle doit d’abord commencer par le président du Faso, les ministres et les présidents d’institutions dont les rémunérations ne sont pas connues.
Windyam Zongo de la Coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE) dit ne pas la craindre. Toutefois, il précise que les acquis de la lutte vont rester dans le système de rémunérations. «S’il y a une remise en cause des acquis, les travailleurs ne se laisseront pas faire», a-t-il indiqué au cours de la conférence-bilan sur la signature de l’accord entres les syndicats des enseignants et le gouvernement, le 1er février 2018.
Elie KABORE
En finir avec les réformes et les revendications !
Le Burkina Faso n’est pas à sa première réforme du système de rémunérations des agents de la Fonction publique. En 5 ans, il a connu 2 réformes globales. Si en 2014, le gouvernement a adopté et mis en œuvre la nouvelle grille indemnitaire des agents publics ; en 2016, on a assisté à la mise en application de la loi 081 portant Statut général de la Fonction publique. L’incidence de cette dernière loi a été évaluée à 25 milliards de F CFA. Le gouvernement a d’abord déboursé 15 milliards de FCFA en avril 2016, puis 10 milliards de FCFA en août 2016, à travers 2 lois de finances rectificatives pour prendre en compte l’incidence financière de cette loi adoptée en 2015.
Outre ces 2 grandes réformes, certains corps de métier ont bénéficié de l’adoption des Statuts particuliers. C’est dans ce contexte que le pays a connu les 68 grèves et sit-in au cours de l’année 2017. L’aboutissement de ces réformes a pourtant été le fruit d’un travail de concertations entre gouvernement et partenaires sociaux. Mais, elles n’ont pas réussi à calmer le front social. La réforme du système des rémunérations des agents publics annoncée par le président du Faso connaitra-t-il le même sort ?