Ça bouge du côté des cotonculteurs depuis quelques mois. Il y a comme un air de contestation dans l’air. Les responsables de la SOFITEX sont la cible d’une campagne de contestation qui ne dit pas encore son nom. Ils sont attaqués sur tous les flans. Le retour au coton Bt et la mauvaise qualité des intrants servis aux producteurs cette année en sont la cause.
Si sur le retour au coton Bt, les sociétés cotonnières n’ont pas encore réagi, la SOFITEX, gros producteur national, a, elle, déjà donné la réplique aux critiques qui mettent en doute la qualité des intrants fournis aux producteurs au cours de la saison 2017/2018 dans sa zone.
Ainsi, entre le 25 et 30 janvier, la société a publié un long communiqué dans lequel elle explique les péripéties de la campagne écoulée et dément toute liaison de sa contreperformance aux intrants (voir encadré).
La situation pluviométrique est la principale raison donnée pour expliquer ce contretemps. Et la société reste prudente sur le respect des normes de bon usage des engrais par les producteurs. Elle ne s’y aventure guère; et pour cause: il faut d’abord lever le doute sur la qualité des intrants auprès des producteurs ou, à tout le moins, auprès des frondeurs dont la parole est curieusement portée par un parti politique, en l’occurrence l’Organisation démocratique de la jeunesse (ODJ).
Ceux-ci demandent une contre-expertise, convaincus qu’ils sont que les intrants sont à l’origine de la mauvaise récolte, et exigent que les crédits-intrants soient annulés: «Les paysans, les militants de l’ODJ, exigent une vérification scientifique conjointe de l’engrais, avec l’implication de l’ASCE-LC et du REN-LAC».
C’est ce début de feu que la SOFITEX doit éteindre malgré elle.
On ne sait pas encore exactement qui souffle sur les braises, mais il y a que le fait de demander l’annulation des crédit-intrants est un slogan rassembleur auprès des producteurs et cela peut impacter le lancement de la campagne 2018/2019.
Cette situation n’est pas sans rappeler le conflit entre la SOFITEX et les producteurs de coton en 1998/1999. A cette époque-là, les producteurs avaient également remis en cause la qualité des intrants qu’on leur avait fournis et qui n’avaient pas pu lutter efficacement contre les chenilles. Toute chose qui avait causé des pertes énormes au niveau des producteurs.
On se rappelle également qu’après une longue polémique entre les protagonistes, feu Norbert Zongo, en son temps, avait apporté une contre-expertise et que, finalement, le gouvernement avait admis l’inefficacité des produits et fait annuler les crédits-intrants, parce que les producteurs avaient menacé de ne plus produire du coton. L’on est bien loin de cette époque-là où les paysans avaient eux-mêmes porté leur lutte.
Cette fois-ci, c’est un parti politique qui se présente comme porte-parole des producteurs. Il y a donc comme une intrusion du politique dans un débat qui se devait corporatiste. Comment est-ce possible alors que les organisations paysannes sont super-représentées au Burkina ?
Le silence de l’Union nationale des producteurs de coton (UNPC), de la Chambre nationale d’agriculture et de la Confédération paysanne du Faso (CPF), qui sont pourtant des faitières au service des intérêts des producteurs, a peut-être favorisé cette intrusion. Une aphonie qui pourrait être lourde de conséquences.
Une autre question que soulève cette sortie des producteurs sous le couvert de l’ODJ, c’est la circonscription de leurs revendications.
Ils parlent tantôt des producteurs de l’Ouest du Burkina, tantôt de ceux des Balé et des Banwa. Est-ce donc toute la zone SOFITEX qui est concernée par les mauvais intrants ou seulement la région ou les deux provinces citées?
Une clarification s’impose en ce qui concerne l’étendue de la zone affectée par cette question, parce que si la contre-expertise tant demandée est nécessaire, il est alors important de savoir avec précision quelles zones cotonnières, quels intrants et quels fournisseurs sont concernés.
JB
Extrait communiqué explicatif de la SOFITEX
«Il apparait donc que la qualité des engrais fournis dans la zone SOFITEX n’est pas la cause des contreperformances enregistrées au titre de la campagne agricole 2007/2018.
La SOFITEX tient à rassurer l’opinion publique et les producteurs sur la rigueur et les dispositions qu’elle observe, en collaboration avec la Recherche, dans le processus de la commande des intrants au profit des producteurs. Aussi, les procédures, de même que la composition, les formules et les types d’intrants sont déterminés par la Recherche cotonnière, sur la base de plusieurs années d’expérimentation prenant en compte les contraintes techniques (baisse de fertilité et dégradation des sols, résistance des insectes ravageurs aux insecticides, développement des maladies fongiques, etc.).
C’est ainsi que, de manière systématique, la Recherche procède, au préalable, à la conduite d’essais en stations expérimentales. Sur la base des résultats observés, la Recherche fait des recommandations de formules efficientes aux sociétés cotonnières (dont la SOFITEX).
A partir des recommandations de formules émises par la Recherche, la SOFITEX conduit des tests en milieu paysan (pré-vulgarisation et démonstration). Ces tests sont menés auprès des producteurs eux-mêmes qui apportent leurs appréciations sur les nouvelles formules testées et sur la base desquelles les recommandations techniques sont choisies pour être vulgarisées. A partir de l’analyse des résultats des tests réalisés en stations et en milieu paysan, les formules les plus efficientes sont retenues à l’issue d’une concertation avec la Recherche, pour faire l’objet de la commande.»
Extrait communiqué Sofitex publié sur le site www. leconomistedufaso.bf