Régions

Discrimination de genre : Plus d’une femme sur trois victime de violence domestique

 

Malgré la politique nationale genre, adoptée aux normes des ODD, les perceptions et pratiques sociales limitant les droits des femmes se font de plus en plus criardes au Burkina Faso. C’est le résultat auquel est parvenue l’étude-pays de l’indicateur «Institutions sociales et égalité femme-homme au Burkina Faso (SIGI), dont le rapport a été rendu public le 11 janvier dernier.
L’étude-pays s’est focalisée sur 5 sous- thèmes que sont: les discriminations au sein de la famille, les atteintes à l’intégrité physique et morale, la préséance pour les garçons, l’accès restreint aux ressources et aux biens et les atteintes aux libertés civiles. Des discriminations qui ont été mesurées sur l’ensemble du territoire national, à travers des formations, consultations, études qualitatives et enquêtes auprès des ménages. Ces résultats révèlent l’importance des disparités qui existent entre les genres. Au sein de la famille par exemple, le mariage précoce, répandu et persistant, discrimine particulièrement les filles. La loi permet à une jeune fille d’être mariée à 17 ans, contre un âge minimum légal de 20 ans pour les hommes. Mais dans la réalité, pas moins de 44 % des femmes mariées l’ont été avant 18 ans, contre 3 % des hommes. La stabilité de ces taux entre différentes classes d’âge semble indiquer que cette pratique ne va pas en diminuant. Au contraire, sa persistance paraît liée à un fort niveau d’acceptation sociale, puisque 44 % des Burkinabè pensent qu’il est acceptable qu’une fille puisse être mariée avant 18 ans.
De plus, le travail domestique et de soin non rémunéré pèse aussi lourdement sur les femmes. Un homme sur deux y prend part dans le ménage contre l’ensemble des femmes. Elles y consacrent en moyenne six heures et demie par jour, contre moins d’une heure pour les hommes.

Atteintes à l’intégrité physique et morale
Plus d’une femme sur trois (37 %) a été victime de violence domestique au cours de sa vie, contre un homme sur cinq (16 %). Et pourtant, affirme l’étude-pays, la loi au Burkina Faso interdit toute forme de violence à l’égard des femmes et des filles, cependant, la violence conjugale n’est pas criminalisée.
En cause, des normes sociales qui font qu’un tiers de la population déclare qu’un homme peut battre sa femme pour une raison ou une autre, alors que seulement 4 % estiment qu’une femme peut battre son mari. Malgré son interdiction, la pratique de l’excision reste elle aussi courante. Le rapport évoque des chiffres en hausse. Les deux tiers (63%) des femmes de 15 à 45 ans sont excisées. Plus des trois quarts l’ont été dans les régions Centre-Est (75 %), Nord (76 %), Plateau central (77 %) et Sahel (83 %). La majorité de la population (82 %) pense que cette pratique, néfaste pour la santé de la femme et son plaisir, devrait être abandonnée. Un Burkinabè sur cinq (18 %) estime néanmoins qu’elle devrait être maintenue, pour deux raisons principalement : la croyance selon laquelle la religion l’exige et la façon dont le mariage est envisagé, puisque la moitié des hommes pense préférable d’épouser une femme excisée.

Préséance pour les garçons
Le système patriarcal de pérennisation de la lignée et d’héritage favorable aux fils influence les préférences de fertilité. Plus de 44 % des Burkinabè aimeraient ou auraient aimé que leur aîné soit un garçon, contre 17 % une fille. Les résultats de l’étude-pays montrent que près de six Burkinabè sur dix (59 %) déclarent que les filles et les garçons ne devraient pas consacrer le même temps aux tâches domestiques du ménage, supposant qu’il s’agit de responsabilités féminines. Dans la pratique, les filles y dévouent quatre heures par jour contre quatre heures par semaine pour les garçons, un temps qui se rallonge au fil de la vie et va jusqu’à six heures et demie par jour chez les femmes.

Accès restreint aux ressources et aux biens
L’accès sécurisé à la terre reste un défi pour les femmes. Elles constituent 55 % de la force de travail agricole, mais pas plus de 40 % des propriétaires de terres. Quand elles le sont, leur pouvoir de décision reste limité. Seulement 14 % des femmes propriétaires ont la possibilité de vendre les terres qu’elles détiennent, contre 32 % des hommes, en raison de pratiques liées au droit coutumier et à la gestion communautaire des terres.
Les femmes ont un moindre accès aux services financiers. Les deux tiers des personnes possédant un compte dans une banque ou une autre institution financière sont des hommes, tandis que 15 % de la population déclarent que les hommes et les femmes ne devraient pas avoir le même pouvoir de décision en ce qui concerne les services financiers, peut-on lire dans le document.

Atteintes aux libertés civiles
Dernier sous-thèmes du rapport, en dépit des quotas de 30 % de femmes sur les listes des élections législatives et municipales, instaurés de manière incitative en 2009 pour promouvoir leur accès à la politique, elles représentent moins de 10 % des députés depuis les législatives de 2015 (contre 19 % en 2012). Leurs capacités de leadership demeurent sous-estimées: un quart de la population ne pense pas qu’une femme puisse être présidente de la République. L’accès à la justice semble également plus compliqué pour les femmes.
La majorité d’entre elles (60 %) n’aurait pas recours à la justice pour régler une situation conflictuelle, alors que 60 % des hommes lui feraient confiance. Ceci est lié au fait que 40 % des femmes pensent que les cours de justice favorisent systématiquement les hommes.

NK


Recommandations politiques

L’étude-pays SIGI au Burkina Faso vise à renforcer les capacités statistiques nationales et à promouvoir l’utilisation des données pour l’élaboration des politiques nationales dans la lutte contre les inégalités de genre. Ces résultats soulignent le besoin de politiques adaptées à des problématiques locales, impliquant l’action des communautés. C’est ainsi que l’étude-pays a fait plusieurs recommandations. Il s’agit de:
Intégrer la lutte contre les institutions sociales discriminatoires dans les stratégies nationales de développement
Prendre en compte la multiplicité des normes sociales discriminatoires dans l’élaboration des politiques et des programmes d’intervention
Garantir un meilleur accès à l’éducation et mieux promouvoir le dialogue dans la société
Collecter les données afin d’évaluer les progrès et mieux cerner les défis dans la réalisation des ODD.

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