Dans le cadre de la gestion du budget en conformité avec les textes de l’UEMOA, le Burkina Faso se soumet à l’exercice de la production d’un document de cadrage macroéconomique sur ses prévisions budgétaires. Un exercice qui est passé en revue par notre expert en la matière, Daouda Diallo.
Le cadrage macro-économique des prévisions budgétaires est une exigence de la directive 06/2009/CM/UEMOA portante loi de finances au sein de l’UEMOA en date du 26 juin 2009 (Titre V, articles 52 et s.). Cette directive a été transposée dans le droit positif burkinabè par la loi organique N° 073-2015/ CNT du 6 novembre 2015 portant lois de finances.
En application des dispositions pertinentes de cette législation financière, le Conseil des ministres du Burkina Faso, en sa séance du 2 mai 2018, a délibéré sur un rapport relatif au Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2019-2021. L’objectif d’une telle stratégie, à moyen terme, est d’avoir une large vue sur les perspectives budgétaires et les marges de manœuvres possibles, dans l’optique d’une mise en cohérence de celles-ci avec les orientations stratégiques du Plan national de développement économique et social (PNDES). Il apparait, à la lecture de cette prévision budgétaire pluriannuelle, que, pour l’année 2019, les recettes totales s’établissent à 2.237,4 milliards de FCFA, dont 1.984,8 milliards de FCFA de recettes propres et 2.503,6 milliards de FCFA de dépenses budgétaires. En 2020, les recettes budgétaires seraient de 2.390 milliards de FCFA, dont 2.146,2 milliards de FCFA de recettes propres et 2.650,4 milliards de FCFA de dépenses budgétaires.
Pour l’année 2021, les recettes budgétaires ressortiraient à 2.619,3 milliards de FCFA, dont 2.369,6 milliards de FCFA de recettes propres et 2.877,2 milliards de FCFA de dépenses budgétaires. En sortant de l’annualité budgétaire pour s’inscrire dans une perspective temporelle plus étendue sur trois (3) ans, le gouvernement adopte ainsi une démarche financière nouvelle qui lui permet une meilleure planification de ses objectifs de développement. Pour le citoyen burkinabè, la préoccupation est celle de la capacité de cette nouvelle configuration budgétaire à impulser un véritable développement au pays. Au regard du bilan des performances récentes de nos finances publiques et de certaines orientations prises dans les présentes prévisions, la réponse semble devoir être mitigée. En fait, la budgétisation envisagée par le gouvernement s’avère restrictive en matière de dépenses et excessivement optimiste en termes de recettes. En effet, la nouvelle trajectoire financière définie par le Burkina Faso comporte des avancées appréciables (I), mais aussi des reculs inquiétants (II).
I – Des avancées
Deux points nous semblent importants à signaler au titre des efforts effectués par le gouvernement dans l’élaboration de cette programmation budgétaire. Il s’agit de la volonté d’améliorer les recettes propres (A) tout en réduisant la dépendance du pays aux ressources externes (B).
A – Une volonté d’amélioration des recettes propres
L’amélioration du taux de pression fiscale apparait comme un défi important à relever par le gouvernement burkinabè ; en ce sens que, pendant longtemps, ce taux est resté en deçà des normes communautaires de l’UEMOA (17% et portés récemment à 20% par l’Acte additionnel N°01/2015/CCEG du 19 janvier 2015). La poursuite de cet objectif communautaire devait permettre aux Etats membres de l’Union de disposer de ressources suffisantes pour faire face aux objectifs de développement de leurs pays respectifs. Au Burkina Faso, ce double défi de satisfaction des normes communautaires et de disponibilité de ressources propres importantes s’est reflété dans l’élaboration de la loi de programmation budgétaire pluriannuelle. Il apparaît une prévision d’augmentation de la pression fiscale de 3,6%, pour un accroissement des ressources propres de l’ordre de 23%, à la lecture du document présenté par le gouvernement. En valeur absolue, les recettes propres, comme elles se présentent dans le tableau ci-dessous, connaitront une progression entre 2018 et 2019 de plus de 376,9 milliards de FCFA. Cette tendance se maintient en 2020 et en 2021, soit respectivement de 161,4 milliards et 223,4, pour des progressions en valeur relative de 8% et 10%. Si de tels niveaux de recettes propres sont nécessaires pour impulser le développement de notre pays, il se pose pour les analystes la question de leur soutenabilité. L’environnement économique national peut-il générer une telle croissance des ressources propres en l’espace d’une année ?
Le pari nous semble excessivement ambitieux, en l’absence de mesures exceptionnelles pour l’élargissement de l’assiette fiscale et d’une passerelle suffisante de coordination entre l’administration fiscale et les services des douanes. De telles mesures permettront de découvrir les niches fiscales ; notamment les grands importateurs inconnus des services des impôts intérieurs, les volumes importés ; pour asseoir l’assiette des impositions, la détection des contribuables inconnus des impôts, etc. Une telle progression dépend de la situation de l’économie. Cela est d’autant plus vrai que l’économie, selon le même rapport soumis au Conseil des ministres, connaitra une progression du PIB de 6,6% en 2019, 6,9% en 2020 et 6,8% en 2021 ; à la condition d’avoir une bonne pluviométrie, une amélioration de la situation sécuritaire et une accalmie de la fronde sociale.
Même si toutes ces conditions hypothétiques sont remplies, il reste à reconnaître que les montants inscrits sont excessivement optimistes en rapport avec les progressions économiques ainsi envisagées. L’impôt est assis sur la richesse nationale et doit normalement évoluer avec elle. Il est quand même paradoxal de voir la richesse nationale s’améliorer de 6,6% et, dans le même temps, les recettes fiscales de 13%. Il y a là une élasticité Recettes fiscales/Croissance qui défierait toutes les lois de la macroéconomie. Certes, il y a la nécessité d’améliorer les recettes budgétaires par une action forte sur l’économie. Mais, une telle démarche ne saurait vraiment prospérer que dans la mesure où une réforme des politiques administratives valorise les contribuables et simplifie les procédures. Depuis un certain temps, le contexte social s’est détérioré, de sorte que la démarche administrative s’est déshumanisée pour laisser la place à des rapports tendus ; loin des préceptes du «Soyons amis» de l’administration fiscale. Cette situation sape tout effort de mobilisation des recettes fiscales. Il faut travailler à changer la mentalité générale des acteurs afin qu’ils comprennent qu’il y a matière à coopérer. La quête de la performance en matière fiscale est plus une conquête du cœur des contribuables qu’une bataille dans laquelle on vainc sans convaincre.
Dans cette vision, l’optimisation de la mobilisation des ressources propres de l’État sera guidée par le souci de modernisation de l’administration et l’amélioration de la qualité du service public au profit de l’usager de l’administration publique. Il n’a pas été dit, dans les développement ci-dessus, qu’il n’était pas possible d’atteindre les objectifs envisagés d’amélioration des recettes fiscales, mais seulement que ce sont des objectifs relativement ambitieux qui ne tenaient pas compte de certaines réalités économiques et de la perspective des élections législatives et présidentielle prochaines qui verront le gel de certains investissements importants. L’amélioration des recettes propres passera, comme énoncé ci-dessus précisé, par la promotion de la «gestion sociale» des entreprises.
Cette stratégie de gestion prendra en compte l’élargissement de l’assiette, mais aussi l’appui non financier de l’État à toutes ces entreprises en difficultés, par des mesures de protection pour la SOFAPIL, la SAP OLYMPIC, la SN-SOSUCO, la SN-CITEC, la SONACEB et FASOPLAST. C’est de la meilleure production des richesses à l’interne que le Burkina pourra améliorer ses performances économiques et réduire sa dépendance vis à vis de l’extérieur.
B – Une volonté de réduction de la dépendance vis à vis de l’extérieur
La mise en œuvre d’une planification budgétaire pluriannuelle permet au gouvernement de satisfaire aux grandes fonctions de gestion des finances publiques, à savoir la fonction financière, la fonction économique et la fonction de planification. Pour cette dernière fonction, le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle est un outil de cadrage macroéconomique, budgétaire et financier permettant l’amélioration de l’efficacité de la gestion publique. Son importance est primordiale, dans un contexte de planification de la croissance dans le cadre du Plan national de développement économique et social (PNDES).
Pour ce faire, le document d’une quarantaine de page, produit par le gouvernement du Burkina Faso a procédé à l’évaluation de l’environnement économique des finances publiques du pays. Cette évaluation s’appuie sur la conjoncture économique du moment, à partir de laquelle a été bâti un ensemble cohérent d’objectifs stratégiques et de programmes de dépenses publiques à réaliser pour le développement et la croissance du pays. Cette prévision budgétaire est d’autant plus nécessaire qu’elle s’opère dans un contexte marqué par la raréfaction des appuis extérieurs aux budgets des Etats. En effet, les Nations Unies estiment que le montant de l’aide publique au développement devrait doubler afin de permettre l’atteinte des objectifs du développement durable. Selon cette idée, les pays développés devraient lui consacrer 0,7% de leurs revenus nationaux bruts. Seuls quelques pays de l’Europe du Nord (le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède) suivent actuellement cette recommandation. Les autres sont en deçà. L’OCDE, dans son rapport 2017, fait ressortir une baisse de l’aide au développement en direction des pays les moins avancés.
En effet, affirme-t-elle, l’aide au développement a atteint un nouveau sommet en 2016 avec un montant de 142,6 milliards de USD ; soit une augmentation de 8,9% par rapport à 2015. Malgré cette évolution, les données montrent que l’aide bilatérale aux pays les moins avancés a diminué de 3,9% en termes réels par rapport à 2015, et l’aide à l’Afrique, de 0,5%. Dans un tel contexte, les Etats africains se doivent de réfléchir à leur développement en comptant sur leurs propres forces. Dans cette optique, il faut saluer la vision du Burkina Faso qui, tout en améliorant ses recettes propres, déploie des efforts dans la maitrise des dépenses publiques. En valeur relative, sur la période de la programmation, ces dépenses évoluent moins vite que les recettes ; réduisant de ce fait, et de manière significative, la dépendance vis à vis des bailleurs extérieurs du Burkina Faso. Pour ne prendre que l’exemple de l’année 2019, la progression des recettes propres sera de l’ordre de 13% au moment où la variation relative des dépenses sera un peu plus de 9%, comme il est présenté dans le tableau ci-dessous. Il s’est agi certainement de procéder à un arbitrage dans un contexte national où tout est prioritaire, en opérant une rationalisation des différentes charges du budget de l’État.
Le développement endogène se traduit donc dans cette programmation budgétaire pluriannuelle par une baisse importante des compléments budgétaires à rechercher auprès des bailleurs extérieurs. Ainsi, comme présenté dans le tableau ci-contre, les appuis budgétaires des partenaires techniques et financiers au budget de l’État sont passés de 598 milliards de FCFA dans le budget 2017 à 261,6 milliards de FCFA dans le budget 2018, soit une baisse de 56%, et cette tendance baissière sera maintenue sur les autres années de la programmation budgétaire. Ce sera une belle performance au moment où l’aide publique au développement destinée aux pays dans le besoin est de plus en plus absorbée par les bailleurs eux-mêmes dans la prise en charge des réfugiés (une prise en charge des réfugiés parfois sur le territoire européen, considérée comme de l’aide publique au développement et inscrite comme telle).
Les optimisations faites par le gouvernement dans l’élaboration de cette programmation budgétaire pluriannuelle ont été contraintes par un contexte social délétère se traduisant par une augmentation exponentielle des dépenses. La prise en compte de la demande sociale exacerbée a entrainé une satisfaction imparfaite des exigences communautaires.
II – Des reculs
L’examen de la programmation budgétaire pluriannuelle permet de faire le constat d’une satisfaction imparfaite des ratios du Pacte de solidarité et de croissance (A) et d’une baisse des investissements structurants (B).
A – Une satisfaction imparfaite des exigences communautaires
Dans le cadre de l’UEMOA, il a été institué par l’acte additionnel N° 04-99 un pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA. Son but est de permettre, dans le cadre du processus d’unification économique et monétaire, d’éviter les distorsions pouvant provenir d’une politique économique disparate entre les Etats. Il s’agit alors d’entretenir la solidarité entre les Etats et d’organiser la conduite des politiques économiques de manière à permettre la réalisation d’un équilibre global meilleur à celui qui résulterait des seules décisions décentralisées des Etats membres (8e alinéa du visa de l’acte additionnel N° 04/ 98). Ce pacte est assorti d’un programme de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité avec une mise en œuvre en deux phases. Une phase de convergence et une phase de stabilité. Après plusieurs échecs, les critères institués aux différentes phases ont été réaménagés pour ne retenir actuellement que les critères de convergence suivants, pour ceux de premier rang :
Le ratio du solde budgétaire global, dons compris, rapporté au PIB nominal, le critère clé : il doit être supérieur ou égal à -3% en 2019.
Le taux d’inflation annuel moyen : il doit être de 3% au maximum par an
Le ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal: il ne doit pas excéder 70% en 2019
Pour ce qui est des critères de second rang, ils ont été ramenés au nombre de 2 au lieu des 4 initialement inscrits dans l’acte additionnel originel, ce sont :
Le ratio de la masse salariale sur recettes fiscales : il ne doit pas excéder 35% en 2019
Le taux de pression fiscale : il doit être supérieur ou égal à 20% en 2019.
En considération de ces exigences communautaires, le gouvernement du Burkina Faso s’est efforcé de respecter les normes prévues dans l’élaboration de ses prévisions budgétaires. Ainsi, l’état des convergences, au regard des données budgétaires, se présentera comme suit :
A l’examen de ce tableau, il apparaît des efforts de satisfaction des indicateurs de convergence, surtout pour les critères de premier rang qui sont ceux qui permettront de passer à la phase de stabilisation ; celle-ci devant intervenir lorsqu’une masse critique d’Etats membres, dont les performances, relativement aux critères de premier rang, aurait été jugée satisfaisante sur une période déterminée. En somme, les prévisions inscrites dans la programmation budgétaire permettent d’atteindre les objectifs communautaires en totalité dans le premier point sur les exigences de convergence. Mais, sur le deuxième point portant sur les critères de second rang, deux observations méritent d’être faites.
1– Sur le ratio Masse salariale/Recettes fiscales
Ce ratio est significatif de la proportion des recettes fiscales consommées dans les salaires. Il nous semble largement en deçà des réalités, parce que ne tenant pas compte des perdiems, des frais de carburant, des divers fonds et avantages financiers distribués à certaines catégories d’agents de l’État qui, dans le privé, viennent dans la formation de l’assiette des impôts sur le salaire. S’il est de 49,9% en 2017 au Burkina Faso, il se présente autrement, à titre comparatif dans les autres pays de l’UEMOA (voir tableau ).
Le tableau des ratios communautaires ci-dessus fait ressortir une position inconfortable pour le Burkina Faso dans le cadre de l’UEMOA. Au moment où les normes communautaires sont à 35%, le Burkina se trouve être le pays le plus éloigné de cette exigence communautaire avec pratiquement 50% des ressources propres. Malgré l’augmentation substantielle des ressources propres, cette proportion restera relativement importante en 2018 et en 2019, à la lecture des informations contenues dans le document de programmation budgétaire présenté par le gouvernement et entériné par la représentation nationale. Il ressort, en effet, de ce texte que «les efforts attendus en matière de mobilisation de recettes permettraient d’affecter plus de ressources aux investissements qui ont, malheureusement, été absorbés par les dépenses de personnel qui enregistrent une hausse de plus de 165 milliards de FCFA en 2018 et 2019, soit une évolution en valeur relative de 24,8%». En d’autres termes, les efforts demandés en matière fiscale pour le développement du pays se trouvent être annihilés par la masse salariale. Ce boulet de la masse salariale constitue une lacune qui mériterait une plus grande attention de la part des décideurs ; surtout en considération des ratios communautaires ci-dessus qui font du Burkina Faso le pays le plus généreux en salaire. L’effet pervers à redouter dans une telle situation, c’est la remise en cause par la population de l’affectation des ressources publiques. Les réflexions doivent aller donc au-delà de la satisfaction instantanée des générations présentes, pour prendre en compte les générations futures. Les ressources publiques doivent servir à améliorer les conditions matérielles d’existence de tous les Burkinabè.
2 -Sur le taux de pression fiscale
La situation la plus paradoxale dans la programmation budgétaire pluriannuelle présentée par le gouvernement à la représentation nationale, c’est la progression du taux de pression fiscale de 3,6 points en 2018 et 3,7 points en 2019 (valeurs déterminées à partir des données de 2017), au moment où l’économie nationale connaît des difficultés déjà en 2018 (attaques terroristes, conséquences en 2018 des performances contrastées du secteur primaire sur la période 2015-2017, crise énergétique aigue, fronde sociale exacerbée, performance mitigée des régies de recettes sur les 5 premiers mois de l’année) et connaitra un ralentissement de sa croissance à 6,6% en 2019, contre 7,1% envisagés dans un contexte de famine et de baisse des investissements, comme nous le verrons ci-dessous.
La pression fiscale ainsi annoncée pour les périodes 2018 et 2019, si elle satisfait aux ratios communautaires (20%), se devait d’être pondérée par la situation sociale et économique en cours. Elle devait par ailleurs être prudente pour tenir compte de la moyenne de progression des trois dernières années, majorée des perspectives favorables. Cela d’autant plus que les années précédentes se sont opérées dans un environnement national social et sécuritaire relativement moins détérioré. Par ailleurs, le potentiel de ressources propres est toujours fonction de l’amélioration de la richesse nationale ; l’un ne pouvant progresser pendant que l’autre recule. Son recouvrement, par ailleurs, pour l’alimentation des caisses de l’État, dépendra nécessairement d’une combinaison de plusieurs facteurs suivant le contexte, à savoir l’organisation des services, la gestion efficiente de l’assiette, du recouvrement, du contrôle, etc.
L’amélioration du taux de pression fiscale, en effet, suppose l’amélioration du recouvrement des recettes publiques. Ce recouvrement se faisant déjà de manière relativement tendue, grand est le risque, comme mentionné ci-dessus, d’assister à une détérioration plus profonde des relations entre l’administration fiscale et ses contribuables, notamment ceux des plus grands sur lesquels pèsent l’essentiel des ponctions fiscales. Lorsque les projections ont une tendance à relever plus de la théorie que de la réalité économique, les contraintes induites par les engagements financiers de l’État entrainent, très souvent, des incompréhensions regrettables entre les protagonistes que sont l’administration fiscale et les contribuables. Une autre source de l’amélioration des recettes fiscales, ce sont les investissements et la croissance attendus dans le cadre du budget. Malheureusement, la programmation budgétaire marque des reculs sur ces points.
B – Un recul des investissements et de la croissance
Le document de programmation budgétaire pluriannuelle souligne que «les prévisions de dépenses d’investissement sur ressources propres enregistrent une baisse de 16,9%, en passant de 777 milliards de FCFA à 646 milliards CFA en 2019». Cette baisse, à la lecture du document de programmation budgétaire, a été opérée pour compenser la hausse de plus de 165 milliards de FCFA des salaires du personnel de la Fonction publique. Dans une telle approche, le gouvernement a alors fait le choix de la préférence pour le présent au détriment de l’investissement productif et des infrastructures structurantes pour tous. En effet, les dépenses d’investissement sont celles que l’État réalise dans la perspective du développement et de la construction de l’avenir d’une nation. Ce sont les dépenses en matière de sécurité, de santé, d’éducation, y compris les dépenses en matière de création d’un environnement favorable au libre exercice du commerce et de l’industrie, comprenant les investissements dans le déficit énergétique et dans les infrastructures de transport, pour la compétitivité de l’économie du pays.
Cinquante-huit ans après les indépendances, tout reste encore à faire, et il était important d’orienter une proportion importante des contributions publiques vers la satisfaction des besoins des contribuables (les besoins sociaux de base). Cette fausse note dans la présentation de la programmation budgétaire pluriannuelle du Burkina Faso fragilise les fondements de cet édifice et l’éloigne quelque peu des préoccupations du plus grand nombre. Elle pourrait priver le gouvernement de l’adhésion populaire au moment de sa mise en œuvre ou, plus tard, au moment du bilan. La conséquence d’une telle situation, c’est la baisse de la croissance qui passe de 7,1% en 2018 à 6,6% en 2019, soit un ralentissement de ½ point par rapport à la progression précédente ; et cela est autant de recul dans la marche du pays vers le développement. Pour ce qui est de la mise en œuvre du PNDES, le recul des investissements va influer négativement sur son effectivité. Les prévisions de réalisations pariaient sur une croissance de 7,7%. L’écart qui se dégage entre lesdites prévisions et le taux réel en 2019 de croissance est 1,1%. Il est vrai que contrairement au contenu du document de programmation budgétaire, ce recul ne peut pas seulement être imputé aux printemps des revendications salariales. Il y a aussi les questions sécuritaires avec plusieurs attaques sur le territoire national, la mauvaise pluviométrie avec des conséquences sur les premiers produits d’exportation, la faiblesse du cours de l’or.
Enfin, un facteur déterminant qui va aussi peser dans la balance, c’est le taux de croissance de la population qui viendra grever davantage les perspectives de croissance. Pour conclure, il nous semble important de signaler que le cadrage budgétaire pluriannuel est un excellent outil d’instauration d’une bonne discipline budgétaire. Il doit être permettre la conduite effective et efficace du Plan national de développement économique et social. Depuis l’année dernière, le Burkina Faso est à sa deuxième programmation, c’est un grand effort et l’expression d’une forte volonté politique d’aller vers une gestion maitrisée des moyens financiers.
Mais, une telle volonté restera vaine si elle ne rencontre pas le vouloir vivre en commun de tous ; avec un élan particulier pour l’intérêt général au détriment de l’intérêt particulier ou corporatiste. Autrement, il faudra réfléchir à un contrat social qui gèlera toutes les revendications sociales afin de permettre la mise en œuvre, sur une période donnée, d’un programme chiffré et mesurable de développement économique et social partagé.