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CAMEG: «Pourquoi nous allons beaucoup mieux» : Dr Charlemagne Gnoula

Dr Charlemagne Gnoula a été appelé au chevet de la Centrale d’achat des médicaments génériques (CAMEG) le 15 avril 2017 alors en pleine crise. Sa mission : proposer de nouveaux textes et préparer le recrutement d’un nouveau DG. Mais ce missionnaire, entre ces deux grands objectifs, tente de relancer la machine et de rassembler le personnel autour des missions de l’entreprise. La célébration des 25 ans de la CAMEG en sera un marqueur.

L’Economiste du Faso: Qu’est-ce qui vous a poussés à cette célébration des 25 ans de la CAMEG ?
Dr Charlemagne Gnoula, DG de la Centrale d’achat des médicaments génériques (CAMEG): Pour nous, ce 25e anniversaire est assez particulier. 2016 a été une année difficile avec la crise que nous avons traversée et qui a failli ébranler les fondements de notre structure. Il y a six mois de cela, personne n’aurait parié que la CAMEG célébrerait cet anniversaire.A l’entame de mon mandat, le 15 avril 2017, nous n’avions pratiquement pas communiqué.
Or, la CAMEG avait déjà ses 25 ans, mais le cœur n’y était pas, au regard des difficultés. Nous avons donc décidé de travailler, d’y voir un peu plus clair, d’avancer dans les activités pour qu’au moment de communiquer nous ayons des choses concrètes à dire et à montrer. Cela nous a permis de communiquer sur nos résultats et de dire à la population que nous sommes de retour. La forte dette-fournisseur que nous trainions a été liquidée, les difficultés principales qui nous exposaient aux ruptures de stocks sont réglées.
Ceci ne veut pourtant pas dire que c’est la fin des ruptures.
Dans la chaine de la commande, il y a des délais comme celui de la production, du transport et de la livraison. Et comme il s’agit de firmes pharmaceutiques, il y a des délais de fabrication. Si on s’adresse à un fabricant dont le carnet de commandes est vide, il est quasi sur que ses médicaments ne sont pas prisés ou de bonne qualité. Ceux qui produisent de la qualité sont constamment sollicités et ont un carnet de commandes chargé. Et lorsque l’on passe commande chez les meilleures, il faut tenir compte des délais de ce partenaire. Cela explique les poches de ruptures qui ne sont d’ailleurs pas légion.

A l’arrivée, qu’en tirez-vous comme leçons ?
Nous avons pu communiquer et partager avec les populations ce que nous faisons pour faire face à notre mission. Ce fut une occasion de communier entre les travailleurs de la centrale qui ont vécu 6 mois de pression médiatique et beaucoup d’incertitudes quant à leur avenir. Il était important que tout ces gens puissent se retrouver pour célébrer ces 25 ans de lutte. Il y a eu, certes, deux années de difficultés ; mais pendant 23 ans, les travailleurs ont été actifs et la maison a pu remplir convenablement ses missions. Cela doit nous faire réfléchir, car avant la crise, personne ne parlait de rupture de stocks et de difficultés à la CAMEG. C’est le lieu également de se poser la question sur le rôle de cette crise dans le fait que la CAMEG a eu du mal à remplir ses missions. Il nous faut donc du temps pour effacer les stigmates de cette crise pour repartir d’un bon pied. Communiquer, c’était déjà attirer l’attention sur ces aspects. La deuxième leçon, c’est la coupe du DG qui a permis aux différents travailleurs repartis sur l’ensemble du territoire de se retrouver et de se frotter sportivement. Ces agents qui ne se connaissaient pas, mais qui travaillaient dans la même boîte depuis des années, se sont découverts à cette occasion et ont fraternisé. Sans cette grande occasion, certains seraient allés à la retraite sans se connaitre. Cela est essentiel pour l’esprit d’équipe.
Le troisième élément, c’est la participation des anciens DG à la célébration. Le leitmotiv du gouvernement, c’est la réconciliation. Il y a eu des DG avant l’insurrection. D’autres sont arrivés après l’insurrection et d’autres pendant et après la crise. Toutes ces phases de l’histoire de notre pays se retrouvent aussi dans l’histoire de la CAMEG, et c’était important que les anciens DG soient là pour participer à cette célébration. Certains nous ont fait la confidence que depuis leur départ de la CAMEG, il n’ y ont plus mis pieds. La CAMEG ne peut sereinement pas regarder l’avenir si elle ne se réconcilie pas avec son passé. Son passé, ce sont ces anciens DG qui l’ont construite. Nous avions voulu qu’ils sachent que cette maison reste la leur. Elle est le fruit de leur travail et des nuits d’insomnie à gérer certains dossiers, avec les résultats dont nous avons hérité. C’est un hommage que nous voulions leur rendre, et le personnel était heureux de les revoir et d’échanger avec eux.
La dernière leçon que je retiens, c’est le défi de la gratuité des soins que nous devons relever. Dans les grands centres urbains, on ne réalise pas vraiment la portée de cette mesure du chef de l’Etat. Mais en campagne, c’est très important. Les ménages ne sont plus très stressés de fréquenter les centres de santé, parce que l’Etat a décidé de mettre à leur disposition des médicaments. Ce défi est tellement grand que le ministère de la Santé a décidé que nous devons apprendre en faisant (learning by doing). Malheureusement, nous avons appris à faisant à un moment difficile; c’est-à-dire pendant la crise. Les données que nous avions n’étaient plus opérationnelles. 2016 n’a pas été une année de référence pour nous, à cause de la crise. Le 1er trimestre de 2017 non plus. D’avril à aujourd’hui, nous nous battions pour désintéresser nos fournisseurs afin qu’ils puissent reprendre la fourniture régulière. En 2018, il y aura encore quelques tâtonnements, mais la CAMEG est assez forte pour relever le défi.

Quelles sont les perspectives aujourd’hui ?
Je suis DG intérimaire, avec aussi la mission de piloter la relecture des textes et de préparer le recrutement d’un nouveau DG. C’est un nouveau départ. Mais je parlerai plus d’une amorce d’un nouveau départ. C’est celui qui viendra après moi qui aura en charge de conduire la CAMEG nouvelle version.

La CAMEG nouvelle version, c’est-à-dire ?
Les concertations sont en cours pour savoir si nous partons du statut actuel en le renforçant ou si nous allons vers une refondation avec de nouveaux textes. A l’issue de ces concertations, avec les nouveaux textes, on ira vers le recrutement du nouveau DG. Le défi de la gratuité des soins persiste. Il y a des réorientations d’un certains nombres de choses. J’ai demandé un diagnostic de notre santé financière à mon arrivée. Il en ressort que si les investissements qui ont été faits sont pertinents, il y a que les sources de financement ne l’étaient vraiment pas. Le diagnostic dit que ces sources peuvent être revues afin d’améliorer la trésorerie.

Expliquez-nous un peu davantage.
Pour les investissements sur les entrepôts, les retours sont longs. Or, nos recettes propres sont de court terme et constituées de ce que nous vendons au quotidien. Il y a donc des risques sur la trésorerie. L’idée, c’est dorénavant d’aller chercher des sources financements à long terme pour nos investissements à long terme, en allant vers les banques et les institutions d’investissement.
Cela dit, les investissements qui ont été faits jusque-là sont pertinents, mais sont aujourd’hui dépassés. Il nous faut de nouvelles capacités, parce que nous louons des magasins en ville qui, chaque année, nous coûtent 100 millions de FCFA. Rechercher et trouver des structures qui mettent à disposition des ressources longues, parce qu’avec les banques commerciales cela n’est pas très adapté à notre trésorerie.
Il y a l’agence de Fada à rénover, le renouvellement du parc auto. Il y a un autre défi qui est exaltant, c’est la confiance du ministère de la Santé qui nous a confié les intrants de dialyse. C’est nous qui avons la charge de les acquérir et de les mettre à disposition des structures concernées. Le défi à ce niveau sera la coordination pour effectuer les commandes afin d’éviter des ruptures. Il y a des règles à respecter dans la chaine de la commande, et ensemble nous y arriverons, dans l’intérêt des malades. En interne, nous avons pris toutes les dispositions pour apurer nos dettes et nous travaillons à ce que de telles situations ne se répètent plus. Je puis vous annoncer que pour certains médicaments très importants pour le ministère de la Santé, nous avons déjà fait des prépaiements, ce qui est rare, afin de mettre les fournisseurs en confiance pour qu’ils comprennent que nous allons beaucoup mieux.

Propos recueillis par FW

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