L’exploitation artisanale de l’or, encore appelée orpaillage, a des répercussions sur l’agriculture familiale. C’est la conclusion à laquelle est parvenue l’étude menée par l’ONG Organisation pour le renforcement des capacités de développement (ORCADE) sur «l’impact de l’exploitation artisanale de l’or sur la sécurité alimentaire au Burkina Faso», avec le soutien financier de son partenaire Action de carême-Suisse.
L’étude, réalisée dans 5 régions du Burkina Faso qui accueillent des sites d’orpaillage, a été restituée le 14 novembre 2017. Ces résultats serviront à alimenter la stratégie de plaidoyer d’ORCADE en vue d’inverser la tendance en faveur de l’alimentation des populations par le maintien de l’agriculture familiale.
2 types de sites d’exploitation artisanale ont été rencontrés dans ces régions. Il s’agit de ceux reconnus par l’État par la délivrance d’une autorisation à une personne responsable du site et ceux qui ne répondent pas au critère du premier type. Ils sont appelés sites clandestins ou sauvages. Cependant, l’étude a été réalisée sur les sites reconnus par l’État.
Selon les résultants de l’étude, l’orpaillage est une activité peu exigeante en termes d’investissement initial. Il se limite essentiellement à la force de travail et à quelques outils traditionnels. Face à une agriculture soumise à la forte variabilité climatique, beaucoup de membres de familles s’engagent de plus en plus dans l’orpaillage comme complément ou alternative à l’agriculture.
Mais les effets directs de l’exploitation artisanale de l’or sont, entre autres, la réduction du volume de main-d’œuvre sur l’exploitation agricole, la dégradation des sols, la destruction des terres agricoles et la pollution des eaux et des sols. Mais pour ORCADE, si l’orpaillage n’a pas d’impact sur le système de cultures, il influe négativement sur les superficies, les rendements, le volume de productions, le nombre d’acheteurs nets, les prix agricoles, le coût de la main-d’œuvre et le coût de production.
Qu’est-ce qui explique le développement de l’orpaillage au Burkina Faso ?
La survenue de 2 sécheresses et de 2 invasions des criquets dans les années 1970 et 1980 ont mis à mal la production agricole. Pour y faire face, les populations ont commencé à pratiquer l’orpaillage comme activité de secours et en particulier dans le Nord du pays.
Ensuite, il y a eu la découverte en 1983 d’une pépite à Gangaol dans la région du Sahel et la découverte de filons aurifères sur le site d’Essakane en 1984 qui ont attiré du monde. Pendant ce temps, on assistait au développement de l’activité de recherche industrielle, pendant que l’exploitation industrielle de la mise de Poura se poursuivait.
En 1994, le Burkina Faso se dote de son premier Code minier qui sera relu en 1997 pour prendre en compte l’exploitation artisanale.
Puis intervient la chute des cours de l’or qui entrainera la fermeture de l’unité de Poura. Certains employés au chômage choisissent de s’orienter vers l’orpaillage.
Avec la remontée du cours de l’or à partir de 2002, un nouveau Code minier, plus attractif, est adopté en 2003. Plusieurs unités industrielles entrent en exploitation, mais à côté d’elles, s’installent les orpailleurs. Les différentes politiques de développement comme le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) et la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) n’ont pas pu résoudre la question de la pauvreté des Burkinabè confrontés à une agriculture aléatoire du fait des changements climatiques. Dans ces conditions, une moindre alerte ou information faisant état de découverte d’une pépite d’or dans une zone entraine l’ouverture de sites clandestins. L’orpaillage devient alors une alternative au développement pour les Burkinabè. Malheureusement, l’absence d’un encadrement du sous-secteur est à la base du développement anarchique des sites d’orpaillage dans le pays, avec ses conséquences sur l’agriculture familiale.
Dans le but de mieux encadrer le sous-secteur, le ministère en charge des Mines a créé une Direction des exploitations minières à petite échelle (DEMPE) et l’Agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées (ANEEMAS). Cette dernière structure a été créée pour combler le vide laissé par le Comptoir burkinabè des métaux précieux (CBMP). Mais ces structures peinent à jouer efficacement leur rôle, très probablement par manque de ressources humaines et financières.
Elie KABORE
Une contribution au développement mal connue
Malheureusement, le ministère en charge des Mines ne dispose pas de statistique du sous-secteur de l’orpaillage. Sa contribution au développement social et économique du Burkina Faso reste méconnue. Cependant, des études donnent quelques indications.
Selon une étude réalisée en 2012 dans 10 régions par le Programme alimentaire mondial (PAM), l’orpaillage a été la principale source de revenus pour 3,2% des ménages. Les résultats des Enquêtes permanentes agricoles (EPA) de la campagne 2016-2017 indiquent que 8% des ménages au Burkina Faso pratiquent l’orpaillage comme source principale de revenus après l’agriculture et l’élevage. Au cours de la campagne 2015-2016, ce sont 5,7% des ménages qui tiraient leur principal revenu de l’orpaillage, soit une hausse de 2,3 points.
Une autre étude menée en 2016 sur le site minier dans le village de Gbomblora, dans la province du Poni, révèle que 59% des ménages interviewés pratiquent l’orpaillage et environ 70% des ménages le pratiquent permanemment.
Selon les différents rapports de l’Initiative sur la transparence dans les industries extractives (ITIE), la production artisanale d’or était de 0,2 tonne en 2014 contre 0,4 tonne en 2013.
Les exportations d’or issues de ce secteur vers la Suisse atteindraient les 7 tonnes en 2014 selon l’ONG la Déclaration de Berne. Les résultats de l’enquête parlementaire d’octobre 2016 estiment que la production informelle de l’or emploie environ 1,2 million de personnes, pour une production oscillant entre 15 et 30 tonnes/an entre 2006 et 2015.