Jean Baptiste Toé. Ce nom ne dit certainement pas grand-chose à beaucoup de nos lecteurs. Mais dans la région du Nord et particulièrement à Ouahigouya, il est un personnage de référence dans le secteur 2 dont il a souvent été le conseiller municipal. Connu pour son activité d’entrepreneuriale, ce mécanicien diéséliste à l’origine s’est imposé dans faune politique du Yatenga. Tous le connaissent ou presque. Parcours d’un homme presqu’exceptionnel.
Dans son bureau où il reçoit L’Economiste du Faso, c’est la sobriété des locaux qui surprend. Caché dans un coin du garage, un bureau d’à peine 15m², deux fauteuils pour les invités et de la climatisation. Quelques photos et des décorations ornent les murs. Quand on l’interroge sur son confort, il répond : «Non, je n’ai pas besoin de plus. Ça me suffit pour mon boulot». Et pourtant ce lieu recèle de secrets.
«Tu vois là où tu es assis, je les ai tous reçus ici. On parlait de tout et de rien», faisant allusion aux hommes politiques de la province, notamment à feu Salif Diallo et Gilbert Noël Ouédraogo, les plus en vue. Lui-même a fini par s’engager. De délégué, il est passé conseiller municipal. A la mairie de la vile, il a occupé la fonction de trésorier pendant deux mandats, naviguant selon les circonstances entre le CDP et le l’ADF-RDA.
Son influence politique, il la tient de son poids social dans sa communauté. «Quand je venais ici, les musulmans étaient là, les protestants et les catholiques aussi. Quand il y a un décès, on vient me voir et on part creuser la tombe. Je m’en fous qu’on soit musulman ou chrétien. Souvent, quand les prisonniers ont des problèmes, je partais les soutenir et j’avais un véhicule bâché qui servait de corbillard à l’occasion. Tous les grands garages ici, j’en ai formé beaucoup. Même des prisonniers que j’ai formés sont devenus des garagistes. Voilà comment je me suis lancé dans les choses et en entreprise aussi. Par la suite, je me suis retrouvé en politique», confie-t-il. Ce bureau qui fait office de repaire à ce petit Samo, qui dans les années soixante débarqua en plein Yatenga pour se construire, cache mal le poids économique de ce géant de plus de 1,80 m. En plus des garages qu’il possède, l’homme est patron de l’ entreprise Toé Jean Baptiste qui excelle dans le BTP. Il a à son actif plusieurs chantiers de construction de bâtiments et de pistes rurales à travers le pays.
Dans son bureau, trône comme un trophée, la photo du siège de la caisse populaire de Larlé. Son entreprise de BTP, il l’a lancée en 1996. Aujourd’hui, elle emploie au moins 15 permanents auxquels ajoutent des contractuels et des temporaires, en fonction de la saison.
« Actuellement, nous avons 17 sites actifs de travaux : Tougan, Gourcy, Lankoué…. Et ici, à Ouahigouya, nous avons plusieurs autres chantiers», nous souffle-t-il.
FW
Toé parle de lui-même
«Je me suis retrouvé à Ouahigouya quand j’avais 20 ans. J’ai commencé à réparer des véhicules. Les gens voulaient m’embaucher, l’armée voulait de moi, les blancs aussi. Il y a le groupe Peyrisac qui voulait me prendre aussi en son temps. J’ai dit que je ne travaille pas avec quelqu’un, malgré que je fusse très jeune en son temps ; et les 8 mois que j’ai fait ici, le climat ne me plaisait pas dans un premier temps. Imaginez un jeune, très frais et un diaspo, venir vivre avec le climat d’ici, où il fait très chaud. Donc je suis reparti et mon formateur a pu convaincre mon papa de me ramener. Je suis revenu en Haute-Volta pour rester ; et à mon retour, entre Gaoua et Koudougou, le coup d’Etat de Lamizana nous a trouvés en route. Revenu Ouahigouya, Bernard Ledia Ouédraogo a voulu m’embaucher et j’ai dit non. Voilà comment j’ai commencé petit à petit, d’abord à pied, puis je me suis acheté un vélo, et ensuite j’ai acheté ma moto CT. Quand je l’ai achetée, c’était vraiment une grande la joie pour moi. Je partais acheter des pièces à Ouaga ou Yako. J’ai ainsi pu avoir 100.000 F à force d’économies. Si je mangeais en son temps, c’était des galettes ; et vers midi c’était du haricot avec beaucoup d’huile de karité. C’est comme ça, et petit à petit, que j’ai eu au moins 500.000 F pour prendre la direction d’Abidjan pour ramener des pièces détachées. J’ai fais un petit magasin et quand on vient réparer les véhicules, il y a des pièces défectueuses que je change ; étant donné que je les ai chez moi.
Je prends mes frais de main-d’œuvre et l’argent de mes pièces. Maintenant, quand un vieux de Yako m’a proposé sa bâchée à 2.500.000F à payer à tempérament, j’ai dit non. Et je suis allé voir le directeur de la BND pour le lui expliquer, et il m’a dit que vu la manière dont je travaille, ils pouvaient me donner les 2.500.000 F sans garantie. C’est ainsi qu’il m’a donné la somme et je suis allé voir le chef des syndicats à qui j’ai expliqué l’affaire, et on est allé ensemble regarder la voiture. Quand j’ai remis cette somme, le vieux a enlevé 2 millions et il m’a remis 500.000 F pour me soutenir, dit-il. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé avec la benne que j’ai réparée avec les 500.000 F. J’ai acheté 6 pneus neufs et l’argent restait toujours, car en son temps les pneus ne dépassaient pas 60.000 F. Ensuite, j’ai fait l’assurance, car quand tu as ça, tu circules comme tu veux. Après ça, j’ai réalisé beaucoup de choses».