Le deuxième Programme national de gestion des terroirs (PNGT2) est une initiative du gouvernement burkinabè dont la mise en œuvre a impulsé la dynamique de développement local. Ce programme de 15 ans financé par la Banque mondiale a été exécuté en trois phases quinquennales dont les deux premières ont été mises en œuvre respectivement de 2002 à 2007 et de 2007 à 2013. Quant à la 3e phase, elle a débuté le 21 juin 2013 et se poursuit jusqu’en mai 2018 ; et sa zone d’intervention couvre toutes les communes rurales et les collectivités régionales du pays. Cette phase ambitionne de «renforcer les capacités des communautés rurales et des structures décentralisées pour la mise en œuvre de Plans locaux de développement qui favorisent la gestion durable des terres et des ressources naturelles, et les investissements rentables au niveau des communes ». Pour relever ce défi, outres le renforcement des capacités des acteurs pour l’animation et la mise en œuvre du développement local, l’application du régime foncier rural, plusieurs réalisations ont été cofinancées dans toutes les régions, dont celle du Nord où nous avons séjourné dans 3 communes, le vendredi 10 novembre 2017. Dans ces communes, les résultats concrets de l’exécution du PNGT2-3 sont visibles. Constats et témoignages.
Kossouka, Oula et Thiou. Voici les 3 communes où nous avons visité des réalisations cofinancées par le deuxième Programme national de gestion des terroirs phase III (PNGT2-3), le 10 novembre dans la région du Nord. La visite a débuté dans la commune de Thiou, située à une trentaine de km au nord de Ouahigouya, le chef-lieu de la région. Cette commune est reconnue comme une zone où l’élevage reste l’activité dominante. Or, les vendeurs et acheteurs de la localité éprouvaient de sérieuses difficultés à écouler leur bétail, faute d’infrastructure marchandes. C’est pourquoi le conseil municipal a soumis au financement du PNGT2-3 un PAIC d’un montant de 21.380.258 FCA pour la construction d’un marché à bétail. Ce joyau dressé sur une petite colline, visible à l’entrée du chef-lieu de la commune, fait aujourd’hui la fierté des habitants. Ceux-ci s’y mobilisent pour vendre ou acheter des bœufs, des moutons, des chèvres,…, le jour du marché, comme nous l’avons constaté à notre arrivée sur les lieux. Pour le maire de la commune, Ghassimi Diallo, le cofinancement par le PNGT2-3 du marché à bétail se révèle comme une grosse épine en moins de son pied. « Avant l’installation de ce marché à bétail, il y avait un grand vide, un désordre. Aujourd’hui, tous les vendeurs peuvent rester sur le même lieu pour la même activité. Le marché est fonctionnel et le budget de la commune en tire beaucoup de profits», s’est réjoui Ghassimi Diallo. Pour lui, il était nécessaire d’organiser la filière élevage afin de mobiliser des ressources pour le développement de la commune. C’est en cela que le cofinancement du marché à bétail vient, a-t-il reconnu, à point nommé. Pour permettre au marché de bétail de fonctionner normalement, des infrastructures d’accompagnement ont été réalisées sur le site. Il s’agit d’un forage, de deux latrines et de deux magasins. En plus du marché, le PNGT2-3 a financé d’autres investissements à Thiou au nombre desquels 2 parcs de vaccination, 2 forages d’eau potable. Ce programme a également cofinancé partiellement à hauteur de 28 millions de FCFA le grand pont de Thiou. Cette réalisation a contribué, selon Ghassimi Diallo, à désenclaver plusieurs localités de la commune. Avant la construction de ce pont, dès que les premières pluies tombaient, a-t-il expliqué, la commune était coupée en deux et il fallait qu’il y ait moins de pluies pour que les gens puissent circuler normalement. Cette difficulté est devenue un mauvais souvenir, car la construction du «grand pont de Thiou», comme l’appellent les habitants, est aujourd’hui une réalité. Quoi donc de plus normal pour Ghassimi Diallo que de se frotter les mains. «Pour le financement du PNGT 2-3, la commune de Thiou a été un peu l’enfant pourri, car elle en a beaucoup bénéficié. Le montant total des financements s’élève à 62.328.000 FCA. Ce financement aide la commune à avoir des ressources importantes », a reconnu l’édile de Thiou. Cette conviction est partagée par le président du Comité de gestion (COGES) du marché à bétail de Thiou, Yéro Diallo. Pour lui, les infrastructures cofinancées par le PNGT 2-3 répondent à leurs attentes. Du reste, les bénéficiaires ont mis en place un comité de gestion pour s’occuper des réalisations. Pour le marché à bétail par exemple, des réunions sont organisées pour sensibiliser les éleveurs sur la nécessité de l’utilisation du marché à bétail par les éleveurs afin de contribuer à payer les taxes au profit du développement de la commune. «Le marché à bétail fonctionne bien, et on n’est content même s’il n’y a pas souvent le marché. On peut avoir au moins 100 à 200 têtes d’animaux par jour de marché. Comme bénéfices, nous pouvons avoir au moins 500 FCA par tête d’animal vendu», a dévoilé Yéro Diallo.
Cap sur Kossouka
A l’instar de Thiou, la commune de Kossouka a bénéficié de financements du PNGT2-3. Les investissements dans cette commune située à environ 90 km à l’Est de Ouahigouya sont multiples : 58 fosses fumières, 2.827 kg de semences améliorées, 6 forages d’eau potable, 4 latrines. Et ce n’est pas tout, puisque le PNGT2-3 a financé l’éclairage d’une formation sanitaire, la construction de 6 boutiques de rue et de 190 hangars. Le coût total des investissements s’élève à 91.526.853 FCFA. «Pour avoir ce montant en 4 ans pour une commune rurale, il faut être le maire de Kossouka pour savoir la portée réelle de l’acte posé par le PNGT 2-3 au profit des populations. Les gens pensent que ça vient du maire, ils sont contents de lui, alors que les lauriers reviennent au PNGT2-3», a reconnu le bourgmestre de Kossouka, Issa Savadogo. Sur le choix de la demande de financement des hangars, celui-ci a expliqué que cela visait simplement à accroître l’assiette fiscale de la commune. Les recettes propres de la commune étant très limitées, le conseil municipal a estimé qu’il fallait poser, a-t-il confié, des jalons qui permettront de générer, de façon durable, des recettes. «C’est pour cela que nous avons misé sur les infrastructures marchandes. Nous avons bénéficié du PNGT2-3 de financements pour la construction de hangars, de boutiques par lesquelles commerçants donnent de l’argent mensuellement à la commune», ajoute-t-il. Cette démarche du conseil municipal est appréciée de façon positive par les bénéficiaires qui se sont engagés à apporter leur pierre à la construction de leur commune. Pour le président du COGES du marché, Lassané Bélem, la réalisation des hangars est venue améliorer les conditions de travail des commerçants. «Nos hangars n’étaient pas du tout bons. Grâce au PNGT2-3, nous avons eu la chance d’avoir des hangars modernes. Désormais, nos lieux de ventes sont propres, l’espace est aéré, et beaucoup de personnes disposent de hangars. Et il n’y a pas de dérangement. Le coût mensuel de la location de chaque hangar est de 1.000 FCA. C’est vrai que le problème d’argent se pose, mais ce coût est abordable», a estimé Lassané Bélem.
«Nous tirons notre chapeau au PNGT 2-3»
S’il y a une commune qui reste confrontée au problème des classes sous paillotes, c’est bien celle d’Oula. Selon le maire de cette commune, Sidi Mahamady Savadogo, on en dénombre au moins sept ; et cela constitue, a-t-il déploré, un problème pour le rendement du système éducatif. Face à cette situation, le
conseil municipal a soumis au financement du PNGT2-3 la construction de 3 salles de classes pour le primaire. «L’arrivée du nouveau bâtiment financé par le PNGT2-3 a été accueillie ici comme un ouf de soulagement. Les classes sont spacieuses, bien aérées, avec de bons tableaux. N’eut été l’appui du PNGT 2-3, on serait toujours dans nos paillotes où les conditions de travail sont difficiles avec les vents, et le démarrage difficile. Avant, il fallait attendre la fin des récoltes en novembre pour réparer les hangars et commencer les cours. Maintenant, dès le 1er octobre, on est prêt à démarrer. Il n’y a pas eu de perturbations non plus dues aux vents ou aux pluies», s’est réjoui le directeur de l’école, Noufou Sabouda. Sa joie est partagée par l’élève en classe de CM2. Aguéra Bélem est fière d’être dans une nouvelle classe où l’apprentissage se fait dans de bonnes conditions. Pour entretenir le joyau, les parents d’élèves ont mis en place un COGES piloté par Kalifa Ouédraogo. «A la faveur des salles de classes financées par le PNGT2-3, nous inscrivons à l’école tous les enfants qui ont l’âge d’y aller», a confié le président du COGES. Celui-ci a apprécié positivement l’intervention du PNGT2-3 dans leur commune, à l’instar de Sidi Mahamady Savadogo qui a soutenu que le PNGT2-3 est la structure en laquelle sa commune trouve son salut. «Les investissements de ce programme ont amélioré les conditions de travail et de vie des populations de ma commune. Sans le PNGT2-3, c’est une mise à mort de mes ambitions et de celles de toute la commune. Nous tirons notre chapeau au PNGT2-3», dira-t-il. Dans le cadre du partenariat avec le PNGT2-3, la commune d’Oula a bénéficié, en plus de la construction des 3 salles de classes, de financement pour l’équipement de 2 salles de classes, le reboisement de 200 plants, la réalisation de 2 forages d’eau potable, de 10 latrines publiques, de 2 latrines scolaires, l’éclairage de 4 formations sanitaires, la construction de 12 boutiques dans les marchés et de 100 hangars, etc. Le coût total de ces investissements s’élève à 83.307.580 FCA.
Booster le développement à la base
La visite des réalisations financées par le PNGT 2-3 dans les communes ci-dessus citées a permis de s’imprégner du niveau de valorisation et d’appropriation des acquis dudit programme par les bénéficiaires. Les réalisations que nous avons pu visiter ne représentent qu’un arbre au milieu de la forêt d’investissements mis à la disposition des citoyens par les collectivités avec l’appui du PNGT2-3 dans la région du Nord. De 2013 et 2017, c’est un montant total 3.177.050.795 FCFA qui a été injecté dans les communes rurales et dans le conseil régional du Nord. Au titre de la composante «Financement des investissements du développement local», c’est une subvention d’un montant global de 3.001.243.886 FCFA qui a été mise à la disposition des communes rurales et du conseil régional du Nord. Ce montant a permis aux conseils de collectivités de réaliser des microprojets issus des plans locaux de développement. Quant au niveau d’exécution des investissements dans la région, il se situe, selon la coordinatrice régionale du PNGT2-3 du Nord, Sara Diallo/Tapsoba, à 76% en 2015, 93,34 % en 2015, 96,13 % en 2016 et 47,67 % au 20 septembre 2017. Outre le financement des investissements physiques, 175. 806.909 FCFA ont été utilisés à travers la composante «Renforcement des capacités pour un développement rural décentralisé» pour actualiser les Plans communaux de développement (PCD), financer la concertation aux niveaux provincial et régional, et former les acteurs sur des thématiques diverses. Ces thématiques concernent, entre autres, le genre et développement, les techniques de négociations et de recherches de financement, la gestion des archives, le rôle des élus locaux, la communication communale, les procédures de passation des marchés, etc. Sur ces thématiques, 2.187 hommes ont été journalièrement formés dans toute la région.
La zone d’intervention du programme dans la région couvre le conseil régional et 27 communes rurales dont 12 dans la province du Yatenga, 8 dans le Passoré, 4 dans le Zondoma et 3 dans le Loroum.
«Si le PNGT 2-3 n’existait pas, il fallait le créer»
Les résultats obtenus par le PNGT 2-3 au Nord sont reconnus par les autorités régionales. C’est le cas du gouverneur de la région du Nord, Hassane Sawadogo, qui a salué les multiples actions du PNGT2-3. «Si cet outil qui accompagne les collectivités dans leurs efforts de développement n’existait pas, il fallait nécessairement le créer. Quand on considère ce que le PNGT 2-3 apporte comme financement, c’est très substantiel et considérable. C’est pour nous l’occasion de saluer les efforts qui sont faits pour accompagner nos collectivités territoriales», dira-t-il. Du côté justement des responsables des collectivités bénéficiaires, les motifs de satisfaction ne manquent pas non plus. Pour le président du conseil régional du Nord, René Zida, l’apport du PNGT2-3 au développement de la région n’est plus à démontrer. Du reste, la collectivité qu’il dirige a bénéficié de nombreux financements dudit programme pour réaliser des investissements dont un complexe éducatif (CEG, bibliothèque, logements administratif,…) et 1 forage. De même, la construction d’un marché moderne au profit du conseil régional se profile à l’horizon.
Il est à rappeler que tous les financements sont effectués suite à la demande des communes qui expriment leurs besoins dans les PCD qu’ils soumettent au PNGT 2-3. «Le PNGT 2-3 part de ce que nous souhaitons. Quand ce programme finance chez nous, ça répond à un besoin que nous avons exprimé», a affirmé le maire de Thiou au moment-même où le compte à rebours de la fin du PNGT2-3 a déjà commencé. A ce propos, tous les acteurs interrogés ne souhaitent pas que ce programme s’arrête en si bon chemin. Ils se disent préoccupés de l’issue qui sera réservée au PNGT2-3 à l’expiration de son échéance en mai prochain.
Pour l’heure, des réflexions ont été engagées, selon Sara Diallo, sur instruction des plus hautes autorités du pays, et un comité interministériel a été mis en place. De même, la note conceptuelle qui a été formulée pour un nouveau programme a été produite et le dossier est dans le circuit depuis juillet dernier. Dès lors, la compréhension et les apports éclairés de tous les acteurs sont nécessaires pour que le processus aboutisse.
Saïdou ZOROME
Cris du cœur quant à la fin annoncée du PNGT 2-3
Hassane Sawadogo, gouverneur de la région du Nord : «Le PNGT 2-3 a beaucoup apporté dans le développement des collectivités territoriales. Pour cela, notre souhait le plus ardent est qu’il puisse y avoir une autre formulation de programme pour poursuivre les acquis engrangés durant la phase en cours et celles précédentes. Cela est très important, car notre décentralisation est en train d’amorcer une phase décisive de son histoire. Il est tout à fait nécessaire que nos collectivités bénéficient du soutien des programmes qui sont mis en place par notre gouvernement. Je souhaite qu’il y ait une autre phase du PNGT 2-3 pour poursuivre les efforts entamés afin que les collectivités disposent de moyens pour se développer au profit des populations».
René Zida, président du conseil régional du Nord : «Le PNGT2-3 étant en avance sur le terrain de la décentralisation, notre souhait est que ce programme puisse avoir une nouvelle prolongation, voire une nouvelle phase, pour permettre aux collectivités de s’équiper, de se doter d’infrastructures sociales et économiques».
Ghassimi Diallo, maire de Thiou : «Parler de la fin du PNGT 2-3 sonne comme un deuil pour moi, parce que ma commune a toujours beaucoup d’attentes. Je souhaite vivement que l’on renouvèle le projet, car nous en avons profité. C’est le premier projet qui a pu investir beaucoup, avec un fonctionnement correct».
Issa Savadogo, maire de Kossouka : «Sans le PNGT2-3, vous auriez un orphelin qui est le maire de Kossouka. C’est comme si tu as ta maman, tu têtes régulièrement, tu penses qu’elle va t’accompagner pendant un bout de temps pour que tu puisses avoir l’enfance facile ainsi que l’âge adulte avant que la maman ne parte. Et, on t’apprend du coup que la maman est partie ou partira. Mettez-vous à la place de cet enfant, et vous comprendrez ma peine. C’est ce que nous ressentons lorsque nous apprenons que le PNGT2-3 est en train ou veut partir. Si nos volontés devaient être prises en compte, c’était la dernière des choses qu’il aura fallu faire au Burkina Faso, c’est-à-dire ne pas faire partir le PNGT2-3. S’il n’y a pas le PNGT2-3, bonjour les difficultés. Ce sera difficile. Je ne dis pas que l’on va mourir, mais j’avoue que ça ne sera pas facile. La preuve est que sans le PNGT2-3, la commune de Kossouka se retrouve avec seulement 2.000.000 de FCFA pour les investissements en 2018. C’est pourquoi j’ai écrit une correspondance à l’adresse du coordonnateur du PNGT2-3 pour lui dire qu’il faut que l’on puisse encore nous accompagner. Je ne sais pas s’il y a encore des possibilités, mais je lui ai écrit, et je souhaite que Dieu nous entende et fasse en sorte que nous ne perdions pas ce joyau».
Sidi Mahamady Savadogo, maire d’Oula : «Nous avons eu une tristesse lorsque nous avons appris que ce n’est pas sûr que nous ayons un financement du PNGT2-3 en 2018. Je prie les autorités et tous ceux qui peuvent agir de peser de tout leur poids pour que le programme se poursuive et continue de nous accompagner».o