Education Un guide sensibilise les professionnels de la petite enfance aux stéréotypes de genre.
A en croire le guide « La poupée de Timothée et le camion de Lison », les garçons sollicitent davantage l’attention de l’adulte et monopolisent plus souvent la parole. Image: DR
Les observations font plutôt froid dans le dos: si vous avez mis votre fille en crèche, il y a de fortes chances qu’elle soit plus sollicitée que ses petits camarades pour ranger les jouets, moins valorisée lorsqu’elle réussit une activité et souvent cantonnée aux seconds rôles. Votre petit garçon, lui, disposera d’une moindre quantité de déguisements pour s’amuser, reçevra surtout des compliments destinés à encenser sa force – et se fera plus souvent aider.
«Il s’agit de situations bien réelles que nous avons observées dans le canton entre 2012 et 2015, explique Véronique Ducret, psychologue sociale au 2e Observatoire, l’Institut romand de recherche et de formation sur les rapports de genre. Ces constats, nous les avons catalogués et analysés dans un guide intitulé La poupée de Timothée et le camion de Lison». Objectif de cette publication colorée destinée aux professionnels? Sensibiliser à la façon dont l’enfant peut être conditionné dès le plus jeune âge par les comportements stéréotypés des adultes. En 2012 déjà, le 2e Observatoire avait passé au crible onze crèches romandes, épinglant par exemple le fait que les filles étaient moins souvent appelées par leurs prénoms que les garçons. Cette toute première édition, très vite épuisée, avait alors été largement distribuée aux crèches romandes. «Les retours des professionnels ont été plutôt positifs et les remarques bien vécues. Nous constatons déjà des changements positifs», ajoute la spécialiste.
Pour nourrir une édition augmentée du fameux petit guide, l’institut a analysé quatre crèches supplémentaires, à savoir celles de l’Université de Genève. Verdict: les filles possèdent désormais un prénom, mais les problèmes de mixité demeurent. «Dans un espace donné, si on sort les voitures à pédales, les garçons s’en emparent et les filles se retrouvent à occuper le peu d’espace qui reste. En revanche, si les éducateurs mettent des jouets neutres à leur disposition, les enfants s’amusent très facilement ensemble. La mixité, ça s’apprend! Mais d’autres stéréotypes de genre ont encore la vie dure, comme par exemple la façon dont on valorise l’apparence des fillettes», nuance Véronique Ducret.
Fort de ce succès, le 2e observatoire a décidé de continuer sur sa lancée en s’attaquant cette fois-ci aux stéréotypes qui collent aux préaux et aux classes de primaires. Pendant un an et demi, l’équipe est allée voir ce qui se passait au sein de quelques établissements des cantons de Genève, de Neuchatel et du Jura. «C’était dans la continuité de s’intéresser aux plus grands, l’étape logique après avoir étudié les crèches, précise Bulle Nanjoud, en charge de ce projet au sein de l’institut. Nous nous sommes aperçus que les clichés se déploient de façon différente en primaire mais qu’ils sont toujours solides. On a constaté, par exemple, que l’espace sonore et physique est occupé majoritairement par les garçons. Ce qui est dommage, c’est que c’est un fait déjà bien connu des chercheurs mais qui perdure toujours aujourd’hui» Le nouveau guide né de ces observations paraîtra en septembre 2018, et sera distribué aux équipes enseignantes par les Départements d’instruction publique. Même look, même ton, et même mission: bouter les stéréotypes de genre hors du système éducatif.
Par Cécile Denayrouse pour Tribune de Genève