La nouvelle taxe de 0,2% sur les produits d’importations non africains dans les 55 Etats membres de l’Union africaine (UA) va devoir encore attendre. Adoptée, presqu’à l’unanimité, lors du 27e sommet de l’organisation en juillet 2016 au Rwanda, l’une des propositions tablait sur son introduction dès la loi de finances 2017. Elle n’y est pas. Loin s’en faut. C’est sur ce constat que le 29e sommet de l’UA, tenu du 3 au 4 juillet 2017 à Addis Abeba, a décidé d’inscrire la question de l’autofinancement de l’organisation parmi les principaux dossiers de discussion relativement l’objectif de la réforme de l’institution.
La taxe de 0,2% est destinée à financer le fonctionnement et les programmes de l’UA. Dans le même temps, elle doit lui permettre de s’affranchir de la dépendance aux financements extérieurs, qui atteint 73% de son budget.
A titre d’exemple, sur les 781 millions de Dollars correspondant au budget 2016-2017 de l’organisation, les Etats membres ne financent que 212 millions de ce montant, contre 569 millions de Dollars par les donateurs étrangers. Il s’agit notamment de l’Union européenne, des Etats-Unis, de la Chine et de la Banque mondiale.
Pour sortir de cette situation gênante, notamment en termes de souveraineté, la formule de la taxe sur les produits d’importations non africains a été jugée réalisable et plus pertinente. Cette taxe devrait même permettre à l’UA de disposer de beaucoup plus de moyens qu’elle n’en gagne actuellement.
C’est donc sur cette formule que tout le travail est fait aujourd’hui. Il s’agit de trouver les mécanismes techniques pour favoriser sa mise en œuvre effective. Cela comprend des ajustements tarifaires sur le plan commercial, mais aussi au niveau du cadre juridique. A ce stade, il ressort que certains Etats ont des Constitutions qui ne permettent pas de contribuer à une organisation internationale à travers une taxe; et d’autres évoquent les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou leurs partenariats bilatéraux avec certains pays hors du continent.
Au nombre de ceux qui trainent les pieds, il y a des poids lourds comme l’Afrique du Sud, l’Angola et l’Egypte. «Nous avons passé en revue l’ensemble de ces difficultés et nous estimons qu’elles sont toutes gérables. Mais, bien sûr, ça va prendre du temps jusqu’à ce que tout le monde soit confortable», a confié l’un des membres du comité de réforme de l’UA. Même si on reste loin du total des 55 pays, les experts affichent un optimiste quant à une adhésion totale de l’ensemble des Etats.
A l’occasion du 29e sommet de l’organisation, le décompte faisait cas «d’un nombre significatif de pays qui ont avancé». «Il y a dix qui sont déjà complètement prêts, une douzaine de pays additionnels sont sur la route. Donc, je crois qu’on a mis la machine en marche. Si on arrive d’ici à la fin de l’année à avoir la majorité des pays africains qui sont déjà dans ce mouvement, je pense que le pari sera gagné», espère le membre du comité de réforme.
Il peut surtout être optimiste en se référant à l’exemple de la Côte d’Ivoire. Depuis le 1er juillet 2017, le gouvernement ivoirien a décidé d’appliquer un taux de 0,2% de la valeur CAF (Coût, Assurance et Fret) des marchandises importées des Etats non membres de l’Union africaine et destinées à la consommation. Ce, conformément à la taxe adoptée par l’UA. L’on s’attend à ce que, très rapidement, les sept autres pays de l’UEMOA, parmi lesquels le Burkina, emboitent le pas de la Côte d’Ivoire. En effet, au sein de l’UEMOA, l’on a déjà une expérience dans une telle démarche.
Une partie du financement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine provient d’une taxe de 1 % sur les importations, prélevée et versée par chacun des 8 pays de l’Union. L’application de la taxe UA ne devrait être qu’un simple ajustement dans cet espace de l’Afrique.
Au Burkina, le président Roch Kaboré semblait déjà adhérer entièrement au principe dès son adoption lors du 27e sommet. «La taxe de 0,2% sur les importations, qui sera à la disposition de l’UA, permettra de couvrir les frais de fonctionnement, le budget-programme et toutes les actions de maintien de la paix que nous devons entreprendre», avait-il indiqué à son retour de Kigali, en juillet 2016.
Karim GADIAGA
En finir avec l’incongruité et établir un équilibre
Beaucoup d’Africains, y compris les chefs d’Etat, ont du mal à comprendre et à admettre la dépendance actuelle de l’UA aux financements extérieurs. Cette dépendance est d’autant plus aberrante, aux yeux de ces derniers, que l’Afrique qui dispose de 500 milliards de Dollars de recettes fiscales soit considérée comme pauvre. «Il est inacceptable que nos financements proviennent de l’extérieur», déclarait le président nigérien, Mohamadou Issoufou, lors du sommet de Kigali en juillet 2016.
L’autre problème que cette taxe devrait résoudre est celui du poids actuel du financement interne. Il est inégalement réparti entre Etats membres. Les 15% du financement sont le fait des pays comme l’Egypte, l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Nigeria. Les autres Etats présentent généralement des arriérés de cotisations. Ce nouveau système de financement par la taxation est jugé plus équilibré.