Société-Culture

Corruption en 2016 : Les Forces de l’ordre dans une mauvaise passe

 

Le rapport 2016 sur l’état de la corruption au Burkina Faso produit par le Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC) a été publié le 30 juin 2017. Sur les 2.000 personnes interrogées dans le cadre de l’enquête, 52% trouvent que les pratiques de corruption sont fréquentes, voire très fréquentes, au Burkina Faso. Un taux nettement inférieur à celui de 2015 (87,4%).

Qu’est-ce qui explique cette baisse ?
Le témoignage de ce salarié de Banfora illustre cette situation: «Les pratiques de corruption sont rares, parce que les agents publics craignent de plus en plus d’être dénoncés». Il est suivi par cette enseignante de Ouagadougou qui estime que la veille citoyenne en matière de gestion des affaires publiques fait que les actes de corruption sont de moins en moins visibles. «La corruption n’existe pas, parce que dans les services que je fréquente, je n’ai pas été confrontée au phénomène ; et je n’en ai pas entendu parler», a déclaré une retraitée à Manga. Mais certaines personnes interrogées ont fait face à la corruption au cours de l’année 2016. C’est le cas de cet étudiant à Koudougou: «Habituellement, pour obtenir un service dans des administrations publiques, il y a une sorte d’obligation d’offrir une rétribution illégale aux agents qui y travaillent». Et, cet indépendant de Fada N’Gourma, lui, estime qu’il est quotidiennement amené à offrir des rétributions illégales pour obtenir un service non soumis à paiement.

La corruption a-t-elle régressé ou progressé en 2016 ?

Pour 51,9% des répondants, la corruption est en régression en 2016 au Burkina Faso. Cette proportion est en hausse comparativement à l’année 2015 (47,7%). Pour le RENLAC, ce constat montre qu’après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, le phénomène de la corruption a amorcé une tendance à la baisse. Par ailleurs, certaines mesures prises en réponse aux exigences et revendications des citoyens ont certainement contribué à forger un sentiment de régression de la corruption dans notre pays. Les témoignages des enquêtés corroborent ces arguments. «Cette année, j’ai vu un policier qui a refusé de prendre l’argent qu’un transporteur lui tendait lors d’un contrôle sur un axe routier, c’est un bel exemple», rapporte une indépendante à Ouagadougou. Cette aide familiale de Ouahigouya a déclaré que l’an passé, au niveau des concours de la fonction publique, les cas de fraudes étaient flagrants. Par contre, cette année, on peut remarquer que tout s’est bien passé». Mais le témoignage de ce retraité à Pouytenga vient modérer les propos ci-dessus: «Comparée à l’année passée, la corruption a progressé parce que, cette année, non seulement on en parle plus que l’année passée, mais également les faits et les comportements des autorités liés au fléau laissent à désirer».
Des personnes enquêtées ont déclaré avoir offert personnellement au moins une fois une rétribution illégale à un agent public afin d’obtenir un service non soumis à paiement.

Mais qu’est-ce qui a changé dans les actes de corruption ?
Ces rétributions illégales ont été faites financièrement, en majorité. Ce sont les villes de Kaya et de Pouytenga qui ont enregistré les plus fortes proportions.
L’agent de service public ou parapublic a été, pour 52,7% de cas, l’initiateur de la pratique corruptrice et l’usager de service pour 36,7% des cas. Seulement 10,6% des cas rétributions irrégulières ont été initiées par un intermédiaire. Les montants offerts de manière illégale varient entre 200 et 4 millions de FCFA. Tout en admettant que leurs actes ont des effets néfastes sur les prestations des administrations publique et parapublique, les personnes enquêtées ont cité comme principale raison qui les pousse à pratiquer la corruption l’urgence du besoin de service: «Un salarié, à Ouagadougou, a expliqué qu’en mai 2016, après avoir accompli toutes les formalités d’abonnement à la SONABEL sans avoir son compteur d’électricité, il a pris attache avec un agent qui lui a pris 15.000 FCFA, parce que, semble-t-il, il aurait une rupture de compteurs. Le compteur a été installé le même jour». Les agents publics ont aussi reconnu avoir personnellement reçu les fruits de la corruption dont le montant cumulé s’élève 511.000 FCFA, avec des extrêmes de 500 à 350.000 F CFA. La majorité (53,4%) était des femmes. Un agent du public de Ouagadougou explique les conditions dans lesquelles il a accepté de l’argent de la corruption. En mars 2016, il a été accosté à son service par un usager pour l’enregistrement d’un marché. Plusieurs pièces manquaient à son dossier. Il est revenu 2 jours après avec le dossier complet et a pu enregistrer normalement son marché. Puis, il a laissé sur son bureau une enveloppe contenant 15.000 FCFA. «Voilà comment j’ai été contraint d’accepter une rétribution illégale de la part d’un usager après un service non soumis à paiement». D’une manière générale, reconnait le RENLAC, au cours de l’année 2016, les transactions financières cumulées suite à des cas de corruption s’élèvent à 30,050 millions de F CFA. Au total 658 enquêtés ont été acteurs directs ou témoins de corruption en 2016 contre 548 en 2015. Cet accroissement pourrait s’expliquer par le fait que de plus en plus les langues se délient en matière de dénonciation de faits de corruption.

Elie KABORE


Les services perçus comme les plus corrompus en 2016 (par décroissant)

Police municipale
Marchés publics
Douane
Gendarmerie
Enseignement secondaire
Justice
Impôts
DGTTM
Police nationale
Enseignement primaire
Trésor
Santé
Mairie
SONABEL
ONEA
CNSS
CARFO.

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