Quelle stratégie pour la relance de l’économie burkinabè dans le contexte actuel? Le Dr. Daniel Kaboré, directeur exécutif du Centre d’analyse des politiques économiques et sociales (CAPES), a donné des réponses à cette préoccupation majeure, à travers une communication présentée à la faveur de la première session ordinaire de l’année 2017 du Conseil économique et social (CES) tenue du 23 mai au 19 juin 2017 sous le thème: «Les contraintes factorielles à la relance et à la compétitive de l’économie burkinabè: enjeux, défis et perspectives pour une mise en œuvre réussie du Plan national de développement économique et social (PNDES)».
Daniel Kaboré a d’abord décrit le contexte de l’économie burkinabè. Le Burkina Faso est un des rares pays qui ne disposent pas de ressources naturelles abondantes. Mais le pays a réussi à afficher des taux de croissance constamment élevés sur une décennie. En effet, entre 2000 et 2010, le taux de croissance était de 5,4% en moyenne contre une moyenne de 3,3% dans la zone UEMOA, selon les données du FMI.
Mais depuis 2011, l’activité économique a été marquée par un ralentissement, avec l’instabilité socio-politique qui a créé un sentiment d’incertitude. Une situation qui a conduit à un certain attentisme de la part des investisseurs et le report ou l’annulation de plusieurs manifestations d’envergure.
Le changement institutionnel intervenu après l’insurrection d’octobre a engendré un grand bouleversement dans l’activité économique avec des répercutions sur l’activité économique. On a observé une rupture d’avec la période de croissance soutenue en 2015, même si les grands équilibres macro-économiques ont été préservés.
Malgré tout, le Burkina a su faire preuve d’une résilience exceptionnelle. Une résilience qui s’est avérée très insuffisante pour amorcer un véritable décollage économique. En effet, la reprise économique amorcée en 2016 s’est poursuivie en 2017, mais reste insuffisante.
Dans ce climat de relative morosité de l’économie, quelles mesures de relance économique faut-il prendre ? s’est interrogé le directeur exécutif du CAPES.
Il estime qu’il faut tenir compte du fait que l’économie burkinabè ne soit pas assez diversifiée et soit fortement rurale. De plus, le Burkina Faso est un pays enclavé avec une forte croissance démographique.
Il dépend fortement de l’aide publique au développement, qui représentait 10% du PIB en 2015, pendant que les dépenses d’investissement restent faibles.
Autre aspect de l’économie, les recettes d’exportation sont essentiellement basées sur l’or, soit environ 70% en 2015. Il doit craindre une baisse des cours de l’or et du coton, les principaux produits d’exportation. Une augmentation des prix du pétrole ne sera pas favorable au Burkina qui pourrait faire face aux chocs climatiques.
Le pays est confronté à une dégradation de la situation sécuritaire régionale qui freine les investissements.
Le solde des échanges reste déficitaire, pendant que les flux d’investissement direct étranger, eux, restent très faibles.
Les faibles capacités d’absorption susceptibles de ralentir l’exécution du budget et l’accumulation des revendications sociales sont, entre autres, des obstacles à même d’entraver cette relance économique.
Le Burkina dispose d’un secteur bancaire sain, mais peu entreprenant. En effet, malgré l’accroissement du crédit, celui du crédit au secteur privé n’a atteint que 7% en 2015. Au plan de l’environnement des affaires, plusieurs paramètres restent à parfaire. Le Burkina a régressé dans le classement Doing Business 2017, passant de la 143e place à la 146e place sur 190 économies répertoriées.
Si la pauvreté a régressé de 40,1% en 2009 à 46,7% en 2014, des inégalités existent toujours. C’est le cas du chômage et le sous-emploi des jeunes et des femmes ; surtout en milieu urbain.
Dans le secteur de la justice, le traitement de nombreux dossiers de crimes de sang et économiques fait l’objet de controverses. Dans le domaine de la lutte contre la corruption, des cas dénoncés restent sans suite. Enfin, l’insuffisance de l’offre énergétique constitue le principal obstacle à la croissance soutenue et inclusive.
Quelles perspectives alors pour le PNDES ?
Daniel Kaboré a proposé des actions qui tiennent compte des ambitions du PNDES. Ces actions doivent permettre de remettre l’économie sur les rails de la croissance, de la création d’emplois ; et ce, dans divers domaines de l’économie. Parmi ces actions, on retient la promotion des activités à faibles revenus d’investissement, mais rentables et à gains rapides. Pour cela, il propose d’accompagner la Chambre de commerce dans la mise en place d’unités industrielles, la valorisation des produits de l’agriculture et des ressources naturelles. Le sauvetage de certaines industries en difficultés comme l’emblématique BRAFASO doit interpeller la conscience des décideurs. Pour lui, il faut impliquer le secteur privé national surtout dans la réalisation des infrastructures, notamment dans la promotion des Partenariats public-privé (PPP), en adoptant un cadre juridique et institutionnel favorable et en renforçant les capacités des acteurs publics.
L’exploitation des ressources naturelles comme le soleil et les mines a été proposée, tout comme le renforcement de certaines sociétés d’Etat afin qu’elles soient porteuses de projets d’investissement d’envergures.
Promouvoir l’économie verte et réduire les obstacles dans l’optique d’accélérer l’absorption des fonds dans l’exécution des programmes et projets de développement sont, entre autres, des mesures proposées.
Elie KABORE
La fin des grèves parmi les conditions de succès
Les conditions de succès de la relance économique reposent sur certaines exigences, dont l’absence de troubles sociaux. Il est reconnu que les multiples grèves et autres manifestations d’humeur dans l’administration pourraient constituer un véritable frein à l’exécution des actions préconisées.
Le secteur bancaire se doit d’offrir aux acteurs économiques des facilités dans la mise en œuvre de leurs actions. L’amélioration du climat des affaires passe par la révision des conditions d’investissement au Burkina.
Les dirigeants actuels doivent avoir des réflexes de protectionnisme afin de réduire les importations et de protéger certaines unités de production. Enfin, toutes ces mesures de relance de l’économie doivent être promptes, temporaires, ciblées et bien cordonnées.