Ce n’est pas un hasard si l’essentiel des pays membres de l’Union africaine soutient le retour du Maroc à cette organisation. Rabat a réussi à s’imposer comme une véritable puissance régionale. Ce repositionnement géostratégique a été amorcé depuis des années, suite à l’initiative du Souverain. En multipliant les tournées africaines, le Roi a donné une nouvelle dimension à la politique continentale du Maroc. Aujourd’hui, Rabat est considéré par les pays africains comme un partenaire fiable. Au-delà des slogans creux de certains Etats, la diplomatie marocaine en Afrique est marquée par son caractère concret.
Méga-projets, investissements, transfert d’expertises, implication dans le développement humain…, autant d’atouts qui confortent la position marocaine en Afrique. Sa réintégration à l’UA donnera certainement du punch à la coopération intrarégionale. Surtout que cette dynamique devra capitaliser les acquis des relations bilatérales entretenues par le Maroc avec plusieurs pays subsahariens.
■ Relance économique: du concret!
Au moment où plusieurs pays du nord de la Méditerranée peinent à dynamiser leurs économies, l’Afrique se positionne comme un véritable gisement de croissance. Une aubaine pour les opérateurs. Au Maroc, l’intérêt pour le continent est de plus en plus grand pour les professionnels de différents secteurs. BTP, télécommunications, banques, assurances… plusieurs groupes marocains sont déjà implantés dans différents pays subsahariens, encouragés par la dynamique lancée par le Souverain. Néanmoins, cette conquête du marché africain ne s’inscrit nullement dans une logique de calculs conjoncturels, comme l’avait précisé le Roi dans le discours de Dakar. Après plusieurs années de coopération sur le terrain avec les pays subsahariens pour «y assurer la promotion du développement économique et humain», Rabat veut passer à une nouvelle phase. Il s’agit de l’instauration d’une nouvelle coopération sud-sud, obéissant à une logique win-win.
Le Souverain a été on ne peut plus clair en soulignant que «ce retour permettra à notre pays de s’impliquer dans les stratégies de développement sectorielles en Afrique et d’y contribuer efficacement». C’est dans ce cadre que s’inscrivent les différents projets lancés lors des dernières tournées royales en Afrique. C’est le cas notamment des chantiers relatifs à l’usine de production d’engrais prévue par l’OCP en Ethiopie, l’extension du gazoduc ouest-africain, qui devra relier le Nigeria à l’Europe via le Maroc… Aujourd’hui, cette dynamique a permis au Royaume de se positionner en tant que 1er investisseur africain en Afrique de l’Ouest, avec plus de 24 milliards de DH. Il est aussi le 2e investisseur au niveau du continent.
■ Un partenaire politique crédible
Pour plusieurs pays africains, le Maroc est un allié sûr et un partenaire crédible. Son retour à l’Union africaine sera certainement marqué par une plus grande implication dans la résolution de certains problèmes politiques qui plombent les efforts de développement du continent. Cela, sans que le Maroc «ne s’immisce dans la politique intérieure des pays», comme l’a précisé le discours royal. Le Souverain avait déjà joué un rôle décisif dans la résolution de certains dossiers au niveau du continent, comme celui de la crise du Fleuve de Mano. Aujourd’hui, plusieurs défis se posent à la communauté africaine, dont certains seront examinés lors de ce 28e sommet. C’est le cas de la crise libyenne, les groupes terroristes au Mali, au Sahel… Parallèlement, l’implication du Maroc au sein de l’Union africaine permettra aussi de défendre la question de l’intégrité territoriale. L’idée est de «défendre nos droits légitimes et de corriger les contre-vérités colportées par les adversaires de notre intégrité territoriale», avait fait savoir le Souverain dans le discours de Dakar.
■ Lutte anti-terroriste: une expertise reconnue
Groupes jihadistes au Sahel, les Shabab en Somalie, Boko Haram au Nigeria…, la montée de l’extrémisme et du terrorisme est l’un des principaux défis auxquels devront faire face les Etats africains. Les flux d’armes vers ces régions, notamment suite à la chute de l’ancien régime libyen, ont transformé cette zone en un véritable bourbier. Surtout face à la fragilité de certains Etats dans cette partie de l’Afrique. L’apport du Maroc, dont l’expertise dans la lutte antiterroriste n’est plus à démontrer, est salutaire. Surtout que ce retour aux institutions africaines coïncide avec le changement au niveau de la présidence américaine, dont les contours de la politique africaine ne sont pas encore connus. Plusieurs observateurs craignent l’affaiblissement de la lutte contre certains groupes terroristes si Washington limite son appui aux efforts menés pour combattre les extrémistes de Boko Haram par exemple.
L’apport de Rabat est également décisif dans la préservation de la sécurité spirituelle au niveau du continent. Depuis plusieurs années, les relations spirituelles avec les pays subsahariens étaient entretenues via les zaouïas, comme la Tijaniya ou la Qadiriya, dont les disciples sont présents partout en Afrique. Ces liens ont été institutionnalisés suite aux requêtes faites par plusieurs chefs d’Etat africains, en termes de formation des imams. L’islam malékite, ouvert et modéré, pratiqué au Maroc, séduit les dirigeants de plusieurs Etats, même en Europe. Aujourd’hui, des centaines d’imams subsahariens bénéficient de formations à Rabat, dans le cadre de partenariats bilatéraux. Cette relation spirituelle a été renforcée par la mise en place, en juillet 2015, de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains. Elle constitue «un cadre de coopération entre les oulémas marocains et africains, en vue de préserver la religion contre les déviations et l’extrémisme, de sorte que ses valeurs magnanimes soient au service de la stabilité et du développement».
Par Mohamed Ali Mrabi | L’Economiste N°:4949