Vraisemblablement, le projet de la Société de production de poussins d’un jour (SOPROP), initié par l’Etat, est tombé à l’eau. Le 3 décembre 2014, à l’occasion de son tout premier Conseil des ministres, le gouvernement de la transition adoptait deux décrets portant respectivement «création de la SOPROP» et «approbation de ses statuts particuliers». Par ces décisions, le régime consécutif à l’insurrection populaire de fin octobre 2014 venait de concrétiser «sur papier» l’un des projets stratégiques pour l’économie nationale.
L’idée de la création de la SOPROP a été jugée à la fois comme ambitieuse et lumineuse pour le secteur de l’aviculture. La société devait être un véritable coup de pouce pour le secteur en contribuant notamment «au développement de l’industrie avicole au Burkina Faso».
L’adoption, au titre du ministère de l’Industrie et du Commerce, des décrets de création et des statuts ouvrait immédiatement la phase d’opérationnalisation de la société. Une activité confiée au ministère en charge des Ressources animales, tutelle technique de la société.
L’opérationnalisation prévoyait non seulement l’implantation d’un couvoir sur un site à déterminer, mais aussi la mise en place d’un Conseil d’administration et le recrutement d’un directeur général pour la société. Plus précisément, l’implantation du couvoir et la réalisation des plans de construction du site devaient bénéficier de l’appui du Projet d’amélioration de la productivité agricole et de la sécurité alimentaire (PAPSA), qui a réalisé l’étude technico-économique de la société grâce au financement de la Banque mondiale.
Malheureusement, jusqu’à la fin de la transition, aucun début de mise en œuvre n’avait été constaté. Aucun organe de gestion n’avait été mis en place. On pensait alors voir le gouvernement arrivé après les élections de fin novembre 2015 pendre le relais et parachever le plan.
Visiblement, c’est un projet qui n’a pas emballé le gouvernement post-transition. La SOPROP, on en parle plus. Très peu de personnes au ministère en charge des Ressources animales savent d’ailleurs de quoi il s’agit. Selon les informations que nous avons pu obtenir, cette société n’avait pas séduit grand nombre de personnes au département de la production animale.
Du moins, «ses idées n’avaient pas été partagées avec tout le monde», au point que certains confient qu’ils en ignoraient les tenants et les aboutissants. C’est comme si la SOPROP était mort-née, car visiblement sa concrétisation n’est inscrite nulle part dans les plans du gouvernement actuel. On s’attendait peut-être à la voir sur la liste des projets retenus par le Plan national de développement économique et social (PNDES). Non seulement, il n’y a pas de projet intitulé «SOPROP» dans le PNDES, mais aussi il n’y a rien qui ressemble à la SOPROP dans les 83 projets du Plan. Le service de communication du ministère des Ressources animales a promis une présentation, très prochainement, de la politique qui vise le développement de l’aviculture.
Le couvoir prévu dans le cadre de la SOPROP devait avoir une capacité de «2,5 millions de poussins d’un jour à la première année et 6 millions de poussins à la cinquième année». Les investissements pour l’installation de ce couvoir s’élèvent à 2,766 milliards de F CFA. La société, dont le siège social était prévu à Ouagadougou, devait démarrer avec un capital de 100 millions de F CFA. Sa production de poussins d’un jour destinés aux éleveurs engraisseurs devait être cédée 500 F CFA l’unité. En termes d’emplois, la SOPROP devait créer au moins 1.600 emplois indirects d’éleveurs engraisseurs en plus de 48 permanents qui allaient être directement embauchés.
La création de la SOPROP devait constituer une réponse à la demande croissante de la viande en général et de la viande blanche en particulier. Il s’agit non seulement d’approvisionner le marché en viande fiable de volaille, mais aussi de freiner la surenchère des prix sur le marché. Malgré des statistiques importantes en matière de production de volaille et d’œufs au plan national, l’offre est de plus en plus insuffisante. L’augmentation de la consommation locale, le boom minier et la propension à l’exportation ont fait grimper le niveau de la demande. Le poulet est de plus en plus consommé et les prix ne font que grimper. Pour combler le déficit, le très risqué phénomène de l’importation de la viande surgelée tend à s’installer. Des produits carnés douteux provenant des pays lointains d’Amérique, d’Océanie, d’Asie et d’Europe arrivent sur le marché.
Il y a donc nécessité de réagir pour renforcer de la production locale de volaille. D’où l’idée de booster la production des poussins d’un jour au niveau de l’élevage moderne.
Alors que les besoins nationaux en poussins d’un jour s’élèvent à plus de 6 millions de têtes par an, il était établi, jusqu’à très récemment, que la majorité (90%) des poussins engraissés dans les fermes d’élevage au Burkina sont le fruit de l’importation. Ils viennent notamment de la Côte d’Ivoire ou du Ghana, par la voie officielle ou de façon frauduleuse. Les initiatives privées de production interne de poussins d’un jour datent de moins de cinq ans. C’est dans un tel contexte que la SOPROP devait être un soutien.
Karim GADIAGA
Des initiatives privées pour combler le vide
Le projet étatique de production de poussins d’un jour n’a pas pu se concrétiser, mais depuis quelque temps des privés s’intéressent à ce secteur.
Le tout premier couvoir moderne installé au Burkina est celui de la Ferme Fadima développée par l’ancien Bâtonnier, Me Harouna Sawadogo. D’une capacité de production de 1,3 million de poussins d’un jour par an, cette ferme basée à Koubri, non loin de Ouagadougou, route de Pô, a officiellement présenté ses premiers poussins d’un jour le 19 avril 2014.
En mars 2015, Moussa Koné, promoteur de la ferme Kouna installée à Banfora, a lancé son couvoir d’une capacité de 20 mille poussins par mois.
En septembre 2016, c’est la Société ivoirienne de productions animales (SIPRA) qui a annoncé la création de sa filiale au Burkina, dénommée Société burkinabè de productions animales (SOBUPRA). Avec un couvoir pouvant produire 3 millions de poussins par an, la SOBUPRA envisage de produire des poulets dont le poids devrait atteindre 1,5 kg sous 50 jours.