Le 7 janvier dernier, le Chef de file de l’opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré, entouré de chefs de partis membres de l’opposition, était face à la presse. C’était dans le tout nouveau siège du CFOP. Après avoir félicité les Etalons pour leur parcours lors de la CAN, Gabon 2017, Zéphirin Diabré a peint le tableau «Roch en un an».
«L’année 2016 a été une année perdue pour le Burkina au plan de la gouvernance». En rencontrant la presse, le CFOP voulait présenter le mémorandum, le bilan d’une année du président Roch Marc Christian Kaboré. Pendant près de 2 heures, le réquisitoire de l’opposition était sans pitié: «Avec ce régime, les Burkinabè vivent dans l’illusion de la paix et de la réconciliation nationale». Le mémorandum de 70 pages comprend 7 grands axes qui indiquent que la gestion du pouvoir par le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) se caractérise par le «tâtonnement, les hésitations, le manque de vision et d’anticipation, le tricéphalisme, une défiance à l’autorité de l’Etat, un effacement sur la scène internationale, une gouvernance politique chaotique». Le CFOP ne semble rien y trouver de positif, puisqu’il poursuit dans son mémorandum qu’on assiste à «une morosité de l’activité économique» se caractérisant par une «faible progression des crédits (1,2%) et le non-paiement de la dette intérieure».
Le Plan national de développement économique et social (PNDES) est passé par le peigne rugueux des 33 partis affiliés au Chef de file de l’opposition. Pour Zéphirin Diabré et les siens, ce plan quinquennal a été adopté «précipitamment» et se révèle être «un véritable attelage de consommation inefficace et inefficiente des ressources publiques», si on en croit Marie Alphonse Ouédraogo, membre du CFOP, un des orateurs du jour.
Sur le plan de la diplomatie, le CFOP note un recul lorsqu’il affirme que «le Burkina en 2016 est redevenu un pays quelconque au plan régional» et son «modeste rayonnement international est en train de s’assombrir sous l’amateurisme et l’inexpérience». L’UNIR /PS de Me Benéwendé Sankara et le PAREN de Tahirou Barry (anciennement membres du CFOP et actuellement avec la majorité présidentielle) n’ont pas échappé aux flèches du CFOP. Alphonse Ouédraogo explique: «Les assistants du MPP qui devaient jouer le contrepoids pour équilibrer la gouvernance, dont l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) et le Parti de la renaissance (PAREN), ont tout abandonné après une année d’expérience gouvernementale même leur idéologie politique et leur esprit critique». Face à la presse, le CFOP s’est voulu interpellateur: «Le président du Faso se doit d’être le président de tous les Burkinabè, donc celui qui doit cicatriser les déchirures nées de l’insurrection et rassembler notre peuple.
Cela ne peut se faire sans clarifier courageusement le sort des vaincus d’octobre 2014. L’exclusion du jeu politique de certains acteurs semblant profiter au parti MPP. Des Burkinabè se demandent si le non-jugement des dossiers pendants n’est pas fait pour continuer à capitaliser au maximum et au profit du nouveau-ancien pouvoir cet avantage mal acquis». Quant au Premier ministre que le CFOP qualifie de «Premier ministre par défaut», les critiques n’ont pas manqué à son égard au cours de ces échanges avec la presse. L’opposition n’est pas satisfaite de la coordination de l’action gouvernementale. Pour elle, le «Premier ministre par défaut» affiche une «non-maîtrise du terrain, une faiblesse d’autorité personnelle et une inexpérience en matière de politiques publiques». Pour ce qui est de l’action législative, le tableau est également noir aux yeux du CFOP lorsqu’il dit: «L’action législative, après un an, est empreinte de populisme à travers des lois et des actes qui posent problèmes, à l’image de la loi portant allégement des conditions de passation de la commande publique qui est une remise en cause de la loi anti-corruption». En somme, pour le CFOP: «La morosité économique et financière, les remous sociaux, la désintégration du système éducatif, la débâcle de l’enseignement supérieur, le chômage aux trousses de la jeunesse, les violences en politique dans les mairies, le tout couronné par un niveau d’insécurité jamais égalé, une incompétence criarde qui conduit au massacre de nos soldats, autant d’indicateurs qui convainquent que ce nouveau pouvoir ne conduit pas notre pays à bon port ». Et il pointe un doigt accusateur: «L’opposition, tout de même, tient à renvoyer les Burkinabè à leur responsabilité dans la situation actuelle. C’est leur vote qui a donné le pouvoir au MPP. Ils se sont laissé berner par les promesses démagogiques, parfois par des billets de banque et d’autres considérations bizarres. Ils sont donc mal placés pour se lamenter aujourd’hui».
Alexandre Le Grand ROUAMBA
Quid de la justice?
Dans le mémorandum du CFOP, il a été indiqué qu’il y a des domaines «régaliens en jachère». Parmi ceux-là figure la justice. Pour l’opposition, «le nouveau pouvoir n’a aucun intérêt à faire la lumière sur des crimes dont lui-même connaît les secrets». Et d’ajouter: « En la matière, il n’y a pas seulement les coupables, il y a aussi les complices inculpables».
Pour Zéphirin Diabré et les siens, «les Burkinabè ont vécu cette première année du pouvoir MPP comme un déni de justice ou, plutôt, le début d’une justice sélective pour laquelle on lève l’immunité des uns et épingle d’autres par des enquêtes parlementaires, alors que certains qui ont exercé dans les mêmes conditions narguent le peuple». Le CFOP ajoute: «La justice militaire est totalement inféodée au président».
Le diagnostic économique du CFOP
Au cours de la conférence de presse du CFOP, la gouvernance économique des 12 premiers mois de Roch Kaboré a été développée par le CFOP. Pour l’opposition, l’activité économique demeure morose. Et de citer des éléments pour illustrer ses dires:
Faible progression des crédits à l’économie en 2016 (1,2%). En fin juin 2016, les crédits se chiffraient à 1.919,4 milliards de FCFA contre 1.897,5 milliards de FCFA à la fin décembre 2015.
La dette intérieure atteignait, encore au 30 juin 2016, 58,9 milliards de FCFA. Le non-paiement de cette dette intérieure hypothèque fortement tout espoir de relance économique.
La production d’or a baissé de 8,6% en 2016 consécutivement à la chute des cours mondiaux, mais aussi à l’insécurité récurrente sur les sites d’or, amenuisant ainsi la contribution de ce produit aux recettes budgétaires. Quant au manganèse, aucune production n’est attendue avant longtemps, compte tenu du contentieux qui oppose l’Etat au promoteur.
La croissance économique est de 5,4% en 2016 contre 4% en 2015. Elle est de deux points inferieure à la moyenne au sein de l’UEMOA.
Le climat des affaires est difficile à cause de la mauvaise qualité des infrastructures de transport, électricité, justice, santé, éducation.