Le Premier ministre a pris une note le 13 janvier dernier à l’attention de tout ministre du gouvernement. Cette note porte sur les «mesures portant consommation des produits alimentaires locaux par les structures publiques».
Ces mesures portent sur l’obligation pour les structures publiques d’enlever en priorité les produits locaux avant d’acheter tout produit similaire importé. De plus, le gouvernement s’oblige désormais à intégrer les mets locaux dans les menus de toutes ses activités culinaires.
L’objectif de telles mesures est selon le gouvernement de faire face aux difficultés d’écoulement des produits locaux dont la mévente crée des manques de revenus chez les producteurs.
Le communiqué du Premier ministre précise cependant que ces mesures sont «conservatrices et temporaires». Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, selon une source proche du cabinet du ministère du Commerce qui est chargé de la mise en œuvre de ces mesures, il n’y a aucune infraction aux règles du commerce communautaire encore moins à celles de l’OMC. La loi permet de telles mesures et l’encadre en termes de durée. On parle de 6 mois renouvelables une fois.
Le 23 janvier dernier, en réunion de cabinet, les techniciens du ministère du Commerce ont planché sur les modalités de mise en œuvre de la note de la primature. Des arrêtés sont attendus pour préciser, notamment la liste des produits concernés et la durée exacte de l’opération. Si pour les achats le caractère «temporaire» est primordial pour rester dans les termes des accords et conventions en matière de commerce international, pour ce qui est de l’intégration des mets locaux dans les menus des pauses-cafés et autres diners, son caractère obligatoire va contraindre, dans la durée, les prestataires de services à s’y conformer et les convives de ces pauses et autres diners-galas à de nouvelles habitudes gastronomiques. Restera à surveiller de près le prix de ces nouveaux menus dans la facturation des services
Ces mesures sont plutôt bien accueillies par le monde rural, au niveau des organisations de producteurs. Le président de la Confédération nationale des organisations paysannes du Faso (CPF), qui a lancé depuis quelques années une campagne de plaidoyer en faveur de la consommation des produits locaux, pense que cette décision va dans le bon sens, mais attend de voir le contenu des arrêtés d’application. Mais son président, Basiaka Dao, estime qu’il faut aller au-delà des achats pour voir comment on fait la promotion des produits locaux afin qu’ils soient vraiment compétitifs.
Cette mesure tombe au moment où une structure comme la Fédération nationale des organisations paysannes (FENOP) et un de ses partenaires ont lancé une étude sur la transformation et la commercialisation des produits locaux en vue d’un plaidoyer en faveur des productrices en vue d’améliorer leurs revenus. Comme le dit l’adage «on est jamais mieux servi que par soi-même», les organisations de producteurs n’ont pas attendu la formalisation de cette mesure pour imposer aux prestataires de leurs cérémonies les produits burkinabè. L’hôtel Entente à Bobo-Dioulasso offre à son menu du petit déjeuner le choix à ses hôtes : café croissant ou bouille aux galettes. Tout comme la chaine de restaurant Dankan qui offre un large éventail de mets locaux aux visiteurs de la ville de Sya. Ces sillons sont à approfondir pour une généralisation de l’offre «consommons burkinabè». Sur les produits qui vont constituer cette liste, figurera en bonne place le riz. La production est en hausse constante suite aux divers appuis en intrants du gouvernement. Elle couvre à peine les besoins nationaux avec seulement 48%. Mais on observe des méventes sur certaines plaines. La mesure gouvernementale pourrait faire du bien aux producteurs de riz, principalement. L’Union nationale des producteurs de riz, dans le cadre justement du plaidoyer des organisations paysannes, est en contrat avec le Mena pour alimenter les cantines scolaires. Basiaka Dao estime également que si l’armée qui est un gros consommateur venait à signer un tel accord, ce serait à l’avantage des producteurs locaux. Idem pour le Centre national des œuvres universitaires (Cenou) et ses restaurants universitaires. Outre le riz, le maïs, le sorgho, le mil, l’huile de coton et le soja pourraient aussi figurer sur la liste.
FW
Ce que dit la note du Premier ministre
«Face aux difficultés d’écoulement des produits locaux engendrant des problèmes de revenus aux producteurs nationaux, le gouvernement a décidé de prendre des mesures fortes à titre conservatoire et temporaire en vue de soutenir la commercialisation et la consommation des produits locaux essentiellement alimentaires. Il s’agit notamment de :
– l’obligation pour les structures publiques consommatrices de produits alimentaires d’enlever en priorité ceux d’origine locale avant tout acte d’achat de produits similaires importés
– l’obligation pour les structures publiques d’intégrer les mets locaux dans les menus des pauses-café, des pauses-déjeuners, des diners galas, des diners-débats lors des ateliers, des conférences, des groupes de travail, des comités de réflexion, des commissions techniques, des sessions de conseils d’administration, des sessions de comité de pilotage ainsi que de toute cérémonie officielle».o
Le point de vue des prestataires
Si les producteurs attendent de voir la mise en œuvre concrète de la décision du gouvernement, les prestataires que nous avons rencontrés y sont plutôt favorables, dans la mesure où elle profitera à d’autres couches de la société. Pour la gérante de Kalina Services, c’est une bonne chose parce que «nos mets locaux ne sont pas aussi chers que les mets européens ou asiatiques et en plus ils sont sains et naturels et on en connait la composition».
A Faso Deguste, un restaurateur qui sert dans quelques services de la place à Ouagadougou, on estime que cette décision confirme une tendance qui est déjà en cours, notamment au niveau de la boisson: «Depuis quelque temps, certains services demandent exclusivement des boissons locales à leurs pauses-café et déjeuner».
Cependant, les prestataires ont quelques appréhensions.
Si pour les amuse-bouches, la responsable de Faso Deguste ne trouve pas d’inconvénient à tenir son cahier des charges, elle pense que des réajustements vont s’opérer dans les menus avec l’introduction de nouvelles recettes. Sa crainte principale: avec les mets locaux, il sera difficile d’honorer certaines commandes subites à cause des temps de cuisson. En ce qui concerne le montant des prestations, cette dernière pense qu’il n’y aura pas de variations importantes.
Tel n’est pas le cas pour cette autre restauratrice «Roaming Restaurant» qui pense que si la demande est forte, les prix d’acquisition des produits locaux entrant dans la composition des mets vont grimper. Elle cite en exemple la difficulté pour avoir le pain de signe pour en faire du jus.
A Kalina Services, c’est la saisonnalité des produits locaux qui inquiète. Les menus seront fonction de la disponibilité des produits du cru et cela peut jouer sur le prix des prestations.