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Techniques agricoles améliorées : Augmenter le taux d’adoption

De 1960 à 1980, l’Asie et l’Amérique latine ont connu leur « Révolution verte ». Cet effort, visant à étendre les techniques agricoles existantes aux nations les moins industrialisées, a entraîné une croissance importante de la productivité agricole. Cela n’est cependant pas le cas en Afrique subsaharienne, où le rendement des terres et la rentabilité des récoltes sont particulièrement faibles et stagnent depuis longtemps. Des chaînes d’approvisionnement qui fonctionnent mal, un marché du crédit absent ou encore un manque d’information sur les techniques et leur utilisation sont autant de freins potentiels à une adoption plus large de ces méthodes modernes de production agricole.
Face à ce constat, de nombreux Etats africains, ONG ou bailleurs internationaux ont testé différentes stratégies pour encourager l’utilisation d’intrants et de techniques agricoles permettant d’améliorer la productivité.
Une expérimentation réalisée au Kenya par des chercheurs affiliés à J-PAL a étudié le taux d’utilisation des engrais en liaison avec la liquidité des producteurs. Il a alors été proposé à des agriculteurs d’investir juste après la période de la récolte dans des bons échangeables contre des engrais livrés six mois plus tard, lors de la plantation pour l’année suivante.
sanrghoLes résultats de l’étude au Kenya montrent qu’encourager les agriculteurs à payer les engrais à l’avance, au moment où ils ont la liquidité de la récolte, augmente leur utilisation d’environ 14% – par rapport à des villages témoins. Ces effets sont comparables à ceux obtenus avec une réduction de 50% du prix, plus tard dans la saison. Ainsi, encourager les agriculteurs à investir au moment où ils ont des liquidités peut entraîner des effets positifs sur l’adoption, et ceci à un faible coût. En s’appuyant sur ces résultats, une équipe de chercheurs affiliés à Innovations for Poverty Action a conduit une évaluation sur l’adoption de techniques améliorées pour la culture du sorgho au Burkina Faso. Cette recherche souhaite évaluer si le fait de varier le prix des intrants et/ou la période de vente auprès des producteurs augmente la demande des agriculteurs. En parallèle, l’étude analyse si les réseaux sociaux des agriculteurs renforcent les messages de vulgarisation tout en promouvant l’adoption d’intrants. Un échantillon de 164 villages a servi à tester les différentes hypothèses. Six groupes de villages « test » et un groupe témoin (A-F ci-dessous) ont été ainsi définis.
Tous les villages du groupe « test » ont bénéficié de formations conduites par des agents de l’Institut de l’environnement et des recherches agricoles (INERA) sur une technique agricole particulière appelée «microdosage.» En plus de ces formations, 8 villages du groupe
A ont reçu des kits d’intrants agricoles, composés de 7kg de semences améliorées de sorgho et de 32kg d’engrais NPK, distribués gratuitement de façon aléatoire parmi les producteurs. Dans les groupes B (16 villages) et C (15 villages), des kits ont également été distribués gratuitement, mais cette distribution a ciblé les personnes influentes au sein de la communauté. Cette approche a pour objectif d’analyser la diffusion de l’information au sein des réseaux sociaux et son impact sur l’adoption des nouvelles techniques agricoles.
Les groupes D, E et F ont été conçus de manière à cerner les effets du côté de l’offre en variant le prix et la période de vente. Dans chaque groupe, les engrais sont vendus lors des foires à intrants dans lesquelles les kits d’intrants agricoles sont proposés aux paysans. Dans les villages du groupe D, les foires ont eu lieu fin février, après la récolte. Les agriculteurs ont reçu les kits d’intrants au moment des semis, et en lien avec les commandes faites plus tôt dans la saison. Les foires à intrants pour les groupes E et F ont eu lieu en juin, au moment même des semis. Dans le groupe E, l’engrais était vendu au prix du marché, tandis que le groupe F bénéficiait d’une subvention à hauteur de 20%.
Les résultats suggèrent que les subventions seules ne sont pas efficaces pour augmenter le taux d’adoption des intrants et que les engagements précoces – où les individus s’engagent à en acheter au moment où ils ont des liquidités – peuvent augmenter les investissements en intrants. Les taux d’adoption varient substantiellement selon les offres. Parmi ceux qui se sont vu offrir l’engagement tardif au prix du marché, seuls 5% ont acheté des kits. Parmi ceux qui se sont vu offrir l’engagement tardif avec subvention, seuls 6% ont acheté des kits. Le taux d’adoption du groupe avec engagement précoce était meilleur: 18% ont acheté des kits.
Pour ce qui est de l’impact des réseaux sociaux, les résultats sur l’adoption de la technique de «microdosage» de la première année après le programme montrent qu’elle est plus importante au niveau village là où il y a eu une distribution aléatoire des kits (11% des ménages adoptent) par rapport à des stratégies de ciblage basées sur les réseaux d’influence (9%) ou sur le nombre de connexions que le producteur a (7%).
La conclusion que nous pouvons tirer de ces résultats est que l’organisation du marché des intrants a plus d’importance pour la décision d’investir que la diffusion de l’information par des personnes d’influence. Enfin, on observe que les femmes ont moins de probabilité d’adopter de nouvelles technologies que les hommes, probablement du fait d’un moindre accès aux facteurs de production. Cependant, elles ont plus de probabilité d’utiliser cette technologie lorsque les kits d’intrants leur sont aléatoirement assignés (groupe A).
L’étude sur l’adoption du « microdosage » dans le contexte de la production du sorgho au Burkina Faso n’est pas encore finie et plusieurs enquêtes de suivi sont prévues afin de déceler les effets d’adoption sur le long terme. Ce sont des petits pas pour que l’Afrique trouve sa voie vers une nouvelle révolution verte.

Par Melinda Smale, Andrew Dillon et Maria Porter

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