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Relance économique : Quel sort pour les recommandations de la CRNR ?

 

Comment réaliser une vraie réconciliation au Burkina pour enfin parvenir à mobiliser l’ensemble de ses filles et fils autour des valeurs de civisme et de travail, nécessaires au développement ? Pour le moment, c’est comme si le pays ne disposait pas de formule. Pourtant, il y a plus d’un an, le 14 septembre 2015 précisément, la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR), mise en place pendant la Transition, remettait officiellement aux autorités le fruit de son travail en faveur de la réconciliation au Burkina.
Après l’insurrection populaire de fin octobre 2014, le choix a été fait de s’appuyer sur l’ensemble des symboles forts de cet évènement marquant pour amorcer un renouveau démocratique et impulser, de manière inclusive, un véritable progrès économique et social au Burkina.
C’est une volonté qui doit permettre, non seulement de se réconcilier avec le passé mais aussi envisager sereinement l’avenir. C’est dans cet esprit que la mission a été confiée à la CRNR d’identifier les facteurs qui entravent la cohésion nationale et aussi proposer les pistes de solutions débouchant sur un pays apaisé et tourné sereinement vers le progrès.
Dans son travail, la Commission a fait quasiment le tour de tous les domaines de la vie au Burkina. Un tour qui a notamment concerné les domaines de la « vérité et de la justice», celui des « réformes constitutionnelles, politiques et institutionnelles », « la place et le rôle des médias » mais aussi un domaine clé comme l’économie. Les politiques économiques du Burkina, la façon de gérer les finances et la chose publiques ont été identifiées comme des éléments essentiels qui jouent sur la cohésion entre les Burkinabè.
Le format du rapport de la Commission est établi en deux parties. La première dressant l’état des lieux dans chaque domaine et la seconde proposant des recommandations.
Dans son diagnostic sur la situation économique, la CRNR estime d’abord que le Burkina n’a pas à pavoiser sur son évolution économique entre 1996 et 2013, pourtant présentée comme une bonne performance macroéconomique. Si entre 1996 et 2013 le pays a enregistré le meilleur taux de croissance de l’UEMOA, en moyenne 6,2% contre 3,9% pour l’ensemble de l’Union, la comparaison avec d’autres régions du monde notamment l’Asie, sur la base du PIB par habitant, fait ressortir les limites de l’économie burkinabè. Entre 1961 et 2012, le PIB par habitant a été multiplié par 9 au Burkina et par 11 dans la région de l’Afrique subsaharienne. Sur la même période, il a été multiplié par 80 en Chine et par 247 en Corée du Sud. La CRNR a noté plusieurs contraintes structurelles à l’économie burkinabè. Il s’agit principalement du « le régime des changes et le système monétaire », « la politique budgétaire est corsetée par les critères de convergence de l’UEMOA dont les fondements rationnels et scientifiques sont peu évidents et la compatibilité avec le développement économique très contestable », « les contraintes de libre-échanges imposées par les accords que le pays a signés avec l’OMC ». Sur ce point, la CRNR indique, qu’au regard de l’histoire du développement économique, ces accords « semblent incompatibles avec un essor réel de l’appareil productif et l’industrialisation au Burkina ». Les autres problèmes de l’économie burkinabè sont «l’absence d’une véritable stratégie d’impulsion du secteur privé de la part de l’Etat», « la faiblesse et l’insécurité de l’investissement privé », «absence d’une véritable ambition et stratégie d’industrialisation avec en sus l’absence de lutte contre la fraude et la concurrence déloyale», «absence de politiques structurantes pour les métiers l’artisanat et de la culture », « un système financier encore inadapté aux besoins économiques et sociaux ».
Outre ces problèmes structurels, il se trouve que la mauvaise gestion des finances publiques, marquée par les indélicatesses, la corruption, l’incivisme et le non respect du bien public, a également tiré l’économie du Burkina vers le bas.
C’est pourquoi, pour une relance économique qui participe à la lutte contre la pauvreté et à l’épanouissement des Burkinabè, la CRNR a fait des recommandations à travers ce qu’elle a appelé « les voies du renouveau ».
D’abord, il est question de renforcer la gouvernance des finances publiques et réhabiliter la sanction des mauvaises pratiques. Réduire le train de vie de l’Etat et le mettre en phase avec le niveau réel des ressources. Lutter contre la corruption en général, et dans les marchés publics en particulier.
En vue de promouvoir l’investissement, la CRNR recommande l’opérationnalisation de la Caisse des dépôts et investissements (CDI) afin qu’elle assume un rôle stratégique du développement du financement et de l’investissement. Comme au Ghana, 30% des recettes minières devraient être réservées à l’investissement.
A propos des unités économiques sinistrées, victimes des dégâts et casses lors des manifestations publiques, elle propose d’instaurer des mesures de réparations ciblées sur les dommages réels. Selon un inventaire dressé par la Chambre de commerce et d’industrie aux lendemains de l’insurrection populaire de fin octobre 2014, c’est au total 106 entreprises sur l’étendue du territoire qui ont été sinistrées lors des manifestations.
La CRNR recommande également de «soutenir l’industrie en luttant contre la fraude», « soutenir la diversification des filières et le développement agricoles (riz, niébé, sésame», « soutenir le développement du secteur textile artisanal et semi-industriel », « soutenir le développement de l’artisanat d’art », «développer l’économie numérique », « lutter contre les monopoles de fait et oligopoles et renforcer le contrôle des prix », « bâtir un système financier au service du développement économique et du progrès social ». Pour la CRNR, le renouveau économique ne peut se faire en ignorant ces pistes.

Karim GADIAGA


Des recommandations délaissées ?

Où en est-on aujourd’hui avec la mise en œuvre des recommandations de la CRNR ? Soucieuse de la prise en compte effective de ses recommandations, la Commission avait tenu à ce que tout candidat à la présidentielle passée s’engage, à travers une signature, à s’approprier le document une fois élu. C’est ainsi que les 14 candidats avaient signé la fameuse charte de la réconciliation nationale.
Par ailleurs, dans ses conclusions, le rapport avait été très insistant sur le caractère fondamental des recommandations. « La CRNR recommande, prestement, la mise en œuvre des voies du renouveau. En cette période charnière de la vie de la Nation, le dilatoire réservé par le passé à plusieurs rapports importants, l’instrumentalisation politicienne ou l’autisme sur les défis pressants soulevés et les pistes de solution envisagées alimenteraient un délitement éthique, politique, économique et socioculturel et conduiraient le pays vers les incertitudes plus graves et des chemins d’errance », peut-on lire.
Mais jusque-là, on a du mal à voir la mise en œuvre des voies du renouveau sur le plan économique. Dans le chapitre réparations, le Haut conseil de la réconciliation et de l’unité nationale (HCRUN), créé aux fins de suivre les milliers dossiers de crimes de sang, économiques, sociaux, administratifs est dans une léthargie. En plus, de l’avis d’éminents économistes comme le Dr Ra-sablga Ouédraogo, le PNDES qui est le nouveau référentiel, ne s’appuie pas suffisamment sur les recommandations économiques de la CRNR.

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