C’est en principe ce 12 septembre que la commission d’enquête parlementaire sur les titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises doit remettre son rapport au président de l’Assemblée nationale. Après 90 jours de travail, quels sont les grandes tendances du rapport ?
La première tendance qui s’y dégage est le climat social dans le secteur des mines où un véritable malaise a été relevé. Ce malaise est lié aux questions d’emploi des cadres nationaux, d’emploi des communautés qui abritent les mines. L’externalisation systématiquement des employés par les mines, à travers des cabinets qui s’y sont spécialisés, est une autre préoccupation parce que les travailleurs ne savent plus qui est leur employeur.
Des mésententes existent sur les heures supplémentaires, et de nombreux conflits de travail sont pendants devant les tribunaux suite à des licenciements de travailleurs. A ce propos, la législation du travail, notamment le Code du travail, a été indexée. Sur la question des recrutements, il faut s’assurer que des nationaux vont acquérir les compétences dans les métiers de mines.
Le service public de l’emploi doit veiller à ce qu’il n’y ait pas une concurrence déloyale entre les nationaux et les expatriés. Sur la base de ces expériences, la volonté politique devrait faire le reste.
La deuxième tendance confirme les soupçons de fraude dans le secteur. Les documents de structures crédibles comme la Banque mondiale et certaines ONG qui ont alerté l’opinion sur la pratique de fraude de l’or dans le pays l’avaient déjà relevée.
A cela s’ajoute certaines évidences. Le Comptoir burkinabè des métaux précieux qui était une structure publique pouvait collecter plus de 8 tonnes d‘or en 2006, lorsqu’il a été dissout. Depuis 2006 où le secteur a été libéralisé, 105 autorisations de création de comptoirs de commercialisation d’or ont été attribuées. Paradoxalement, on assiste à une baisse drastique des valeurs d’or exportées. Cette situation s’explique par le manque de transparence dans les activités de ces comptoirs, source première de la fraude. Les identités des propriétaires de ces comptoirs étant connues, le gouvernement n’aura donc pas du mal à trouver une solution à ce problème.
Une troisième tendance qui se dégage est le dénuement matériel et humain du département en charge des mines. Un paradoxe est à relever sur ce point. Le Burkina connait un boom minier qui pourrait laisser croire que ce département pouvait se développer et être à même d’assurer le suivi du secteur et avoir une capacité nationale de négociations de meilleurs contrats. Il n’est pas exclu qu’une des recommandations ou résolutions tende à exiger la ratification des conventions minières par le parlement.
La quatrième tendance concerne la suite à donner à ce rapport. Les députés membres de la commission sont soucieux du devenir de leur rapport.
Lors des sorties de terrain, ils ont senti que la suite du rapport préoccupait les populations. Cette enquête ne doit donc pas être une de plus.
Etant donné qu’une volonté politique et populaire dit que les choses ne doivent plus être comme avant, les recommandations adressées au gouvernement doivent connaitre des suites. Pour se donner plus de marge de manœuvres, les députés comptent poser certaines actions eux-mêmes à travers des résolutions et des propositions de lois, sans attendre le gouvernement.
La cinquième tendance du rapport est la position de la commission sur l’application du Code minier de 2015. Sur ce sujet, ses membres estiment qu’il ne faut pas tergiverser. La loi votée étant l’expression de la volonté populaire, il faut donc les textes d’application pour que le Code entre pleinement en vigueur.
Toutefois, la commission a noté la très bonne collaboration du département des mines à cette enquête, tous les membres du gouvernement qui ont été appelés se sont présentés, ce qui a permis à la commission d’avoir un certain nombre d’informations.
Elle a relevé une grande mobilisation des organisations de la société civile, des personnes travaillant dans les mines, qui sont venues chacune avec ses préoccupations. Ce qui va aussi influencer les résultats concernant les questions sociales.
La commission est composée de députés de tous les bords politiques, mais cela n’a pas du tout été ressenti. Les discussions menées ont toujours abouti à un consensus. Seuls les faits étaient déterminants.
Les députés veulent tous, à travers les résultats de cette enquête, permettre aux peuples d’espérer que le secteur minier soit géré autrement.
Elie KABORE
Le ministère des Finances n’a pas collaboré
La plus grande déception de la commission concerne le ministère de l’Economie, des Finances et du Développement. La commission lui a posé la question de savoir à combien s’élevaient les exonérations accordées aux mines ? Cette demande avait pour but d’évaluer l’apport des sociétés minières et l’impact des exonérations sur le budget national. La réaction du ministère n’a pas été à la hauteur des attentes des parlementaires. Face à la rétention d’informations et de documents, la commission a recruté un expert-comptable. Muni d’une accréditation des parlementaires, il a pour mission de s’adresser à toute administration compétente qui gère les exonérations, afin de ressortir la valeur des exonérations fiscales et douanières accordées aux sociétés minières de 2005 à nos jours. Pourtant, ces données existent au niveau de certaines structures comme la douane et les impôts. Qui au ministère de l’Economie, des Finances et du Développement n’a pas intérêt à ce que les montants des exonérations soient connus ?