A quel stade se situent les travaux de la Commission d’enquête parlementaire (Cep) sur les titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises, installée le 14 juin 2016 par une résolution de l’Assemblée nationale ? La recherche de la réponse à cette question nous a conduits à Tenkodogo où les membres de la commission étaient en retraite. A l’hôtel Djamou où ils ont établi leur base, ils travaillent durement sur les conclusions du rapport. Le 31 août 2016, les travaux ont pris fin vers 21h30, pour reprendre très tôt le lendemain matin. Nous avons relevé une bonne ambiance de travail. Le président de la Commission, le député Ousseni Tamboura, a accepté de nous recevoir pour aborder du processus de travail de la commission. Il nous apprend que suivant les termes de la résolution qui a mis en place la commission, elle disposait de 60 jours pour déposer les résultats de ses travaux. « Mais au regard de l’ampleur des tâches, de l’importance des défis suite aux premières auditions et aux premières informations collectées, la commission a jugé utile de demander à prolonger les travaux jusqu’à 90 jours ».
Ainsi, depuis le13 août, le mandat de la commission a été prolongé jusqu’au 12 septembre 2016, date à laquelle elle doit déposer le rapport général, le rapport de synthèse qui comprend les recommandations et les résolutions de l’enquête, sur le bureau du président de l’Assemblée nationale.
L’ensemble des membres du bureau de l’Assemblée nationale sera le destinataire du rapport final. « Très probablement, la plénière des députés va connaitre du rapport, se prononcer sur un certain nombre de sujets dont la mise en œuvre des résultats», indique le député Tamboura pour qui il appartient à la plénière de l’Assemblée nationale de se prononcer sur la nécessité de rendre public ou non le rapport.
Le rapport sera remis au président de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2016, avant son examen en plénière par les députés au cours de la session parlementaire qui s’ouvre le dernier mercredi du mois de septembre. La plénière de l’Assemblée nationale connaitra donc du rapport d’ici la fin de l’année. Mais, la commission compte communiquer à l’occasion d’un point de presse sur la méthode de travail utilisée, les grandes tendances des résultats contenus dans le rapport, afin que l’opinion soit informée. « Je ne pense pas trahir le point de vue des autres collègues membres de la commission mais, personnellement, je suis pour que l’on rende publics les résultats de ce rapport», dit le président de la commission.
Mais du 14 juin à aujourd’hui, qu’est-ce qui a été abattu comme travail?
La commission a adopté une démarche de travail qui comprend plusieurs étapes.
Elle a commencé par les auditions. Cette phase a été importante puisqu’elle a permis d’entendre exactement 1.322 acteurs étatiques et non étatiques dont 9 ministres du gouvernement actuel. « Le travail de la commission est une opportunité pour ces ministres pour qui la commission va produire un diagnostic du secteur », estime le député Tamboura. La commission a également auditionné 3 anciens ministres des mines, les représentants des sociétés minières par12 le biais de la Chambre des mines. Toutes ces auditions ont été réalisées au cours de 106 séances.
Les auditions ont été suivies par les visites de terrain. Les sorties de terrain ont concerné 10 des 13 régions que compte le pays. Les sites d’exploitation industrielle, semi-mécanisée et d’orpaillage ont été visités par les équipes qui ont rencontré à chaque étape les dirigeants des sociétés, le personnel et les populations. Les rapports des missions de terrain comportent des informations importantes à considérer, foi du président de la commission dont les membres ont ensuite procédé à l’exploitation des documents qu’ils ont sollicités à ceux qui les détiennent. La commission a procédé à une deuxième série d’auditions parce que les premières auditions et les visites de terrain ont fourni des orientations sur des sujets qu’il faillait approfondir. C’est ainsi que le département en charge des mines a naturellement été auditionné au moins 3 fois. A cette étape, des acteurs organisés ou non en associations, qui n’avaient pas été identifiés dès le départ, ont été entendus.
Elie KABORE
On doit s’attendre à des poursuites judiciaires
Lorsque nous avons cherché à savoir quels sont les résultats de l’enquête, le président de la commission a affirmé qu’il ne sied pas de dévoiler les résultats parce que dans les termes de la résolution qui met en place la commission, les autres députés sont les premiers destinataires du rapport. Mais il a partagé avec nous les grandes tendances du rapport. Sur ce plan, la commission a relevé que la responsabilité de certaines personnes est fortement engagée dans la perte de recettes pour le pays. « Après avoir fait perdre des milliards de FCFA à l’Etat, on ne peut pas rester sans être interpelé sur le plan moral et juridique », nous a-t-il confié. On doit donc s’attendre à des poursuites judiciaires, puisque la commission a pris le soin de s’attacher les services d’un cabinet d’avocats qui suit les auditions et émet des avis juridiques.
Des témoins spontanés décrivent le circuit de la fraude de l’or
L’une de nos préoccupations adressées au président de la commission est le résultat de l’appel à témoins lancé dès la mise en place de la commission.
« Je pense que le choix qui a été fait a été bénéfique, parce que des acteurs qui n’étaient pas sur le listing des personnes à rencontrer se sont présentés à nous alors que l’on ne soupçonnait pas qu’ils pouvaient apporter quelque chose », affirme le député Tamboura. Il indique que ces acteurs sont venus spontanément livrer un certain nombre d’informations qu’ils détenaient. C’est par ce truchement que la commission a eu des informations sur le dossier emblématique de la mine de Poura. « L’appel à témoins nous a aussi renseignés sur comment les différents titres étaient délivrés et comment ils étaient revendus. Les témoins sont venus parler de l’école des mines et de la question de la formation ». Une autre question mise sur la table des députés par les témoins est celle de la fraude de l’or. Sur la base des témoignages, la commission pourra décrire comment cette fraude s’organise dans son rapport et attirer l’attention du gouvernement sur les mesures à prendre.