Le Plan national de développement économique et social (PNDES), référentiel pour la mise en œuvre du programme présidentiel de Roch Kaboré, constitue-t-il une réponse en phase avec le contexte du Burkina? Est-il adapté aux aspirations du peuple après l’insurrection?
Quels sont ces points de convergence avec la prospective Burkina 2025? Quelle place pour le secteur privé et quels sont les enjeux de la démarche qualité dans l’application de ces programmes?
Telles sont les questions qui ont été posées à des économistes réunis dans le cadre d’un panel offert par la 26e édition des Journées nationales de la qualité (JNQ), organisées le 26 et 28 juillet derniers.
Si, de façon générale, les observateurs estiment que ce nouveau plan est «plus enviable» que le précédent, les panelistes des JNQ émettent encore des doutes, restent prudents, caressent le pessimisme et ne manquent pas surtout de noter des défis qui devraient être relevés pour permettre à ce plan de développement d’atteindre véritablement des résultats appréciables.
Parmi les points positifs, il ressort que le PNDES est en phase avec la prospective «Burkina 2025».
«Une prospective est une vision large, lointaine, et le PNDES qui est une vision sur une courte durée peut être considéré comme un business plan de Burkina 2025», souligne le Consultant international Pierre Claver Damiba, qui estime que le PNDES est «un bon document technique».
L’autre point positif à mettre au compte du PNDES, selon le Dr Ra-sablga Ouédraogo, directeur exécutif de l’institut Free Afrik, c’est le caractère réaliste des taux de croissance qu’il vise. On peut lire dans la version soumise à l’adoption du Conseil des ministres du 20 juillet 2016 que «le PNDES s’inscrit dans le scénario volontariste, visant un taux de croissance de 5,7% en 2016, 8,8% en 2017, 9,5% en 2018, 9,4% en 2019 et 8,9% en 2020».
Par ailleurs, Dr Ouédraogo note qu’il y a eu un effort dans l’ancrage du programme présidentiel. «Ce qui n’était pas le cas de la SCADD», dit-il.
Pour ce qui concerne la place du secteur privé dans le PNDES, Timothée Dabiré, directeur de la Prospective et de l’intelligence économique à la Chambre de commerce et d’industrie, note plusieurs actions dont la concrétisation devrait être favorable à la dynamisation du secteur privé, notamment l’industrialisation.
Toutefois de nombreux défis, tels que l’accès à l’électricité, l’aménagement des zones industrielles devraient être relevés préalablement.
Là où le PNDES reste sous le feu des critiques, soumis au doute et suscite la prudence, c’est lorsqu’il s’agit de répondre précisément si ce référentiel constitue «une réponse structurelle et une politique industrielle».
La question était posée à Dr Ra-Sablga Ouédraogo qui, à la tête de l’Institut Free Afrik, avait déjà fait une évaluation ex-ante du plan.
L’avis de Dr Ra-Sablga est sans ambages. «Non, le PNDES ne constitue pas une réponse structurelle et il ne constitue pas, non plus, une politique industrielle», affirme-t-il. Pour lui, le PNDES comporte des reproches qui avaient été déjà faits à la SCADD.
Il s’agit notamment de la faiblesse du diagnostic sur lequel il s’appuie. Ce diagnostic ne semble pas prendre toute la mesure des problèmes qui caractérisent la société burkinabè.
Il s’agit notamment des problèmes sociaux, économiques, démographiques, environnementaux. «Le diagnostic du PNDES est trop sommaire, partiel, insuffisant. Il n’est pas systématique», dit-il dans un document publié par l’Institut Free Afrik. «Le PNDES n’est pas une réponse structurelle, car il ignore ou ne prend pas suffisamment en compte certaines question de structure comme la dépendance aux aléas climatiques, la dépendance aux cours des matières premières, la crise énergétique, l’évolution démographique, la vacuité des lieux de connaissances, la défaillance de la politique sanitaire», estime Dr Ra-Sablga.
Il indique par ailleurs que pour être une politique industrielle, le PNDES aurait pu s’inscrire dans «une mission de la protection de l’accès au marché et aussi s’engager dans la lutte contre la fraude qui sont des véritables obstacles à l’émergence d’une industrie locale».
Quand au modèle de transformation structurelle prôné par le PNDES, qui met l’accent sur une forte croissance du secteur secondaire (industrie) et tertiaire (commerce et services), le directeur de Free Afrik estime qu’il va accentuer les inégalités entre les riches et les pauvres et entre la ville et la campagne, car il néglige 70% de la population appartenant au secteur primaire.
Par ailleurs, le PNDES est critiqué pour la faiblesse de son ambition lorsqu’il souhaite ramener le taux de pauvreté à 35% en 2020, alors que les précédentes politiques ont fait mieux entre 2009 et 2014.
Dr Ra-Sablga critique aussi la stratégie de mobilisation des ressources pour le financement du PNDES qui mise sur l’extérieur, sans prendre en compte l’interne, qui est pourtant indispensable.
Karim GADIAGA
Le PNDES a raté son premier test selon Dr Ra-Sablga
L’un des principaux reproches que le Dr Ra-Sablga fait au PNDES c’est qu’il ne prend pas en compte les chocs naturels et ne prévoit pas de dispositif pour contenir leurs effets. De ce fait, le plan est hors-jeu selon le directeur de Free Afrik. «Pour moi, le PNDES a échoué dès qu’il y a eu inondation le 20 juillet dernier», indique Dr Ra-Sablga
«Un mois après les discussions pour son adoption, il y a un choc naturel. Or, il est important de considérer les chocs naturels dans notre contexte. Si on observe, sur notre existence, on n’a jamais connu 3 ou 4 bonnes saisons qui se sont succédé.
Il aurait fallu mettre en place des dispositions institutionnelles et financières à côté pour qu’on puisse les activer quand c’est nécessaire. L’inondation du 20 juillet a été le premier test grandeur nature.
La gestion de cette situation est l’illustration que le PNDES n’est pas en phase avec la réalité».