LONDRES – Le monde entier, après que les électeurs britanniques ont décidé de quitter l’Union européenne, a ressenti l’onde de choc, et l’Afrique ne fait pas exception, en raison, notamment, des liens historiques étroits qui l’unissent à de nombreux États membres de l’UE. Experts et pouvoirs publics ont été prompts à déplorer ce nouveau nuage d’incertitudes obscurcissant l’horizon économique africain, ne laissant que trop prévoir des lendemains difficiles.
La Namibie fut la seule à minimiser les conséquences du Brexit, probablement parce que ses exportations vers l’UE ont significativement diminué au cours des dernières années. Mais le reste de l’Afrique a raison de prendre le problème au sérieux, pour ce qui concerne, du moins, les perspectives à court terme.
Malgré tout, sur le long terme, l’Afrique devrait se montrer plus optimiste. L’angoisse qui a suivi le Brexit traduit surtout une conception traditionnelle sans grand rapport avec les véritables objectifs économiques tant des pays africains que du Royaume-Uni.
Les cris d’alarme lancés à une Afrique exportatrice de matières premières vers l’Europe et le Royaume-Uni reposent sur l’hypothèse implicite que la coopération entre les deux continents est vouée, par essence, à se limiter au commerce des produits de base.
Or, l’Afrique aspire à beaucoup plus. À mesure que sa population, très jeune, atteindra l’âge adulte, elle réclamera plus d’innovations et réduira sa dépendance aux exportations de matières premières. Adopté par l’Union africaine (UA) en 2013, l’Agenda 2063 offre un cadre à cette évolution et vise à faire du continent un regroupement d’«économies de l’apprentissage»: diversifiées, tirées par l’éducation et par l’innovation, avec une position plus forte dans les chaînes mondiales de production que ne la confère l’extraction de matières premières.
En 2014, l’UA a adopté la Stratégie pour la science, la technologie et l’innovation en Afrique à l’horizon 2024 (Science, Technology, and Innovation Strategy for Africa – STISA-2024) – une feuille de route qui appelle les instances dirigeantes nationales et régionales à augmenter les investissements dans les infrastructures de recherche, dans l’éducation ainsi que dans les environnements nécessaires à l’innovation technologique et au développement des entreprises. Au-delà de ces investissements initiaux, le plan définit aussi un cadre pour la coopération entre l’Afrique et ses voisins septentrionaux.
Le programme STISA place la coopération scientifique au-dessus des politiques nationales. Si le vote en faveur du Brexit est généralement considéré comme le symptôme d’une montée du sentiment nationaliste au Royaume-Uni, il ne s’en suit pas que ce dernier – ou, en ces matières, tout autre État continuant d’appartenir à l’UE – cessera de considérer la science et la technologie comme des facteurs de croissance.
De fait, des scientifiques unissent déjà leurs efforts en Grande-Bretagne pour réclamer que les financements européens destinés aux institutions de recherche britanniques ne soient pas compromis par les négociations de sortie.
Quelle que soit l’issue d’une telle initiative, les probabilités demeurent fortes que l’Afrique conclue à l’avenir des partenariats avec le Royaume-Uni et l’Union européenne afin d’intensifier son action en faveur de l’innovation.
Dans le futur, peut-on espérer, les questions nationales et supranationales auront moins d’importance pour l’innovation. Mais la compétition qui s’instaure entre les États membres de l’UE et le Royaume-Uni, qui a cessé d’en être membre, pourrait déboucher sur de nouveaux investissements pour les sciences et la technologie au sein de ces pays. Ils se porteront sur les centres traditionnels de dispersion de l’innovation – situés dans des villes disposant d’universités et de laboratoires de recherche, où les secteurs scientifiques et techniques sont développés, où les obstacles réglementaires au développement des entreprises sont moins nombreux.
À l’instar de la Silicon Valley, ces centres de dispersion deviendront des écosystèmes infranationaux, mais présents au niveau mondial. Que les innovations proviennent du Royaume-Uni, de l’Union européenne ou d’ailleurs, les pays africains qui s’y seront préparés y trouveront, via les marchés internationaux, des opportunités.
Des ajustements dans la diplomatie économique de l’Afrique sont pour cela nécessaires. Le Rwanda, l’Ethiopie et le Kenya ont déjà infléchi leur politique étrangère, notamment pour ce qui concerne le choix et l’envoi de leurs ambassadeurs, afin de donner la priorité aux questions économiques et commerciales dans une perspective mondiale.
Traduction François Boisivon
Copyright: Project Syndicate, 2016.
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Un avenir plus favorable
La position de l’Afrique sur la scène économique mondiale va notablement s’améliorer lorsque se concluront, en 2017, les négociations de l’Accord de libre-échange continental (Continental Free Trade Area –CFTA), qui ouvrira un marché de plus d’un milliard de personnes, pour un PIB, au départ, d’environ 3.000 milliards, supprimant les barrières douanières et dynamisant l’investissement dans les infrastructures, afin de donner aux pays africains les moyens industriels d’affronter la concurrence mondiale.
Pour tout dire, le CFTA est l’occasion d’une refonte des relations qu’entretient l’Afrique avec le Royaume-Uni et avec le reste du monde.
Les prévisions pessimistes d’après-Brexit lancées à des économies africaines axées sur les exportations passent à côté d’un fait capital: ces économies dépendront bientôt beaucoup moins des exportations de produits de base.
Si l’on tient compte, en revanche, du potentiel de l’Afrique en matière d’innovations et de création d’entreprises, les perspectives à long termes laissent entrevoir un avenir nettement plus favorable.