C’est en 1998 que Thomas Granier (Français) et le Burkinabè Seri Youlou décident de lancer un projet social afin de vulgariser la construction en voûte nubienne. Une solution qui permet l’accès pérenne à un habitat adapté au plus grand nombre. Deux ans plus tard, en 2000, ils créent l’Association voûte nubienne (AVN) et se mettent à former via le compagnonnage les paysans dans la province des Balé, à Houndé et dans le Centre-Ouest du Burkina Faso. La stratégie est simple: les promoteurs diffusent ainsi par le marché la technique de la voûte nubienne en faisant émerger le savoir-faire des maçons. Comment cela fonctionne?
Dans un village, l’association repère une personne clé sur laquelle elle s’appuie pour sensibiliser les habitants à la technique de la VN. Une fois un premier groupe de clients et d’apprentis identifié, l’équipe fait venir un artisan formateur en VN qui lance le marché en formant les premiers maçons sur les premiers chantiers. Progressivement, le marché va s’élargir, s’autonomiser et toucher les autres villages de la zone et de la région. «Les maçons que nous formons sont indépendants, ils ne sont pas salariés.
Nous les accompagnons à la recherche de clients, mais nous ne prenons rien en contrepartie. C’est la promotion de la voûte nubienne qui nous importe en tant qu’association. Et, il peut arriver que l’association s’arrête un jour, mais si la technique est connue et adoptée par les artisans, ils pourront continuer à la promouvoir comme leur gagne-pain», explique le coordonnateur de l’association, Boubacar Ouily. Aujourd’hui, l’association affiche 380 maçons formés et 300 apprentis en formation, pour 20.000 bénéficiaires directes.
Les grandes villes s’y mettent aussi
Les voûtes nubiennes essaiment désormais la région de Boromo (siège social de l’association) et s’étendent à cinq autres régions. Les grandes villes sont désormais touchées par cette technique de construction. Ouagadougou, la capitale du pays, n’y échappe pas, et cela n’est pas pour déplaire aux promoteurs de l’AVN car les citadins commencent à comprendre les enjeux.
Les mois de mars et d’avril sont les plus chauds au Burkina. Les températures frôlent par endroit plus de 40 degrés à l’ombre. Dans les maisons et les bureaux construits pour la plupart en parpaings de ciment ou en béton, aucune issue confortable sans les ventilateurs ou les climatiseurs qui tournent à plein régime. C’est donc une période de forte consommation d’énergie. Malheureusement, la société nationale d’électricité n’arrive pas à satisfaire cette hausse ponctuelle de la demande, et cela dure des années. D’où des programmes de délestages dans les grandes villes pour gérer avec parcimonie cette rareté qu’est devenue l’énergie. Pourtant, au cœur de la capitale, dans le quartier chic de Ouagadougou, à Ouaga 2000, où les villas et les bâtiments futuristes rivalisent de design, et dans le quartier résidentiel de Tanghin, une nouvelle forme de construction trace son sillon.
La voûte nubienne s’y fait plus présente et se distingue par ses formes rondes, l’épaisseur de ses murs et par le fait qu’elle est sans toiture et se construit sans bois. Cette «nouvelle architecture» n’utilise que des matériaux locaux: banco, sol argileux, paille. Les citadins se mettent progressivement à l’éco-habitat, à la grande satisfaction des promoteurs.
Une demande de plus en plus forte
Après 14 ans de sensibilisation, de formation d’entrepreneurs sociaux, le modèle est en passe de décoller. Boubabar Ouily, coordonnateur de l’association voûte nubienne, explique: «Depuis trois ans, nous sommes submergés de demandes de construction.
En 2014, nous n’avons pas pu satisfaire 43 demandes. En 2015, ce sont 23 demandes qui n’ont pas pu l’être». Tout en restant sur son cœur de cible qui est le monde rural, l’association s’adapte à la demande qui devient un puissant vecteur de promotion de la technique, mais aussi de création d’emplois tant au village qu’en ville.
Abdoulaye TAO
S’adapter à la ville
Idrissa Sawadogo raconte que plusieurs clients lui soumettent des plans à base de parpaings de ciment et lui demandent de construire selon la technique de la voûte nubienne (VN). Il a donc fallu que les mâcons lèvent la contrainte inhérente à technique de la VN. L’écart entre deux murs ne peut dépasser 3,25 m. Alors que les citadins aspirent à de grands salons. C’est ainsi qu’on voit aujourd’hui des bâtisses avec des poutres en béton au milieu, mais qui n’enlèvent rien au confort de l’habitat, précise le fondateur de l’Association voûte nubienne, Thomas Granier, présente désormais dans cinq pays (Burkina Faso, Mali, Sénégal Ghana et Bénin).
Seule ombre au tableau, l’AVN semble se battre seule au plan national. Les autorités, touchées à plusieurs reprises, sont encore timides à intégrer le concept dans les offres d’enseignement professionnel ou encore à permettre la construction d’infrastructures communautaires de base sur le modèle de la voûte nubienne.
L’association a donc besoin d’investisseurs sociaux pour poursuivre sa mission. L’espoir du directeur national de l’AVN est de voir un jour les entrepreneurs en BTP intégrer cette technique dans leurs offres. Quant à Thomas Granier, il pense déjà à renforcer les capacités managériales des maçons.