En attendant les prochaines appréciations des structures spécialisées comme l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) habituées à émettre des avis, l’observation des faits caractéristiques de l’économie du Burkina en cette période ne pousse pas à l’optimisme. Les avis de certaines personnes ressources, au cœur des structures stratégiques de l’économie nationale, manquent de confiance quant à une réelle reprise soutenue de l’activité économique en 2016. D’aucuns estiment plutôt qu’il faudra repousser plus loin les perspectives du retour à une situation économique flamboyante. Même là, il y a un bémol. Pour ces observateurs, il faudra en effet que les facteurs comme le climat social, la stabilité politique et la sécurité puissent être au rendez-vous. « Il est évident qu’un front social surchauffé, avec des grèves et des revendications sociales tout azimut, comme cela semble s’établir actuellement, ne sera pas favorable aux investissements publics. L’argent ira plutôt vers la résolution des revendications. Or, un Etat qui n’investit pas est un Etat qui se meurt », estime un observateur avisé de l’économie nationale.
La même remarque s’étend au climat politique, qui devrait être rassurant pour ne pas influencer négativement la vie économique. Une autre grosse inquiétude qui pourrait plomber la relance économique est la question sécuritaire, avec le terrorisme qui a déjà frappé violemment Ouagadougou et des localités frontalières du pays. Le terrorisme fait fuir les investisseurs, ralentit la circulation des marchandises, nuit au tourisme et à la fréquentation des hôtels. Autant d’éléments qui, s’ils devenaient contextuels, pourraient alors jouer négativement sur le plan de l’économie.
Le Burkina Faso tente son renouveau
Aujourd’hui, on peut clairement comprendre que la fin de la transition et l’arrivée d’un nouveau pouvoir démocratique à l’issue de la présidentielle du 29 novembre 2015 ne constituent pas une fin en soi. Tout dépend véritablement de la capacité des nouvelles autorités à trouver les solutions qui correspondent aux aspirations de la population. Les chantiers à engager sont nombreux dans ce contexte de retour à l’ordre sur le plan politique.
Au-delà de la promotion de la justice, de la lutte contre l’impunité et la corruption, c’est la relance économique à travers la promotion des affaires qui pourra véritablement réconcilier les Burkinabè et assurer au pays des lendemains seriens.
Mais visiblement, la relance économique est non seulement piégée par les passifs handicapants de la transition, mais semble aussi souffrir d’un manque d’engagement réel de la part du pouvoir. Une sorte d’attentisme ou de retard à l’allumage qui apparait souvent comme un aveu d’incapacité. C’est ce constat qui a d’ailleurs conduit l’opposition politique à qualifier les 100 premiers jours de pouvoir de « tâtonnements et d’hésitations ». L’incertitude politique qui prévalait depuis l’insurrection populaire et pendant toute la période de la transition a fortement ralenti le niveau des investissements et surtout des importations. Par ailleurs, les sinistres subis par certaines entreprises pendant l’insurrection ont réduit leurs capacités d’action ou carrément entrainé leur fermeture. Un coup qui se répercute sur toute l’économie alors que des mesures de soutien n’ont pas été prises jusque-là. On estime que c’est environ 47 milliards de F CFA que les entreprises ont perdus lors de l’insurrection. En plus de cela, les conséquences du coup d’Etat du RSP ont été très négatives sur l’économie. Le mot d’ordre de grève des syndicats a entrainé l’arrêt des activités économiques et l’absence des opérations de dédouanement pendant presque trois semaines, voire plus. Un coup dur pour les recettes douanières qui tournent autour de 1, 5 milliard par jour. Le coup de grâce a été donné par les attentats du 15 janvier 2016 à Ouagadougou. Cet épisode a produit une mauvaise image sur le plan sécuritaire. Chose qui a sérieusement freiné les investissements, vider les hôtels et retarder le retour à une situation économique normale.
C’est ainsi que les caisses de l’Etat ont été privées de recettes supplémentaires. Cette situation, s’ajoutant aux dépenses effrénées sous le régime de la transition, a créé un lourd passif pour les autorités actuelles. Les caisses de l’Etat sont vides, situation maintes fois rappelée par le président du Faso. Par ailleurs, l’Etat doit encore faire face à une dette intérieure dont l’étendue est imprécise. Au rythme où naissent les revendications dans les différentes catégories professionnelles de la Fonction publique, la tâche s’annonce ardue pour le gouvernement. Où trouver l’argent pour faire face à tous ces problèmes ? L’aide extérieure ne pourra pas être une solution durable.
Or, le problème est que l’économie du Burkina ne présente pas aujourd’hui les meilleurs signes qui vont permettre de rattraper rapidement le déficit financier et satisfaire les demandes. En termes de recettes internes, c’est sur les impôts qu’il reste véritablement la possibilité de manœuvrer encore pour renflouer les caisses du Trésor. En effet, il y a la possibilité d’exploiter de nouvelles niches, de créer des taxes ou d’identifier des contribuables non répertoriés.
Au niveau des douanes, l’autre importante régie financière, la situation présente des caractéristiques peu encourageantes. Le volume de l’impôt de porte est essentiellement tributaire du dynamisme des activités d’importations. Or, d’après nos sources, le niveau des importations, qui a baissé depuis la période de l’insurrection populaire et est resté timide pendant la transition, n’a pas encore trouvé un rythme satisfaisant. On parle même de la pire période depuis trois décennies. Dès lors, la marge de manœuvre au niveau des services des douanes semble réduite.
A défaut d’affirmer que la régie douanière est en difficulté, elle se trouve dans une situation où elle ne dispose pas de capacités supplémentaires pour participer à l’effort financier dont le Burkina a besoin en cette période. Les charges sociales et le règlement des passifs sur le plan financier risquent d’absorber l’essentiel des ressources. Dans cette situation, il restera très peu d’argent pour les investissements publics. Résultats : l’Etat pourra difficilement lancer des appels d’offres et octroyer des marchés qui vont relancer l’activité des différents fournisseurs. Sans investissement, il n’y a pas de relance économique.
Karim GADIAGA
Une reprise probable au 1er semestre de 2017
L’année 2016 s’annonce hors de portée sur le plan de la relance économique. Certains observateurs, parmi les plus optimistes, tablent sur une reprise à partir du 1er semestre de l’année 2017. Pour cela, il faudra que tous les voyants au niveau de l’environnement (sécurité et climat social) soient au vert. Dans sa dernière appréciation de la situation économique du Burkina, en décembre 2015 tout juste à la fin de la transition, l’agence de notation américaine S&P tablait sur des perspectives reluisantes. S&P a indiqué que l’activité économique commencera à rebondir en 2016 pour donner une croissance de 6%. Cette activité économique devait être stimulée par « l’augmentation de la production minière et la hausse de l’investissement public ». Désormais, on sait que même si la croissance va repartir dès 2016, elle sera moindre que prévu. Le gouvernement Thiéba évoque 5,2%.